Maroc

Pénurie d’eau, rationalisation, recyclage, dessalement… le plan d’urgence de Nizar Baraka

Le Matin : Quel est l’état des lieux de la consommation d’eau au Maroc et quelles sont les marges d’amélioration en matière d’économie d’eau ?

Nizar Baraka :

La consommation d’eau au Maroc constitue un enjeu majeur en raison de la rareté des ressources hydriques et du climat semi-aride de notre pays. La gestion de l’eau doit répondre aux besoins de plusieurs secteurs, dont l’agriculture, qui représente plus de 80% de la consommation totale, principalement pour l’irrigation des périmètres agricoles. La consommation domestique, bien que modérée par rapport à d’autres pays, est en augmentation en raison de l’urbanisation et de la croissance démographique. L’industrie, quant à elle, affiche une consommation plus limitée, mais en évolution vu le développement de ce secteur.

Ces dernières années, la succession des épisodes de sécheresse a entraîné une réduction significative des ressources allouées à l’irrigation, passant de 3176 Mm³ en 2018/2019 à seulement 910 Mm³ en 2023/2024. En revanche, l’approvisionnement en eau potable est resté stable, grâce aux efforts déployés pour améliorer le rendement des réseaux et limiter les pertes. Par ailleurs, des mesures importantes ont été mises en place pour optimiser la consommation d’eau, notamment à travers la sensibilisation, la modernisation des infrastructures et la lutte contre les prélèvements illégaux dans les canaux de transfert d’eau multiservices à partir des oueds. Ces actions visent à assurer une gestion plus durable et résiliente des ressources en eau face aux défis climatiques et socio-économiques du pays.

No Image
play icon

Évidemment, les mesures mises en place par le Gouvernement ont permis d’économiser des volumes d’eau significatifs et de récupérer une part importante des pertes enregistrées dans certains bassins hydrauliques. Ces mesures concernent :

  • La lutte contre les prélèvements illicites et l’optimisation du transport de l’eau: Un contrôle rigoureux des lâchers dans les canaux de transport d’eau a été instauré, avec l’appui de la police des eaux, des autorités locales et de la Gendarmerie Royale. Une convention spécifique avec cette dernière a été signée pour intensifier la lutte contre les prélèvements illicites. Par ailleurs, le remplacement de quelques canaux ouverts par des conduites fermées a permis de réduire les pertes d’eau par infiltration ou évaporation ainsi que les prélèvements non autorisés.

À titre d’exemple, ce type de travaux a concerné les canaux multiservices de la Moulouya, ce qui a permis d’économiser jusqu’à 30% des pertes d’eau enregistrées avant les travaux. De plus, le renforcement du contrôle au niveau du canal de Rocade qui joue un rôle important dans l’alimentation en eau potable de la ville de Marrakech, a permis de réduire considérablement les prélèvements non autorisés ;

  • L’amélioration de la gestion de l’eau destinée à l’irrigation : dans ce sens, la modernisation des systèmes d’irrigation, notamment le passage de l’irrigation de surface au mode d’irrigation localisé dit goutte-à-goutte, a permis une gestion plus efficace de l’eau et une réduction des pertes. Parallèlement, les allocations d’eau ont été revues pour privilégier la sauvegarde de l’arboriculture et des cultures essentielles, incitant les agriculteurs à rationaliser leur consommation. Des restrictions ont également été appliquées aux cultures fortement consommatrices d’eau, au profit de celles plus adaptées aux conditions hydriques du pays.
  • L’optimisation de la gestion des ressources en eau de surface et souterraines : de nouvelles consignes ont été adoptées pour la gestion des barrages, rationalisant l’usage de l’eau et imposant des lâchers restrictifs pour minimiser les pertes et encourager les usagers à s’adapter aux conditions de sécheresse. Parallèlement, un nouveau cadre de gouvernance des eaux souterraines a été mis en place à travers l’adoption de contrats de gestion participative, visant à limiter la surexploitation des nappes phréatiques.
  • La sensibilisation et l’implication citoyenne : à travers des campagnes de sensibilisation menées auprès des populations urbaines et rurales pour encourager une gestion plus responsable de l’eau. En parallèle, l’application WhatsApp «MaaDialna Signalement» a été mise à la disposition des citoyens pour signaler instantanément tout gaspillage ou mauvaise utilisation de l’eau, permettant ainsi une intervention rapide et efficace.

