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Dortmund – Lille : attaques à gogo et défenses en bois… Les buteurs de Bundesliga ont-ils des statistiques surcotées ?

Sehrou Guirassy, Hugo Ekitike et Alexis Claude-Maurice, voici trois noms qui sonnent familier à l’oreille des fans de Ligue 1 – si tant est qu’il en reste encore de nos jours – et que l’on retrouve dans le top 10 des meilleurs buteurs de Bundesliga cette saison. Et cela n’a rien de surprenant. Depuis plusieurs années maintenant, les anciens pensionnaires de l’école française cartonnent dans le championnat allemand. De Nkunku à Pléa en passant par Anthony Modeste, Kolo Muani, Jean-Philippe Mateta ou même Isaak Belfodil (16 pions en 2018-2019 !), ces joueurs sont devenus de véritables machines à planter une fois passé le Rhin.

Sans leur manquer de respect, tous ne sont pourtant pas ce que l’on pourrait appeler des foudres de guerre, au point qu’on se demande si le championnat teuton et ses défenses en papier crépon ne sont pas juste une vaste fumisterie où même Josiane de la compta claquerait sa petite vingtaine de pions si elle se décidait un jour de se lancer dans le foot. Alors, à l’heure où Sehrou Guirassy et le Borussia Dortmund accueillent nos Lillois, ce mardi en 8e de finale de la Ligue des champions, l’heure du procès de la Bundesliga a sonné.

Petit rappel de circonstances avant de commencer : cet article réalisé avec une grosse dose de provoc et de second degré a été fait avec l’accord des avocats de la défense, Patrick Guillou, le consultant Bundesliga de beIN Sports, formé à Fribourg et passé par Bochum avant d’intégrer le staff de Wolfsburg en 2017, et Ali Farhat, journaliste français passé par So Foot et exilé en Allemagne depuis plus de dix ans.

Chef d’accusation

Accusée Bundesliga, levez-vous. Vous êtes accusée d’être un championnat surcoté où proposèrent les défenses « portes de saloon » et où le moindre pékin lambda avec deux-trois notions de football peut caracoler en tête du classement des buteurs.

La parole est à la défense

Nos deux avocats n’ont pas attendu la fin de l’audience pour abattre leur argument massue, celui censé clouer le bec d’entrée aux canards rageux que nous sommes : celui du style de jeu offensif pratiqué par les équipes outre-Rhin. Basé à Cologne et amoureux de la Bundesliga, Ali Farhat voit avant tout la réussite du made in France en Allemagne par ce prisme. « C’est bateau mais c’est vrai, en France beaucoup d’équipes jouent pour ne pas perdre alors qu’en Allemagne, la plupart jouent pour gagner, et ce malgré leur niveau pas toujours ouf. Et ça fait toute la différence. Tu prends le promu Kiel, certes ils sont 17e au classement mais quand tu les regardes jouer, ben ils ont fait chier tout le monde ! Ils ont le dixième du budget du Bayern mais à chaque match ils attaquent de partout, ils y croient. »

« Il y a plus d’espace en Allemagne qu’en France, c’est une évidence, embraye le commentateur des matchs de Buli sur beIN Sports. A l’inverse, les entraîneurs étrangers qui arrivent en Ligue 1 sont surpris que ce soit aussi fermé, qu’il y ait autant de blocs bas sur le terrain. » S’être cassé les chicots pendant des années sur la carrosserie des bus de L1 aurait donc un effet libérateur une fois dans un championnat moins friand du bétonnage en bande organisée.

