France

Législatives en Allemagne : « Ce n’est pas bon pour notre pays », le choc après le score du parti d’extrême droite AfD

A Offenbourg (Bade-Wurtemberg),

Les pancartes électorales trônent encore un peu partout ce lundi matin. Rien d’étonnant, les élections législatives allemandes ne sont terminées que depuis quelques heures. Les services de nettoyage s’affairent dans la petite ville de 60.000 habitants située à une trentaine de kilomètres de Strasbourg, mais il y a beaucoup de travail.

Signe de l’importance de l’échéance, de nombreux partis avaient mis le paquet. Au bord des routes ou en plein centre, dans les artères commerçantes, difficile de rater leur slogan. De la gauche la plus radicale (« Die Linke »), à la droite conservatrice (CDU) en passant par les socio-démocrates (SPD) ou les écologistes (« Die Grüne »), tous s’affichent. Ou presque.

Pas ou peu de traces de l’AfD, le parti d’extrême droite allemand. Si, un autocollant a été laissé au pied de ce feu tricolore mais… il n’est pas favorable au mouvement (« F*CK AfD »). Dans la rue, c’est à peu près pareil. Aucun des passants interrogés par 20 Minutes ne se revendique ouvertement proche des idées de la toute nouvelle deuxième force du pays. Mais sa percée de dimanche, avec 20,8 % des suffrages contre 10,3 % en 2021, est bien dans toutes les têtes.

« Je suis inquiète et choquée qu’un parti qui défend les positions ouvertement racistes puisse arriver à un tel score. Un électeur allemand sur cinq partage-t-il vraiment ces idées ? », s’inquiète Yvonne, qui n’a pas apprécié non plus la campagne. « Il n’y a qu’un seul sujet qui a dominé les débats, l’immigration. Mais il y en avait tellement d’autres qui méritaient la discussion : l’environnement, le financement de notre Sécurité sociale, les infrastructures etc. »

« J’espère que l’AfD n’arrivera jamais au pouvoir »

L’actualité a sans doute joué avec trois attentats dans le pays ces derniers mois. En décembre au marché de Noël de Magdebourg, début janvier à Aschaffenbourg et, il y a encore dix jours, à Munich. Avec, à chaque fois, un assaillant d’origine étrangère suspecté.

De quoi créer un climat de défiance vis-à-vis des immigrés ? Installé « depuis quatre ans » en Allemagne après avoir fui la Syrie, Hama refuse de généraliser. « Non, je ne ressens pas de peur ni de menaces », relativise-t-il depuis son épicerie. « Mais c’est vrai que certains nous prennent pour des criminels. Alors qu’on travaille, qu’on essaie de tout faire pour s’intégrer. »

« Oui, il y a aujourd’hui beaucoup de gens qui pensent qu’ils profitent du système », confirme Silke, une quinquagénaire elle aussi « sous le choc » des résultats de dimanche. « Je ne pense vraiment pas que ce soit bon pour l’Allemagne. Le Bundestag va être trop à droite. J’espère vraiment que l’AfD n’arrivera jamais au pouvoir. »

Les signes favorables à l'AfD ne sont pas facilement visibles à Offenbourg.
Les signes favorables à l’AfD ne sont pas facilement visibles à Offenbourg. - T. Gagnepain

Pour l’instant, le parti dirigé par Alice Weidel en est encore loin. Sa cheffe de file a bien proposé une coalition à la CDU mais elle a été refusée par Friedrich Merz. Le patron de la droite et très probable futur chancelier a annoncé se tourner vers l’autre parti historique, le SPD. « Je suis déterminé à mener de bonnes discussions rapides et constructives avec les sociaux-démocrates pour former un gouvernement de coalition […] d’ici Pâques environ », soit le 20 avril, a-t-il déclaré depuis Berlin.

« Les deux devraient former une coalition beaucoup plus solide que celle actuelle. C’est plutôt rassurant », veut positiver Gabriel, sans non plus cacher sa surprise face au score de l’AfD. « C’est un mouvement populiste auxquels beaucoup de gens qui se sentent exclus se raccrochent. J’espère qu’il disparaîtra vite. » Peut-être plus facilement à l’ouest du pays, où aucuns länder ne l’a propulsé en tête. Contrairement à l’est, comme avec ces 38,6 % des voix obtenues en Thuringe.

« C’est impossible que l’AfD devienne un jour majoritaire », assure… et se rassure Manuela. Pourtant, une autre conclusion de ce scrutin s’impose : l’extrême droite est devenue le premier parti des ouvriers et des chômeurs allemands. Une percée sociologique qui n’est pas sans rappeler les premiers succès en France du RN, quand il s’appelait encore FN.