Marseille : Pour son « bidonville vertical », ce marchand de sommeil va bientôt dormir en prison

Pourvu qu’il ne trouve pas sa cellule trop inconfortable. Lundi à Marseille, Abdelmajid Bensaïd Aouel, propriétaire d’une trentaine de studios insalubres, a été condamné à trois ans de prison, dont un an avec sursis probatoire, et à une amende de 150.000 euros. Un mandat de dépôt différé a été prononcé pour l’exécution des deux années ferme.
Ce verdict marque la deuxième sanction la plus lourde contre un marchand de sommeil depuis que le parquet de Marseille a fait de la lutte contre l’habitat indigne une priorité. En janvier 2024, un ex-policier, Gérard Gallas, avait déjà écopé de cinq ans de prison, dont quatre fermes.
Des conditions de vie insoutenables
Ancien directeur de restaurants McDonald’s et ex-candidat aux législatives de 2022 à Marseille, Abdelmajid Bensaïd Aouel s’était présenté comme une victime des politiques publiques du logement. Mais le tribunal a tranché autrement : il a « porté peu de crédit à la dignité humaine de ses locataires ». Propriétaire de 34 biens, dont une villa à Aubagne et une résidence en Turquie, il avait acquis entre 2015 et 2021 près de 30 logements au sein de la résidence Gyptis, un immeuble de huit étages décrit comme l’un des pires « bidonvilles verticaux » de Marseille.
A l’audience, les témoignages et vidéos ont révélé des conditions de vie insoutenables : logements infestés de rats, moisissures, dégâts des eaux, absence de chauffage, parties communes plongées dans l’obscurité et encombrées de déchets, tandis qu’un réseau de trafic de drogue y imposait sa loi. « Regardez là, les rats, ils se battent », décrivait une locataire.
Vulnérabilité des occupants
Le tribunal a souligné la grande vulnérabilité des occupants, pour beaucoup des migrants sans papiers sans autre solution de logement. « Quand on est au Gyptis, on n’est plus un être humain », avait résumé un témoin. L’un des locataires, un maçon, expliquait : « Quand je rentre du travail, je me couche, comme cela je n’ai pas besoin de chauffage. C’est un peu mieux que la rue. » Le tribunal a également ordonné une expertise médicale après le décès du bébé d’une femme enceinte, intoxiquée par les fumées d’un incendie survenu dans l’immeuble.
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En plus de sa peine de prison, Bensaïd Aouel devra verser plus de 100.000 euros de dommages et intérêts à neuf de ses locataires et 138.000 euros à la ville de Marseille. Les juges ont saisi 44.000 euros sur ses comptes et lui ont interdit d’acheter des biens à usage d’habitation pendant dix ans. Toutefois, ses 29 studios du Gyptis n’ont pas été confisqués, afin d’éviter des complications dans la reprise en main du site par les pouvoirs publics.