Réforme des retraites : Pourquoi le « conclave » de François Bayrou est déjà bien mal parti
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Le début d’un long marathon. Les syndicats et le patronat se retrouvent ce jeudi pour la première rencontre du fameux « conclave » évoqué par François Bayrou lors de son discours de politique générale mi-janvier. Les partenaires sociaux se retrouveront ainsi chaque semaine, jusqu’à fin mai au moins, pour tenter d’améliorer la très impopulaire réforme des retraites de 2023. Et si un accord (même partiel) était trouvé, le texte serait soumis au Parlement.
Mais est-ce vraiment possible ? Car avant même le début des discussions, les sujets de dissensions sont déjà nombreux.
Un conclave, mais pour quoi faire ?
Avant toute chose, les participants du conclave vont devoir clarifier le périmètre et le calendrier des échanges à venir. Matignon avait d’abord évoqué une discussion « sans tabou », à condition de ne pas dégrader l’équilibre financier du système. Mais petit à petit, l’exécutif a resserré la vis, appelant les négociateurs à tendre « vers l’équilibre ». Autrement dit, à faire davantage d’économies. Ce qui n’a pas été du goût de tous les participants. La patronne de la CGT entend ainsi « clarifier » les choses dès la première rencontre. « L’objet […] n’est pas le retour à l’équilibre » mais « l’abrogation » de la réforme des retraites, a prévenu Sophie Binet.
Le rapport de la Cour des comptes divise
En amont des rencontres, François Bayrou avait lancé la Cour des comptes pour faire le diagnostic de la situation financière du système. Très attendu, le rapport devait servir de base commune aux discussions des partenaires sociaux. Mais chacun y a pioché ce qu’il voulait y trouver. « Le Premier ministre avait évoqué 55 milliards de déficits à l’horizon 2030 pour justifier la non-abrogation de la réforme et faire pression sur ce conclave, or le rapport le contredit », souligne auprès de 20 Minutes Eric Coquerel, rapporteur LFI de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.
L’institution présidée par le socialiste Pierre Moscovici évoque en effet un déficit stabilisé à « 15 milliards d’euros en 2035 », ce qui n’a pas manqué d’être rappelé par les syndicats. Mais le rapport souligne aussi une situation financière « préoccupante », avec une dégradation « nette, rapide, croissante » à 30 milliards en 2045, et ce « malgré la réforme de 2023 ».
Revenir sur les 64 ans : l’impasse
« L’histoire du budget du déficit caché est écartée. J’ai envie de dire : passons aux choses sérieuses », a lancé la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, après la publication du rapport. Dans son viseur : l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, que les syndicats veulent abroger pour un coût estimé à 10 milliards d’euros à l’horizon 2030. « Maintenir les 64 ans, ça n’aurait aucun sens, ce n’est pas le sens des discussions que nous avons eu avec François Bayrou sur la mise en place de ce conclave », prévient auprès de 20 Minutes Arthur Delaporte, député socialiste.
Une idée inimaginable pour le Medef, mais également pour le gouvernement. La ministre chargée du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a même jugé nécessaire « de travailler plus longtemps ».
Les demandes du patronat ne passent pas
Alors que les syndicats de salariés espèrent des avancées sur les carrières hachées et les carrières longues, le patronat a poussé ces derniers jours pour d’autres évolutions du texte. Le président de la CPME *, Amir Reza-Tofighi, a avancé l’introduction d’une dose de capitalisation dans le système, l’indexation de l’âge de départ à la retraite sur l’espérance de vie, ou encore la possibilité de limiter la revalorisation annuelle des pensions. Ces pistes, qui font s’étrangler les syndicats de salariés, ont aussi été défendues par certains ministres ces derniers jours, alors que le gouvernement s’était engagé à ne pas interférer dans les discussions.
Notre dossier sur la réforme des retraites
« Ils tentent de faire pression sur ce conclave, avec la crainte d’avoir un texte encore pire que la réforme de 2023 », soupire l’insoumis Eric Coquerel. « On restera vigilants, en signifiant que l’absence de modifications des injustices du précédent texte reste un motif potentiel de censure », ajoute Arthur Delaporte. Une menace qui ne cesse de planer sur François Bayrou depuis son entrée à Matignon.