France

Procès Le Scouarnec : « Je ne vois pas le mal »… L’audition lunaire et cousue de mensonges de l’ex-femme du chirurgien

A la cour criminelle du Morbihan, à Vannes,

C’était indécent, pathétique et peu crédible. Ce mercredi, l’ex-femme de Joël Le Scouarnec a témoigné devant la cour criminelle du Morbihan où son ex-mari est jugé pour 300 faits pédocriminels commis sur 299 enfants ou adolescents. Assise dans un fauteuil, jambes croisées et tête en arrière, elle se balance, paraît décontractée, parle de sa vie. Marie-France Le Scouarnec s’exprime avec une voix éraillée qui semble forcée. La faute à « une pneumopathie » et à tout un tas d’autres problèmes médicaux dont la cour n’avait pas connaissance. Agée de 71 ans, cette ancienne aide-soignante coiffée d’une perruque savait que son témoignage était très attendu, notamment dans les rangs des victimes.

Beaucoup s’interrogent sur le rôle tenu par cette femme qui avait quitté son mari « vers 2003 ou 2004 » mais qui n’a divorcé qu’en 2019, après l’explosion de l’affaire. « Je voulais me protéger financièrement car j’avais encore deux enfants à la maison », a-t-elle expliqué dans un récit peu convaincant. Une audition lunaire dans laquelle elle a multiplié les mensonges. « Une grande comédie », selon une avocate des parties civiles.

Aucune empathie à l’égard des victimes

Pendant plusieurs heures, cette femme n’a cessé de ramener cette affaire hors normes à sa petite personne, évoquant les viols qu’elle aurait subis, la noyade de son frère et tout un tas de drames qui ont parsemé sa vie. Sans aucun mot à l’égard des victimes. Pire. Elle a même mis en doute les accusations dont son ex-mari fait l’objet, qui a pourtant reconnu « une très grande majorité des faits ». Elle a notamment mis en doute les viols subis par une de ses nièces dans les années 1980. « Quand je l’ai appris, je me suis demandé si elle n’avait pas piégé mon mari. Vous savez elle est tortueuse cette fille. Elle aime capter l’attention », a déclaré Marie-France Le Scouarnec, laissant entendre que sa nièce de 5 ans avait menti. Le chirurgien a été condamné pour détention d’images pédopornographiques de cette nièce, pas pour les viols, les faits étant prescrits.

Pendant des heures, cette femme complètement paumée n’a pas semblé prendre la mesure de la gravité des faits reprochés à son mari. Elle réfute toutes les accusations qui lui sont portées. Notamment quand Joël Le Scouarnec disait dans ses abominables carnets : « Elle sait que je suis pédophile », évoquant une poupée détruite par sa femme en 1996. L’ancien chirurgien avait alors effacé plusieurs années de récits pédocriminels de 1993 à 1996. « J’avais juste trouvé une feuille de liste de films pornographiques dans une poubelle », lance-t-elle avec aplomb.

A un psychiatre, son mari avait expliqué que sa femme avait trouvé « des revues naturistes allemandes avec des scènes mettant en scène des enfants ». Donc elle savait ? « Non, je n’ai jamais vu ça. Il n’y avait pas de ça chez moi ». Elle s’est également trouvée confrontée à ses propres déclarations au sujet de la perquisition de 2004, quand son mari avait été repéré par le FBI pour avoir consulté des sites pédopornographiques. « On a vu les gendarmes arriver à la maison. J’étais avec mon fils. A son retour à la maison, mon mari nous a dit : c’est une erreur. Je vous jure madame la présidente, je n’étais au courant de rien ».

Elle accuse les gendarmes de violences

Face aux gendarmes, elle avait pourtant expliqué qu’elle avait demandé à son mari « de se faire soigner » et d’arrêter de consulter des sites pédopornographiques. « Non, c’est une mauvaise retranscription. Les gendarmes, ils m’ont menacé, ça m’a marqué, j’ai été obligée de me reculer », a-t-elle lancé, s’enfonçant un peu plus dans ses mensonges. La cour a alors dû confronter Marie-France Le Scouarnec aux photos de ses nièces prises par son mari, que toute la salle a dû regarder. Des clichés immondes que Marie-France a refusé de consulter. « Je veux me préserver. Je veux pouvoir dormir la nuit. J’ai le droit, non ? Je ne veux pas regarder, je ne veux pas avoir un cancer », lance-t-elle agacée, sans que l’on ne comprenne de quoi elle parle. Avant d’être reprise par la présidente. « Madame, est-ce que c’est la vérité qui donne un cancer ? ».

