« Je vais peut-être présenter Les Grosses Têtes quinze ans, mais pas plus », prévient Laurent Ruquier
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Laurent Ruquier a 62 ans ce lundi. Mais c’est un autre anniversaire qu’il s’apprête à célébrer : il enregistre dans la soirée une émission spéciale pour fêter ses dix années à la présentation des « Grosses Têtes ». Pour l’occasion, RTL voit les choses en grand puisque ce numéro, qui sera diffusé à l’antenne mercredi, est enregistré au Dôme de Paris, devant 3.000 personnes.
D’Isabelle Mergault à Alex Vizorek en passant par Jérémy Ferrari, Chantal Ladesou et Christine Ockrent, près d’une quarantaine de « Grosses Têtes » se succéderont au micro… 20 Minutes a joint Laurent Ruquier par téléphone vendredi pour évoquer la décennie écoulée…
Dix années à la présentation des « Grosses Têtes », c’est comme si la première était hier ou on les sent passer ?
Ça passe très vite ! J’ai l’impression que j’ai commencé il y a trois ou quatre ans. Le rythme quotidien fait qu’on enchaîne très vite, sans se rendre compte des années qui passent. J’éprouve toujours du plaisir, je ne les sentirais passer que si c’était vraiment compliqué.
C’est toujours facile ?
Certaines années ont été plus difficiles que d’autres, parce qu’il y a eu des moments où on a senti qu’il fallait, par exemple, renouveler les équipes. Il y a eu le Covid au milieu aussi, même si on ne s’est jamais arrêté pendant la pandémie. On a continué à faire des émissions sans public. Ça, c’était une période un peu spéciale quand même.
« Les Grosses Têtes » sont un succès d’audience. En rattrapage, les émissions en font aussi le deuxième podcast le plus écouté de France. Ça met la pression ?
Evidemment, quand on est numéro un, on a toujours envie de le rester. Mais bon, on croit plutôt en l’avenir. Pour l’instant, la distance est encore grande avec nos poursuivants. Même si France Inter parvient parfois à nous tailler des croupières sur certains quarts d’heures, il ne faut pas oublier que l’émission dure deux heures 30. Donc, être numéro un sur une telle durée, c’est quelque chose d’exceptionnel.
Ce qui va être exceptionnel, pour cette émission anniversaire, c’est le nombre de « Grosses Têtes » qui seront réunies…
On en a pris un peu plus d’une trentaine, ce qui déjà n’était pas simple. Ça fait des malheureux à chaque fois qu’on ne peut pas inviter tout le monde. Certains n’étaient pas disponibles à cette date-là, donc tant mieux parce que ça a permis de faire une sélection plus simple. Mais c’est déjà beaucoup, oui. Le but, c’est que ce soit un peu événementiel quand même et que le public soit heureux de voir un maximum de « Grosses Têtes ».
Présenter « Les Grosses Têtes », c’est aussi savoir gérer les egos des uns et des autres, faire du management et un peu de psychologie ?
Oui, ce n’est même que ça ! Enfin, pas tout à fait parce qu’il faut que je prépare le contenu de l’émission, mais c’est beaucoup ça. Je le faisais avant même « Les Grosses Têtes », je m’y suis mis dès que j’ai commencé à faire de la radio et à diriger une bande. J’ai calculé : « Rien à cirer » a commencé en hebdo en 1991 sur France Inter avant de basculer en quotidienne l’année d’après. Donc, ça fait trente-trois ans que je fais de la radio au quotidien, ce n’est pas rien. D’autant plus, en étant à chaque fois entouré de bandes. J’ai donc appris à gérer les susceptibilités, les egos.
Ces derniers mois, beaucoup de nouvelles têtes sont apparues autour de la table des « Grosses Têtes », d’autres ont fait leur retour. Par exemple, Julie Ferrier, Sylvie Tellier, Cartman, Bruno Solo, Stomy Bugsy, Ariane Massenet… Comment est-ce que vous les choisissez ?
Souvent, c’est le hasard des rencontres. Quelqu’un me propose un nom, me dit « Untel ou Unetelle aimerait bien faire l’émission… » Alors je me dis « pourquoi pas ? » Il y a des gens auxquels je crois. Et puis, on se trompe parfois. Certains restent, d’autres pas. Il y a des évidences, comme Adil Rami, par exemple. Tout de suite, ça a fonctionné. Sylvie Tellier aussi s’est très bien intégrée. On avait essayé plusieurs fois de faire revenir Anne Roumanoff dans l’émission. Puis, ça n’avait pas vraiment pris. Et maintenant on voit que ça commence à prendre. Donc, ça dépend, en fait, des ambiances, des équipes qui sont là. Ce n’est pas parce que ça n’a pas marché une fois que c’est irrémédiable.
Est-ce qu’il y a quelqu’un que vous aimeriez voir rejoindre la bande et qui résiste encore ou se pose des questions ?
Non, parce que je n’ai pas spécialement contacté qui que ce soit. Mais j’aimerais bien voir plus souvent François-Xavier Demaison ou que Gad Elmaleh et Muriel Robin reviennent. Charlotte de Turckheim aussi. En ce moment elle est dans « Danse avec les stars » mais elle est une très bonne « Grosse Tête », j’aimerais qu’elle soit là plus régulièrement.
Qu’est-ce qui fait une bonne « Grosse Tête » ? Le fait de savoir jouer un personnage ?