Le changement climatique et la raréfaction de l’eau imposent une adaptation des politiques publiques. Quels ajustements sont prévus par votre Département dans ce contexte ?

Effectivement, le changement climatique est devenu aujourd’hui une réalité incontournable et le cycle de l’eau se trouve le premier affecté directement par les effets de ce changement, à l’instar des autres ressources naturelles et des écosystèmes.

Le Maroc s’est engagé depuis plusieurs décennies dans une politique de maîtrise et de mobilisation des ressources en eau, ainsi que dans l’adoption d’une démarche de planification et de gestion intégrée à long terme, ce qui lui a permis de répondre à tous les besoins en eau potable même pendant les périodes de sécheresse et à l’eau d’irrigation pour les cultures nécessiteuses selon la disponibilité des ressources en eau destinées à cette fin. Il y a lieu de souligner que notre pays traverse sa septième année de sécheresse successive depuis 2018, ce qui a nécessité d’assoir une inflexion de la politique de l’eau au Maroc basée sur les principes suivants :

  • Une diversification de l’offre en eau à travers :

-Le recours de plus en plus aux eaux non conventionnelles notamment le dessalement de l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées épurées et la collecte des eaux pluviales.

Plus particulièrement pour le dessalement de l’eau de mer en tant que solution durable, nous disposons aujourd’hui de 16 stations de dessalement de l’eau de mer produisant 277 Mm3/an, tandis que 5 autres sont en cours de réalisation avec une capacité additionnelle de 430 Mm3/an. Les efforts se poursuivent pour atteindre plus de 1,7 Milliard de m3 d’eau dessalée à l’horizon 2030. Par ailleurs, l’énergie nécessaire à ces installations sera fournie par des sources renouvelables, illustrant ainsi l’engagement du pays en faveur du développement durable et de l’atténuation du changement climatique.

En matière de réutilisation des eaux usées épurées et conformément aux Orientations de Sa Majesté le Roi que Dieu L’assiste, nous veillons strictement à ce que l’arrosage des espaces verts et des golfs soit exclusivement assuré par ces eaux. Actuellement, 35 Mm³ en moyenne sont réutilisées chaque année, avec un objectif de tripler ce volume à l’horizon 2027 ;

-L’interconnexion des systèmes et des bassins hydrauliques pour augmenter leur robustesse face au changement climatique tout en assurant une souplesse dans la gestion des ressources en eau et un renforcement de la solidarité interrégionale. Ainsi, 17 systèmes d’interconnexion sont déjà opérationnels : parmi ces projets de transfert d’eau réalisés, la phase urgente du grand projet d’interconnexion des bassins du Sebou-Bouregreg et de l’Oum Er Rbia. En effet, la mise en service de la tranche urgente en 2023, portant sur le transfert de 400 Mm³ d’eau à partir du barrage de Garde Sebou vers le barrage de Sidi Mohamed Ben Abdellah (SMBA) sur le Bouregreg, a permis d’éviter une interruption partielle prévue pour décembre 2023 de l’approvisionnement en eau potable de toute la zone côtière de Salé-Rabat au Nord de la ville de Casablanca. Les études nécessaires sont actuellement en cours de finalisation pour réaliser la tranche complémentaire du projet d’interconnexion entre le barrage de Garde Sebou et le barrage de SMBA, et acheminer l’eau jusqu’au bassin de l’Oum Er Rbia au barrage Al Massira, qui traverse une situation particulièrement critique.

-La poursuite de la politique des barrages, en plus de 149 grands barrages réalisés avant 2021, 21 autres projets de grands barrages prioritaires ont été convenus dans le Programme national pour l’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027 (PNAEPI 20-27). De ces 21 barrages, 5 ont été mis en service ce qui a permis à notre patrimoine de grands barrages d’atteindre 154 grands barrages offrant une capacité de stockage de 20,7 Milliards de m3. Les barrages qui sont en cours de réalisation sont au nombre de 16 grands barrages.

