Guerre en Ukraine : Une tentative de manipulation sur X après la rencontre Zelensky-Trump mise en lumière

«Zelensky vient de donner carte blanche à Poutine », « Le clown Zelensky a un peu trop forcé sur la cocaïne », « Merci au président Trump »… Ces mêmes messages critiques à l’égard du président ukrainien ont été postés par des dizaines et des dizaines de comptes en l’espace de 24 heures. C’est ce qu’a observé Agoratlas, qui a dévoilé dimanche une analyse des posts apparus sur le réseau social X après la rencontre houleuse entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump à la Maison-Blanche deux jours plus tôt. Cela laisse entrevoir une campagne de manipulation « dénigrant Zelensky et les leaders européens », alors que l’échange explosif a révélé l’ampleur des tensions entre l’Ukraine et les Etats-Unis.
Agoratlas a donc analysé les 77.951 tweets contenant « Zelensky » postés dans les heures suivant la rencontre. « On voulait juste faire une analyse d’opinion au départ, explique Florent Lefebvre, directeur scientifique d’Agoratlas. Entre les gens qui s’inquiétaient d’une troisième guerre mondiale et ceux qui commentaient l’actualité, il y avait un groupe assez étrange, avec énormément de répétitions dans les termes employés. » L’étude montre qu’un grand nombre de comptes actifs sur le sujet ont été créés très récemment, souvent dans les trois derniers mois, après l’élection de Donald Trump.
« La géopolitique se joue sur les réseaux sociaux »
Mais finie l’époque des « bots » qui spamment automatiquement le même message. Ces actions de matraquages sont opérées par des humains. Des comptes très suivis émettent un avis, sans forcément de consigne explicite pour le partager. Une armée de militants s’emparent alors des éléments de langage et propagent le message sur les réseaux sociaux. « Là, ce sont aussi des gros comptes que l’on avait déjà identifiés dans d’autres études qui ont participé », analyse Florent Lefebvre. Une méthodologie que la Viginum, service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères, avait déjà repérée sur Telegram par le passé.
Ce type de campagne est facilité par le changement de politique de X, anciennement Twitter, depuis son rachat par Elon Musk en 2022, et surtout par les coupes dans les équipes de modération. Par ailleurs, le milliardaire épaule activement Donald Trump et dirige désormais le « département de l’efficacité gouvernementale », le Doge. De là à dire qu’au vu du revirement des Etats-Unis sur la Russie, il soutiendrait une telle campagne, il n’y a qu’un pas. « On ne peut rien confirmer, mais il joue clairement dans ce camp-là », estime Mathis Hammel, directeur technique d’Agoratlas.
Et il faut s’attendre à ce que ces campagnes de manipulation deviennent de plus en plus fréquentes en Europe et en France. Les récentes élections en Roumanie et en Allemagne ont par exemple vu des tentatives d’ingérences étrangères sur Internet. « Aujourd’hui, la situation géopolitique se joue beaucoup sur les réseaux sociaux », confirme Mathis Hammel.
Il estime que les institutions doivent prendre en main cette lutte « en se dotant de moyens et des législations ». Selon lui, les dispositions actuelles ont toujours des failles. « Le DSA [Digital Service Act, règlement européen adopté en 2022] n’a pas beaucoup d’outils juridiques, regrette Mathis Hammel. L’Europe n’a pas encore pris de grosse action punitive contre les plates-formes qui permettent cette situation, alors qu’elles jouent avec la ligne. »