Mais pourquoi le projet de décret sur la chasse au cerf fait-il polémique ?
Avancer la date d’ouverture de la chasse au cerf au 1er juin. C’est le calendrier que le Gouvernement a l’intention d’adopter afin de réguler ce cervidé qui ne cesse de se reproduire dans l’Hexagone. Une consultation publique a été lancée afin de recueillir l’avis de la population. 20 Minutes fait le point sur les enjeux de ce projet de décret controversé.
Que prévoit le projet de décret ?
En France, les dates d’ouverture de la chasse au cerf varient selon les départements, car elles sont fixées par arrêté préfectoral chaque saison. Traditionnellement, la chasse au cerf débute le 15 septembre et se termine le 31 mars. Le gouvernement a présenté un projet de décret qui vise à avancer au 1er juin la date d’ouverture de la chasse au cerf élaphe. Ce grand cervidé connu pour ses bois impressionnants s’est fortement reproduit dans l’Hexagone depuis 1945, notamment depuis l’instauration d’un plan de chasse obligatoire. Cette surpopulation peut « conduire au surpâturage et provoquer des dégâts agricoles et forestiers importants », affirme l’Office français de la biodiversité. En allongeant de trois mois la saison de la chasse, le gouvernement espère ainsi réguler davantage ce grand gibier qui a étendu sa présence sur le territoire.
Où et comment donner son avis ?
Depuis le 19 février dernier, le gouvernement recueille les avis des Français via une consultation publique accessible ici. Chaque contributeur peut y déposer un commentaire et écrire « Favorable » ou « Défavorable » dans le titre de son message. Le mercredi 5 mars, plus de 9000 personnes avaient contribué à la consultation publique. A l’issue de la consultation le 11 mars prochain, le projet de décret nécessitera un avis du Conseil d’Etat.
La population de cerfs a-t-elle réellement augmenté depuis 40 ans ?
Oui, les cerfs se plaisent dans nos forêts. C’est le moins que l’on puisse dire. La population de ce mammifère a été multipliée par 11 entre 1973 et 2019, d’après le réseau Ongulés sauvages qui regroupe principalement l’OFB et les Fédérations de chasseurs. Sa prolifération s’explique, notamment, par l’instauration de plan de chasse qui ont permis aux cervidés de se reproduire en toute sécurité. Mais aussi par l’absence de grands prédateurs, comme le loup, qui ont fait un timide retour dans l’Hexagone depuis une trentaine d’années (environ 1000 individus recensés).
Les cerfs sont-ils de plus en plus chassés en France ?
Oui. Lors de la saison 2023/2024, 87 802 cerfs ont été prélevés, c’est-à-dire chassés ou capturés, soit une hausse de 7,4 % par rapport à la saison précédente. « Ces prélèvements dépassent pour la seconde fois consécutive les 80 000 animaux prélevés et atteignent un nouveau record », analyse le réseau Ongulés sauvages. En 1973, les quotas de chasse pour les cerfs portaient sur 2 339 individus, indiquait la Cour des comptes l’an passé dans un rapport. Ce nombre est passé en 2024 à 12 733.

Quels sont les arguments des défenseurs de ce projet ?
« Trop d’ongulés nuit aux forêts. » Sur son site Internet, l’Office National des Forêts (ONF), établissement public placé sous la tutelle de deux ministères (Agriculture, Transition écologique), explique que la surpopulation de cerfs, mais aussi de chevreuils, biches, sangliers menace les forêts françaises. « Présents en trop grand nombre, ces animaux consomment en quantité importante les jeunes arbres, compromettent ainsi la croissance et le renouvellement des peuplements forestiers… », affirme l’ONF. Parmi les dégâts forestiers causés par les grands ongulés, le gestionnaire des forêts françaises cite l’abroutissement, c’est le nom donné au broutage par les animaux sauvages des bourgeons, feuilles, aiguilles et jeunes pousses.
Pourquoi les associations environnementales s’y opposent-elles ?
Plusieurs associations écologistes (France nature environnement, LPO…) rejettent fermement l’ouverture de la chasse à partir du 1er juin. Elles craignent que l’allongement de la période de chasse des cerfs perturbe la reproduction des mammifères et des oiseaux. « C’est au mois de juin que la majorité des biches donnent naissance à leurs faons, argue France nature environnement. Chasser les cerfs à partir de juin va conduire à tuer des femelles gestantes ou pires, tuer des biches accompagnées de leurs petits ». Du côté de la LPO, ce projet risque d’encourager l’usage d’armes à feu l’été, « une époque de l’année où les promeneurs sont les plus nombreux dans la nature ». L’association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), elle, préconise de « laisser les loups recoloniser durablement les territoires », ce qui permettrait de réguler ces mammifères aux grandes cornes.