Concernant les moyens et les petits barrages, le pays dispose de 150 barrages conçus dans une perspective de développement local. 129 autres petits barrages sont programmés dans le cadre du PNAEPI 20-27 ;

-La gestion optimale et efficiente de la demande en eau : Cela concerne principalement l’amélioration des rendements des réseaux de distribution d’eau potable. Bien que le rendement global national atteigne environ 78%, certaines villes affichent encore des rendements inférieurs à 50%. À cet égard, des efforts et des programmes sont prévus pour porter ces rendements à 80% d’ici 2030.

Concernant la demande en eau pour l’irrigation, les efforts de reconversion vers des systèmes d’irrigation localisée continueront. Ce processus devra être accompagné d’une adaptation des assolements en fonction de notre contexte hydrique. Dans cette optique, il faut envisager l’élaboration, à l’échelle nationale, d’une cartographie des assolements en fonction de la disponibilité de l’eau d’irrigation, et ce afin de garantir la sécurité et la souveraineté alimentaire de notre pays.

En outre, la faiblesse des efficiences enregistrées par rapport à l’utilisation des lâchers de barrages appelle à une modernisation des équipements nécessaires à l’exploitation efficace des eaux de barrages, destinées à l’irrigation.

-Préservation et protection des ressources en eau et des écosystèmes et gestion des phénomènes climatiques extrêmes : Cela englobe la préservation des ressources en eau, en particulier les nappes d’eau souterraine qui ont enregistré des baisses record allant jusqu’à 6 mètres par an, un phénomène inédit. Dans ce sens, un programme de préservation des ressources en eau souterraine a été mis en œuvre. Il repose sur un ensemble de mécanismes efficaces et durables permettant la participation des usagers de l’eau souterraine dans la gestion et l’exploitation de ces ressources, notamment par :

  • L’élaboration d’un projet de décret relatif à la gestion participative des ressources en eaux, qui est en cours de signature par les ministères concernés ;
  • Un décret portant sur la mise en place des périmètres de sauvegarde et d’interdiction pour les zones dont les ressources en eau souterraine sont menacées du fait de leur exploitation, a été approuvé par le Conseil du Gouvernement conjointement avec un autre décret portant sur la mise en place des périmètres de protection tout autour des points d’eau destinés à l’approvisionnement en eau potable. Ces différents décrets visent la préservation des eaux souterraines et la rationalisation au maximum de leur usage ;
  • L’adoption du décret relatif au permis de foreur qui vise à réglementer cette profession et mieux suivre les travaux réalisés par les tiers ;
  • L’achèvement d’un ensemble d’études techniques ainsi que de travaux de forage d’exploration afin d’améliorer l’état de connaissance notamment des nappes profondes ;
  • La préservation des ressources en eau s’étend également aux retenues des barrages. En effet, l’augmentation des températures a entraîné une évaporation accrue des volumes d’eau, avec une perte d’eau évaluée à plus de 500 Mm³ au niveau de l’ensemble des retenues durant l’année hydrologique 2023-2024. Face à ce défi, un projet innovant d’installation de panneaux solaires flottants sur la retenue du barrage de Tanger Med a été lancé. Ce premier projet national vise à réduire l’évaporation de l’eau tout en produisant de l’énergie propre, illustrant ainsi une démarche doublement bénéfique pour la gestion de l’eau et la transition énergétique ;
  • Il s’agit également d’améliorer la prévention des inondations, en accélérant la mise en œuvre des mesures prévues par la Loi sur l’Eau, ainsi que de mettre en place rapidement des projets visant à protéger les écosystèmes vulnérables, notamment les zones humides et les oasis. À cet égard, nous tenons à mettre en avant l’exemple du barrage Fask dont la mise en eau anticipée a joué un rôle clé dans la protection des populations de Guelmim lors des inondations survenues en septembre 2024.

De plus, il convient de souligner que le ministère de l’Équipement et de l’eau, en étroite concertation et coordination avec les principaux acteurs du secteur de l’eau, est en train d’actualiser la Stratégie nationale de l’eau ; l’objectif étant de disposer des éléments nécessaires pour revisiter le projet du Plan national de l’eau 2020-2050 en vue de soumette une nouvelle version revue à la Commission interministérielle de l’eau lors de sa prochaine session. Cette révision permettra de satisfaire à la nécessité de s’adapter aux impacts du changement climatique dans notre pays pour assurer 100% de la demande en eau potable, industrielle et touristique et 80% de la demande en eau d’irrigation, et ce en application des Hautes Instructions Royales.

