France

Mort de Rémi Fraisse : La Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour violation du droit à la vie

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné ce jeudi la France pour l’opération de maintien de l’ordre menée par la gendarmerie et qui avait provoqué la mort de Rémi Fraisse en 2014 lors d’affrontements autour du chantier du barrage de Sivens (Tarn).

La Cour estime que « le niveau de protection requis » pour parer aux risques posés par le « recours à une force potentiellement meurtrière » n’a pas été « garanti », et souligne les « lacunes du cadre juridique et administratif alors applicable » et les « défaillances de l’encadrement dans la préparation et la conduite des opérations litigieuses ».

« Le recours inapproprié à la force […] désormais acquis »

« Il aura fallu plus de dix ans et l’appui de la Cour européenne des droits de l’homme pour que la responsabilité de l’Etat français dans la mort de Rémi Fraisse soit enfin reconnue. Que de temps perdu », a réagi auprès Patrice Spinosi, avocat de Jean-Pierre Fraisse, le père de la victime.

« Le recours inapproprié à la force lors des manifestations contre le barrage de Sivens est désormais acquis. Pour éviter de nouvelles condamnations, la France doit maintenant tirer toutes les conséquences de cette décision et revoir en profondeur sa politique de maintien de l’ordre », a-t-il ajouté.

Une enquête « approfondie, indépendante et impartiale »

La CEDH était également invitée à se prononcer sur un deuxième aspect, à savoir si l’enquête pénale avait bien été « approfondie, indépendante et impartiale ». La cour de Strasbourg juge ici que « la procédure prise dans son ensemble n’est entachée d’aucun manquement à l’indépendance et à l’impartialité ».

Elle salue particulièrement « la qualité des investigations réalisées par le défenseur des droits », qui avait notamment « auditionné le Préfet et recueilli les réponses de son directeur de cabinet », auditions qui n’avaient pas été réalisées dans le cadre de l’enquête judiciaire menée par les juges d’instruction.

Un non-lieu pour le gendarme, l’Etat déjà condamné par le tribunal administratif de Toulouse

Rémi Fraisse, jeune botaniste, avait été tué par l’explosion d’une grenade offensive lancée par un gendarme lors d’affrontements avec des militants écologistes, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014.

« Foncièrement pacifiste » selon ses proches, il était éloigné de toute activité militante et assurait bénévolement pour France Nature Environnement le suivi de la renoncule à feuille d’ophioglosse, une espèce végétale protégée.

Après des années de procédures judiciaires, en mars 2021, la Cour de cassation confirmait le non-lieu pour le gendarme à l’origine du tir, estimant que l’usage de la force avait été conforme à la loi.

Un choc pour sa famille qui avait parallèlement saisi le tribunal administratif de Toulouse afin de faire reconnaître la responsabilité de l’Etat dans la mort du jeune homme. Le tribunal de Toulouse avait reconnu « la responsabilité de l’Etat sans faute » et condamné en 2021 ce dernier à verser des indemnisations à la famille du jeune homme. Une condamnation confirmée en appel en 2023.

« Une dénégation criante de la réalité »

Malgré cette condamnation, la famille du jeune homme regrettait que derrière ce jugement « se cache une dénégation criante de la réalité. Dénégation de ce qu’il s’est réellement passé sur le site de Sivens, dénégation de la responsabilité des autorités civiles, du préfet du Tarn, jusqu’au Premier ministre dans cette opération de rétablissement de l’ordre qui n’avait que pour objectif d’imposer la force à n’importe quel prix ».

La famille de Rémi Fraisse avait ainsi décidé, en 2023, de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour comprendre pourquoi la notion d’homicide involontaire a été écartée par la justice française.

Selon un décompte officiel cité par Mediapart, la gendarmerie avait tiré plus de 700 grenades en tous genres, dont 42 offensives, au cours de la nuit d’affrontement.