Frank Vandenbroucke (Vooruit) sur la taxe sur les plus-values : “Il n’y a qu’un seul document valable : l’accord de gouvernement”
Le vice-Premier ministre Vooruit au sein du gouvernement De Wever revient sur les négociations Arizona et l’accord de majorité obtenu au fédéral le 31 janvier, après plusieurs mois de négociations. Frank Vandenbroucke donne sa lecture du dossier qui empoisonne déjà la vie de l’exécutif fédéral : la taxe sur les plus-values.
- Publié le 22-02-2025 à 07h01

Les gouvernements changent, Frank Vandenbroucke demeure. De la Vivaldi à l’Arizona, le socialiste flamand conserve le stratégique portefeuille de la Santé. Comme vice-Premier ministre, il reste en outre le chef de file de Vooruit au sein de l’exécutif fédéral. Un changement de taille, cependant : le PS, Écolo et Groen ont été renvoyés dans l’opposition. Et Alexander De Croo (Open VLD) a été remplacé par Bart De Wever (N-VA) au poste de Premier ministre. Frank Vandenbroucke le sent : cette législature sera une législature de combat pour sa formation politique, seule partenaire « de gauche » au sein de la majorité.
Est-ce que Vooruit se sent à l’aise avec l’accord de gouvernement Arizona ?
Les risques géopolitiques sont immenses. Il faut donc investir en Défense, en sécurité, en police, en justice, mais aussi en soins de santé… Le défi, c’est de réconcilier ces investissements avec la nécessité d’assainir les finances publiques. Voilà pourquoi la négociation pour la formation du gouvernement fut très compliquée… De plus, au sein du gouvernement, cohabitent des opinions extrêmement divergentes. Les résultats sont des compromis, comme toujours. En ce qui me concerne, je suis convaincu que la participation de Vooruit était le bon choix. Cet exercice était farouchement difficile, mais son résultat est équitable.
Pouvez-vous donner des exemples ?
Pour certains de nos partenaires, il fallait absolument revenir sur les acquis réalisés par Karine Lalieux (PS, ancienne ministre des Pensions, NdlR) et la Vivaldi en matière de pension minimale. Jusqu’au dernier moment, jusqu’à la dernière note remise par le formateur le 31 janvier, ils ont tenté de revenir sur cette revalorisation. Nous avons dit « non ». La protection des revenus minimaux est pour nous essentielle. Jusqu’au dernier moment, il y eut des propositions pour désindexer le revenu d’intégration, les allocations de chômage de longue durée. Nous avons dit « pas question ». On a obtenu aussi au dernier moment le maintien de l’indexation automatique des salaires. Tout cela nous a permis de prendre nos responsabilités. Mais la participation de Vooruit dans l’Arizona sera combative.
Cet équilibre dans l’accord de gouvernement a-t-il été compris par les syndicats, les travailleurs ? La contestation sociale est déjà forte…
Je comprends qu’il y ait des inquiétudes et des critiques, et qu’elles soient exprimées. Dans les premières moutures des textes du formateur, il y avait des attaques fondamentales contre les organisations elles-mêmes : les syndicats, les mutuelles. Nous avons aussi eu gain de cause, ces propositions ont été éliminées. On peut avoir des désaccords avec les syndicats – cela m’est arrivé d’en avoir avec mes amis de la FGTB –, mais je suis convaincu qu’ils sont nécessaires car ils remplissent une fonction contestataire légitime et nécessaire dans une démocratie. Quand une démocratie meurt, les premiers acteurs qui se manifestent pour la faire renaître, ce sont les syndicats. Je pense à Solidarnosc en Pologne, par exemple.
Les interprétations différentes sur la future taxe sur les plus-values prévue par l’accord Arizona laissent présager des discussions difficiles. Le MR en a une vision minimaliste. Pour Vooruit, c’est un symbole.
C’est plus qu’un symbole. Il faut demander une contribution de tout un chacun et particulièrement de ceux qui ont une capacité financière. Au niveau des actifs financiers, la concentration des richesses est énorme. Même en Belgique. L’inégalité en termes de possession d’actifs financiers est beaucoup plus criante que l’inégalité en matière de revenus. Seulement 10 % des Belges possèdent des actions cotées en bourse et, au sein même de ce groupe, 80 % des titres sont entre les mains de quelques-uns. Sans taxe sur les plus-values, cette élite financière échappe totalement à l’impôt. C’est totalement injuste. Ensuite, une taxe sur les plus-values, cela existe partout ! La Suisse mise à part. Si on met fin à l’exception belge sur les allocations de chômage à durée illimitée, il faut aussi mettre fin à l’exception belge sur les plus-values.
Mais comment l’applique-t-on ? Les détails, en matière de fiscalité, sont très importants.
L’accord de gouvernement est extrêmement clair et c’est la seule base de travail. Le texte dit que l’on crée une taxe de solidarité sur les actifs financiers de 10 % avec une exonération sur les 10 000 premiers euros de plus-value. Il y a un régime d’exception pour ceux qui détiennent un intérêt considérable dans une entreprise, à partir de 20 % des parts, cotées en bourse ou non. Dans ce cas, l’exonération est beaucoup plus importante et le tarif est progressif.
Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, affirme détenir un document rédigé par Bart De Wever qui donne une lecture plus souple de cette taxe…
Il n’y a qu’un seul document valable : l’accord de gouvernement.
Le PS, désormais dans l’opposition, a affirmé que l’Arizona allait fermer de nombreux hôpitaux. À la Chambre, vous avez dénoncé « une campagne de désinformation scandaleuse ». La famille socialiste existe-t-elle toujours ?
Je n’ai pas compris cette campagne, qui fait référence à un plan qui n’existe pas. Mais, pour revenir à votre question sur nos liens avec le PS : dans une famille, il peut y avoir des positions différentes. La gauche wallonne a immédiatement choisi l’opposition après les élections, et je le comprends. La donne a radicalement changé avec une victoire de la droite. Mais la gauche flamande a gagné aux élections. Le PS et nous avons fait des choix différents, mais on reste de la même famille, avec des convictions profondes communes.