Comment le ministère de l’Équipement et de l’eau soutient-il les initiatives du secteur privé en matière d’économie d’eau et de réutilisation des ressources hydriques ?

Des incitations (financières, réglementaires, etc.) sont-elles prévues pour les entreprises qui investissent dans des technologies de recyclage et de réutilisation de l’eau ?Le ministère de l’Équipement et de l’eau (MEE), en collaboration avec les agences de bassins hydrauliques, soutient activement les initiatives du secteur privé pour promouvoir l’économie d’eau et l’utilisation des ressources en eau non conventionnelles, telles que la réutilisation des eaux usées épurées, le dessalement de l’eau de mer et la collecte des eaux pluviales. Dans ce cadre, trois textes d’application de la Loi n° 36-15 relative à l’eau sont en cours de finalisation ou révision, à savoir :

z Le projet de décret sur la réutilisation des eaux usées épurées, qui permet au pétitionnaire de bénéficier d’incitations financières et techniques et d’une exonération de la redevance liée à l’autorisation de l’agence de bassin hydraulique ;

z Le projet de décret sur la collecte des eaux pluviales, qui se fait également sous autorisation et offre des aides techniques et financières ;

z Le projet de décret sur le dessalement de l’eau de mer, visant à encourager les investissements privés dans ce domaine, avec la possibilité d’un contrat de concession ou d’une autorisation en fonction de l’usage.

S’agissant de la réutilisation des eaux usées épurées, le ministère de l’Équipement et de l’eau soutient activement cette composante en réalisant des études, en élaborant des conventions de partenariat avec le secteur privé et en offrant un appui financier et technique, notamment pour les golfs et complexes touristiques. La Loi n° 36-15 relative à l’eau et l’Arrêté n° 1405.15 régissent l’aide financière et l’assistance technique des agences de bassins hydrauliques.

Le ministère de l’Équipement et de l’eau a également lancé un travail de révision des normes de réutilisation des eaux usées épurées pour garantir leur conformité aux exigences sanitaires et internationales, en particulier pour les événements sportifs à venir.

De plus, dans le cadre des subventions à l’investissement, le MEE octroie une prime de 3% du montant d’investissement pour les projets qui utilisent des eaux non conventionnelles et adoptent des actions d’économie d’eau. En somme, le MEE adopte une approche complète pour encourager l’économie d’eau et la réutilisation des ressources hydriques, en combinant les incitations financières, les régulations favorables et le soutien technique.

Existe-t-il des projets ou programmes pilotes visant à optimiser l’usage de l’eau dans les secteurs industriels et agricoles ? Quels secteurs économiques sont les plus avancés en matière d’économie d’eau et quelles bonnes pratiques pourraient être généralisées ?

Conscient de la situation actuelle des ressources en eau, notre pays met en place divers projets et programmes visant à optimiser leur utilisation dans les secteurs industriels et agricoles, afin de mieux gérer cette ressource précieuse et de relever les défis posés par sa rareté, notamment en raison du changement climatique. Ceci concerne deux principales approches :

z L’approche de l’offre par l’amont : Cette approche se concentre sur la gestion optimale des infrastructures de mobilisation de l’eau. Des consignes de gestion sont mises en place au niveau des ouvrages, avec l’objectif principal de rationaliser les usages et de réduire les pertes ainsi que le gaspillage de l’eau. Elle incite toutes les parties prenantes à adopter une gestion rationnelle et restrictive de l’eau pour maximiser l’efficacité de chaque volume destiné à un usage spécifique ;

z L’approche de la demande par l’aval : Cette stratégie vise à gérer la demande en eau directement sur les points d’usage, notamment dans les secteurs industriel et agricole, afin de garantir une utilisation plus efficace et durable de l’eau disponible.

Dans le secteur industriel :

Le MEE a consenti des efforts importants pour appuyer et accompagner les industriels sur les aspects qui touchent à l’économie de l’eau et à l’utilisation des eaux non conventionnelles dont particulièrement la réutilisation des eaux usées épurées (REUSE).

En effet, à travers les Agences de bassins hydrauliques beaucoup de projets de dépollution et d’économie d’eau au niveau des processus industriels ont vu le jour. À titre d’exemple, 29 projets ont bénéficié des aides financières octroyées par le ministère à travers les agences de bassins hydrauliques pour un montant dépassant 100 MDh.