Oui, ou être, déjà, un personnage. En tout cas, il faut avoir de la personnalité et ne pas être susceptible. Après, chacun a sa marque de fabrique. Certains vont être là pour leur culture, d’autres pour leur humour, d’autres encore parce qu’ils sont des ambianceurs. Je pense à Stomy Bugsy, par exemple. Il n’est pas un humoriste mais il a le sens du show. Et ça aussi, c’est important.
Philippe Bouvard a pris sa retraite officiellement en janvier. La succession avait été un peu houleuse. Est-ce qu’entre vous les choses sont apaisées aujourd’hui ?
Oui. D’abord, je pense que, vraiment, Philippe a dû imaginer très bien qu’il ne pourrait pas aujourd’hui encore animer « Les Grosses Têtes » et quelque part, inconsciemment, ça doit quand même lui faire plaisir que son émission continue après lui. C’est sa création – et celle de Roger Kreicher [ancien directeur des programmes de RTL] et d’autres grands penseurs de la station. Philippe doit être content que l’émission marche toujours et continue à être numéro un. Le passage de relais n’a pas été si difficile que ça, d’ailleurs, puisque Philippe était resté chez RTL. Christopher Baldelli [ex-président du directoire de RTL Radio], à l’époque, avait bien géré la transmission, on va dire. Mais c’est vrai que je n’avais pas été adoubé. C’est compréhensible, je n’ai pas de souci avec ça. On n’est jamais très contents d’être remplacés. C’est humain. J’ai toujours très bien compris la réaction de Philippe. Et puis, voilà, le temps a passé et aujourd’hui, les choses sont effectivement apaisées.
Vous avez dit vous-même que vous envisagiez d’arrêter pour les 50 ans des « Grosses Têtes », en 2027…
J’ai dit que je voulais aller jusqu’aux 50 ans, ça, c’est sûr. Et puis, après, je verrai. On ne peut pas préjuger de ce qui se passera, dans quel état je serai, quel sera l’état du PAF, l’état de RTL. Quand on y sera, on avisera. Mais ce n’est même pas un objectif, c’est contractuel. La dernière fois, j’ai resigné pour quatre ans, ce qui nous mènera jusqu’aux 50 ans des « Grosses Têtes ».
Présenter « Les Grosses têtes » était un de vos rêves d’enfant. Quel est votre rêve professionnel aujourd’hui ?
Quand on fêtera les 50 ans de l’émission, je fêterai mes treize ans à sa présentation, je crois. Et ce sera déjà un bel exploit. Je n’ai en tout cas pas l’ambition de les animer pendant trente-sept ans. Philippe Bouvard gardera définitivement ce record, je pense. C’est quand même une émission qui est lourde à animer. C’est beaucoup de travail. Moi, je sais que je vais peut-être la présenter treize ans, quatorze ans, quinze ans… mais pas plus.
Vos apparitions à la télévision sont désormais ponctuelles. Cela vous convient ? Ou aimeriez-vous revenir plus régulièrement ?
Cela me convient très bien. On ne peut pas tout faire dans la vie, donc l’espace qui s’est libéré dans mon agenda m’a permis de faire d’autres choses. Ces derniers mois, j’ai réussi à me consacrer davantage au théâtre et à l’écriture. J’ai aussi pu monter des pièces écrites depuis un moment. J’en ai trois ou quatre à venir à l’affiche. Quand on ne porte pas soi-même les projets, parce qu’on n’a pas le temps, rien ne se fait. C’est comme ça, personne ne peut mieux que vous vendre quelque chose que vous avez écrit et dont vous savez ce que vous voulez en faire.
Si Cyril Hanouna arrivait sur le groupe M6, auquel appartient RTL, vous en penseriez quoi ?
D’abord, je n’ai pas à commenter les choix que font mes directeurs. Ensuite, je n’ai jamais eu de problème particulier avec Cyril Hanouna. Je suis apparu dans ses émissions régulièrement pour la promo de mes spectacles. J’ai toujours été très bien accueilli, donc je n’ai rien à ajouter sur ce sujet. Mais j’ai cru comprendre, d’après vos confrères [selon un article du Parisien publié vendredi l’avenir télévisuel de Cyril Hanouna s’écrirait sur CSTAR], que ce cas de figure ne se présentera pas, donc… (il éclate de rire).
Stéphane Plaza vient d’être condamné à douze mois de prison avec sursis pour violences conjugales. Comment est-ce que vous vous positionnez ? Puisque, au-delà de votre relation d’amitié, il a aussi longtemps été l’une des « Grosses Têtes »…
On ne peut rien ajouter puisque, de toute façon, Stéphane lui-même avait choisi de ne plus faire « Les Grosses Têtes ». C’était compliqué, et ça le reste aujourd’hui, jusqu’à ce que la décision en appel soit confirmée ou non. Mais en tout cas ça ne change rien pour l’instant.
Notre dossier sur Laurent Ruquier
Ce lundi, c’est aussi votre anniversaire. Est-ce qu’en soufflant ces dix bougies des « Grosses Têtes », vous allez faire un vœu ?
Mon vœu, c’est que le métier continue à me gâter, comme il le fait depuis plus de tente ans. Je serais ingrat avec la vie et avec la profession de ne pas être heureux de ce qui m’arrive. J’ai beaucoup travaillé pour ça, c’est sûr, mais j’ai été payé en retour. Je n’en reviens même pas de me dire que cela fait trente-deux ans que je parle aux auditeurs tous les jours pendant plus de deux heures si on additionne les trois radios [France Inter, Europe 1 et RTL] que j’ai eu la chance de connaître.