La Bundesliga n'a pas toujours été le championnat ouvert et sexy que l'on connaît aujourd'hui.
La Bundesliga n’a pas toujours été le championnat ouvert et sexy que l’on connaît aujourd’hui.  - Peter KNEFFEL

Un choix qui ne tombe pas du ciel mais d’une véritable révolution culturelle impulsée par les Allemands au début des années 2000, à une époque où la « Buli » ressemblait fort à la L1 avec ces 0-0 à la pelle et ses stades à moitié vides. « L’ensemble des acteurs du foot, la Ligue, la Fédé, la sélection, les clubs et leurs directions sportives, se sont mis d’accord pour développer un jeu plus offensif et revoir leur projet sportif de fond en comble afin de ramener les gens au stade. Et ça a formidablement marché », se réjouit Ali Farhat.

Autre différence notoire, selon nos apprentis avocats : Quand les clubs anglais peuvent empiler des joueurs à ne plus savoir qu’en faire, les clubs allemands ont une parfaite connaissance des joueurs qu’ils vont chercher à l’étranger et une vision très claire de ce qu’ils peuvent en tirer.

« « Quand on recrute un joueur en Allemagne, on essaye de jouer sur ses qualités afin de tirer le maximum de son potentiel et de ses forces. Ce fut le cas par exemple avec Kolo Muani, un joueur de rupture, d’espace, qui aime bien être présent dans la transition et que l’on a mis à la conclusion des actions plutôt qu’à la construction du jeu. A Paris il a été utilisé à contre-emploi, il n’avait pas le profil pour être dans une équipe de Luis Enrique. » Patrick Guillou »

Jusque-là sûre de ses arguments, solide sur ses appuis, la défense commence à bégayer quand on l’interroge sur la suite de carrière de ses buteurs en série une fois hors d’Allemagne. Si Aubameyang ou Marcus Thuram ont poursuivi sur leur lancée du côté d’Arsenal et de l’Inter, d’autres n’ont pas connu la même réussite par la suite, à l’image de Sébastien Haller (14 buts en 54 matchs avec West Ham), Belfodil ou Nkunku. Et le constat n’est pas propre aux joueurs issus de Ligue 1. De Huntelaar (29 buts avec Schalke en 2011-2012) à André Silva (28 buts avec Francfort en 2020-2021) en passant par Timo Werner (28 buts avec Leipzig en 2017-2018) ou Grafite (28 buts en 2009-2010), aucun n’est parvenu à atteindre un niveau équivalent à l’étranger.

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« Mais Ciro Immobile marquait but sur but en Italie et quand il est arrivé en Bundesliga il ne mettait plus un pion. On aura toujours des exemples et des contre-exemples en fonction du sens qu’on veut donner à notre réflexion », rétorque Me Guillou qui, piqué au vif, contre-attaque à la barre. « Si je ne me trompe pas, Mateta a donné satisfaction en Allemagne et il fait aujourd’hui le bonheur des supporters de Palace. Idem pour Kolo Muani en Italie. Après, si la question est de savoir si un bon buteur de Bundesliga va forcément être titulaire indiscutable dans un top club européen, là effectivement il n’y a pas beaucoup qui ont réussi ce gap », concède-t-il.

En chœur, la défense termine sa plaidoirie en brandissant la carte du délit de sale gueule dont serait victime la Bundesliga. « Haaland a continué à planter but sur but à City, rappelle Ali Farhat. Est-ce qu’on est venu dire pour autant “ouais mais c’est parce que les défenses de Premier League sont nazes ? Non. C’est un mauvais procès. » Et son confrère de relancer, piquant : « Vu que Lewandowski continue d’empiler les buts en Espagne, ça veut forcément dire que les défenses espagnoles aussi sont mauvaises. »

Le verdict est tombé

Au vu des éléments apportés par les avocats de la défense, le tribunal de 20 Minutes, après en avoir délibéré avec lui-même, déclare l’accusée Bundesliga non coupable des charges qui pesaient contre elle. Il ajoute même regretter la tenue de ce procès, qui n’est autre que la preuve accablante de notre misérable jalousie, nous qui devons nous farcir des matchs claqués chaque week-end quand, à quelques kilomètres de là, ça fait la bamboche toute l’année dans des stades plein à craquer.