Par ailleurs, afin d’inciter les nouveaux projets à instaurer les principes de développement durable, le Gouvernement, dans le cadre de la Loi-Cadre n° 03-22 formant charte de l’investissement et ses textes d’application, a mis en place la prime de développement durable. Elle concerne, entre autres, les actions d’économie d’eau et l’usage des eaux non conventionnelles. Parmi les critères d’éligibilité à la prime du développement durable, le critère obligatoire d’utilisation des eaux non conventionnelles telles que les eaux recyclées, les eaux usées traitées ou les eaux dessalées de l’eau de mer et la mise en place d’un système d’actions d’économie d’eau dont la collecte et l’utilisation des eaux pluviales. Dans ce contexte, le MEE joue un rôle central dans l’attribution de cette prime, en participant au traitement des dossiers et en donnant son avis déterminant sur son attribution et également en collaborant à l’élaboration des outils de travail et prise de décision, tels le cahier des charge et les check-lists à la signature de la convention et au décaissement.

Aussi, le ministère accorde un intérêt particulier à la dépollution générée par la trituration des olives et qui a un impact important sur la qualité des ressources en eau, mais également sur le bon fonctionnement des stations d’épuration des eaux usées ainsi que sur les stations de traitement d’eau potable. Dans ce cadre, le MEE et les Agences de bassins hydrauliques (ABH) financent et assurent le suivi de la réalisation des bassins collectifs d’évaporation des margines. Les ABH accompagnent également les associations en charge de l’exploitation de ces bassins (collecte des margines, transport, exploitation des bassins). Le MEE et les ABH ont participé depuis 2017 au financement des projets susmentionnés pour un montant global de près de 50 Mdhs, incluant la convention régionale de dépollution oléicole de la région Fès-Meknès. Parmi ces projets, on cite le projet M’haya, Taounate, My Driss Zarhoune, My Yaacoub, Ouazzane et Sefrou.

Le ministère a également participé en 2023 au financement du projet de dépollution des rejets des margines dans le bassin du Sebou en accompagnement à la réalisation de la tranche urgente de Sebou pour un montant de 100 Mdhs.

Enfin, il est important de citer l’expérience de l’OCP, l’un des joyaux de l’industrie marocaine, en termes d’action d’économie d’eau et d’utilisation des eaux non conventionnelles. En effet, cette industrie citoyenne s’est dotée d’une politique d’économie circulaire volontariste et s’est fixée comme objectifs de basculer pour la totalité de ses besoins en eau à l’utilisation des eaux non conventionnelles, en l’occurrence la REUSE et le dessalement de l’eau de mer.

Aussi, l’OCP contribue actuellement à l’AEP à partir des eaux dessalées de ses usines à Safi et Jorf Lasfar à l’AEP des villes de Safi, El Jadida et 80% des besoins en eau potable de Berrechid, Settat et le sud de Casablanca.

Dans le secteur agricole :

Le secteur de l’eau a été inscrit en priorité dans les plans et stratégies réalisés dans le secteur agricole, notamment :

• Le Programme national d’économie d’eau en irrigation (PNEEI) vise principalement à réduire la consommation d’eau tout en optimisant la productivité des terres agricoles. En 2019, il a permis d’étendre l’irrigation localisée à une superficie de 595.000 hectares. Ce programme a également amélioré l’efficacité des infrastructures hydrauliques grâce à la réhabilitation des canaux de transport et à leur remplacement par des structures en béton, limitant ainsi les pertes par infiltration. Par exemple, dans la région du Gharb, le rendement du réseau de transport a atteint 69%.

• Dans le cadre de la stratégie agricole 2020-2030 «Green Generation» et du PNAEPI 20-27, des actions de modernisation des systèmes d’irrigation ont été entreprises pour renforcer l’efficacité hydrique. Ainsi, en 2024, la superficie agricole bénéficiant de l’irrigation localisée s’élève à environ 850.000 hectares avec un objectif d’atteindre un Million ha en 2030.