La tête baissée, Joël Le Scouarnec a écouté son ex-femme tenter de convaincre la cour criminelle du Morbihan qu'elle ne savait rien de ses penchants pédophiles.
La tête baissée, Joël Le Scouarnec a écouté son ex-femme tenter de convaincre la cour criminelle du Morbihan qu’elle ne savait rien de ses penchants pédophiles. - B. Peyrucq / AFP

Quelques minutes plus tôt, elle avait mis en doute les témoignages des victimes de son mari lors du procès à Saintes, pour lequel il avait été condamné à quinze ans de prison. « A Saintes, on m’a obligé à rester toute la journée. J’ai entendu trois victimes. Elles utilisaient les mêmes mots. Exactement les mêmes mots ». Dégoût. Elle s’émeut quand elle apprend que son mari a eu des relations sexuelles zoophiles avec leurs chiens. Et semble plus marquée par ces révélations que par les plus de 350 enfants victimes de son mari.

Son beau-frère l’avait dézingué

Décrite comme infidèle, Marie-France Le Scouarnec a pourtant nié avoir eu des relations extraconjugales. « Non mais c’est incroyable. Je n’ai jamais été infidèle à mon mari ». Plusieurs témoins ont pourtant attesté que cette femme avait eu plusieurs amants. Un peu plus tôt, le frère de Joël Le Scouarnec avait dégommé la version de cette femme. « Il y a une personne qui aurait pu faire en sorte que mon frère soit interpellé, c’est sa femme, Marie-France. Parce que sa femme était au courant des agissements de son mari. Et Marie-France n’a rien fait. C’est une personne qui n’a aimé son mari pas pour l’amour mais pour l’argent. » Dans un courrier qu’elle avait écrit en 2010, elle avait pourtant laissé entendre qu’elle savait tout des déviances de son mari, demandant que rien ne soit dit à son dernier fils « le seul qui ne sache rien du passé de son père ». A-t-elle des remords ? « J’ai des regrets parce que si ma belle-sœur avait parlé, on n’en serait pas là », lance-t-elle en référence aux sévices subis par ses nièces que la sœur de Joël Le Scouarnec n’avait pas dénoncés.

Le tribunal de Vannes qui abrite la cour criminelle départementale où Joël Le Scouarnec est jugé est trop petit pour accueillir toutes les parties civiles.
Le tribunal de Vannes qui abrite la cour criminelle départementale où Joël Le Scouarnec est jugé est trop petit pour accueillir toutes les parties civiles.  - C. Allain/20 Minutes

Parfois, elle délire, s’emporte en traitant une de ses sœurs de « pintade », sa belle-fille de « chieuse » et continue de s’apitoyer sur son sort avec une prestation pathétique : « qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter ça ? Moi qui suis quelqu’un de bienveillant ». Poussée dans ses retranchements par les questions de la présidente et des avocats, elle nie tout, systématiquement. A la longue liste des victimes de son mari, elle ne réagit pas, se retranchant derrière des « je sais pas ». Elle connaît pourtant la plupart des enfants cités. « Pensez-vous qu’ils auraient pu être abusés ? », demande la présidente. Ses réponses sont lunaires : « je ne pense pas » ou encore « ça m’étonnerait ». Des crimes qui sont pourtant listés dans les carnets de son mari et qu’il a en grande majorité reconnus. « Je ne vois pas le mal. Je pense que tout le monde vit une vie normale comme moi. Pour moi, c’est inconcevable que mon mari ait fait tout ça. On ne parle jamais de cette affaire ».

Notre dossier sur le procès Le Scouarnec

Incapable de se taire, elle ne cesse de placer des soupirs. Avant de lancer une immonde phrase. « Les victimes, elles sont victimes, point. Comme moi. Je crois que je vais mourir ». La salle gronde. Marie-France Le Scouarnec s’agace. « Est-ce que c’est mon procès ? ». Non, mais une enquête pour du chef de non-empêchement de crime ou délit, est toujours en cours. Tout comme l’audition devant la cour criminelle, qui n’était toujours pas terminée à l’heure où nous écrivons ces lignes.