Par ailleurs, des initiatives de mise à niveau et de réhabilitation des canaux multiservices ont été lancées à travers une convention-cadre impliquant les départements et organismes concernés. Ces efforts portent sur les canaux reliés aux barrages (Moulouya, Tadla, Al Haouz, Doukkala et Souss-Massa), afin d’améliorer leur performance et d’assurer la continuité de l’alimentation en eau d’irrigation. Cette convention-cadre s’est déclinée en accords spécifiques adaptés aux particularités de chaque ouvrage, à l’image du projet de réhabilitation du canal Zidania, actuellement en cours, avec un budget de 350 millions de dirhams.

Dans une perspective de gestion durable de l’eau en agriculture, des mesures d’adaptation des cultures aux conditions de rareté hydrique ont été mises en place, favorisant l’introduction de cultures moins consommatrices d’eau et restreignant celles qui en exigent davantage dans les zones déficitaires. Parallèlement, des efforts importants d’économie d’eau devront être étendus aussi à certaines Petites et Moyennes Hydrauliques (PMH) où l’efficience des réseaux reste modeste.

Comment le ministère travaille-t-il avec les collectivités locales pour encourager une meilleure gestion locale des ressources en eau ?En réponse à cette question, il convient de rappeler que notre pays a opté depuis une trentaine d’années pour une approche décentralisée de gestion de l’eau par bassin hydraulique, qui est d’ailleurs la base de la Gestion intégrée de ses ressources en eau (GIRE). Cette approche institutionnalisée par la Loi n° 10-95 sur l’eau est consolidée par la nouvelle Loi n° 36-15 relative à l’eau.

La répartition des ressources en eau mobilisables par bassin (dans le cadre de la solidarité interrégionale) et leur allocation par type d’usage sont définies dans les Plans directeurs d’aménagement intégré des ressources en eau (PDAIRE) et le Plan national de l’eau (PNE), élaborés et adoptés après un long processus de concertation notamment avec les collectivités locales, en attribuant la priorité à l’alimentation en eau potable, suivie par la satisfaction des besoins en eau de l’agriculture et en dernier lieu les besoins de l’hydro-électricité dans un procédé répondant parfaitement au nexus Eau–Énergie- Alimentation.

Parallèlement à la planification des ressources en eau, le ministère de l’Équipement et de l’eau mène en collaboration étroite avec les collectivités territoriales des actions pour promouvoir une gestion efficace et durable des ressources en eau. Cette collaboration se manifeste principalement par l’assistance technique et l’appui des services décentralisés du ministère (Services Eau) aux services techniques des collectivités territoriales.

Les services centraux et provinciaux du ministère apportent un soutien technique aux communes territoriales chaque fois que la demande est faite. De plus, le ministère participe financièrement aux projets locaux liés à l’eau, notamment par des subventions et des partenariats, tout en assurant la maîtrise d’ouvrage lorsque cela est nécessaire. Il convient de souligner que le ministère a toujours été l’un des premiers acteurs à intervenir, en offrant son soutien technique et financier aux collectivités territoriales (régions, communes) pour la réalisation de projets pilotes dans le secteur de l’eau, tels que :

  1. le programme de généralisation d’accès à l’eau potable en milieu rural (PAGER) lancé en 1995 ;
  2. les projets d’assainissement des centres ruraux, des écoles rurales et des mosquées ;
  3. les projets de dégagement des ressources en eau souterraines ;
  4. les projets de réalisation des petits barrages et des lacs collinaires ;
  5. les projets de protection contre les inondations ;
  6. les projets de lutte contre les effets de la sécheresse ;
  7. les projets de réutilisation des eaux usées traitées.

À travers ces projets pilotes, le Ministère partage son expertise avec les collectivités locales et leur apporte un soutien technique et financier afin de les inciter à développer leurs propres projets hydriques dans le respect des bonnes pratiques.

Aussi, le ministère collabore avec les collectivités territoriales, souvent à leur demande, pour la réalisation des projets de collecte des eaux pluviales par toitures des établissements publics et également les métfias et les réservoirs de stockage des eaux pluviales destinés généralement à l’abreuvement du cheptel et à l’usage domestique, et les seuils de recharge artificielle des nappes souterraines qui ont un impact positif sur la gestion durable des ressources en eau souterraines.

Dans la même vision d’économie et de valorisation des ressources en eau, le ministère organise, à travers les ABH, des journées de sensibilisation destinées aux collectivités territoriales, aux professionnels ainsi qu’aux classes bleues dans les établissements scolaires en coordination avec les collectivités locales.