France

Paris : L’enseignante qui avait frappé une élève de 3 ans condamnée à 3.000 euros d’amende

A la barre, une institutrice qui culpabilise et une mère « choquée ». Annick G., jugée ce vendredi 21 février pour avoir frappé une élève de 3 ans, scène qui avait été filmée et dont la diffusion avait provoqué l’émoi et la suspension de l’enseignante, a été condamnée à 3.000 euros d’amende, dont 1.500 avec sursis. Elle devra aussi indemniser sa victime à hauteur de 1.600 euros pour les préjudices moraux, matériels et physiques. Une audience qui fut aussi le procès d’une école aux prises avec les difficultés.

« Kenza* est rentrée dans une crise d’hystérie. Elle a pris une chaise, l’a lancée en l’air vers le plafond. La chaise a touché les dalles du plafond. Elle a frôlé un camarade. J’ai eu peur qu’elle ne se blesse. Elle continuait à crier. Elle s’est relevée, s’est mise à sauter sur elle-même et a rebalancé une petite chaise. J’ai perdu mon sang-froid et je lui ai donné une tape » s’est expliqué l’enseignante, en sanglots.

La vidéo montrait l’institutrice asséner un violent coup au niveau du dos à une petite fille en larmes, dans l’école maternelle des Frères Voisin située dans le 15e arrondissement de Paris. L’enfant, hurlant, se dirigeait ensuite vers un coin. L’enseignante prenait alors un vaporisateur et aspergeait la fillette. Une mère présente avait filmé la scène et averti la mère de la petite.

Conditions de travail « délétères »

« Le mardi, c’était chaotique, sens dessus dessous. Cela fait 20 ans que je suis aux Frères-Voisins et nos conditions de travail, mes conditions se dégradent. Cette école devrait être classée Rep (réseau d’éducation prioritaire) voire Rep + (les quartiers avec les plus grandes difficultés sociales) et ne l’est pas. Nous sommes dans un quartier difficile avec des familles en grande précarité de la cité, s’est expliquée l’enseignante. Dès le lundi j’ai alerté mes collègues sur le fait qu’on devrait alléger ma classe. »

« On habitue les enseignants à des conditions de travail délétères. Quand ils flanchent, c’est ce qui se passe », a appuyé son avocat, maître Laurent Hazan. « Personne ne peut dire ce que cela fait d’être au milieu d’enfants en pleurs et en situation de handicap », a relevé le parquet, qui demandait 4 mois avec sursis.

« Cet acte n’est pas un fait isolé »

L’avocate de l’enfant a quant à elle mis en avant des incohérences dans le récit de l’enseignante et les signalements antérieurs exhumés par le rectorat. Deux familles avaient écrit en 2012 pour signaler pour l’une qu’elle aurait tiré les cheveux d’une petite fille, et pour l’autre une gifle sur un petit garçon. « Cet acte n’est pas un fait isolé, je pense qu’elle était coutumière de ces usages. Il est important de faire en sorte que madame G. ne puisse plus jamais violenter de petite fille. » a déclaré maître Vanessa Edberg. « Ce ne sont pas des faits de violence qui sont tolérables venant d’un professeur des écoles », a estimé de con côté la procureure.

La défense a mis en avant les qualités de l’enseignante et ses difficultés personnelles au moment des faits. Des enseignants ont témoigné lors de l’enquête n’avoir jamais vu Annick G. s’énerver. « Je n’aurais pas dû venir travailler ce jour-là. Le dimanche j’ai appris le décès d’un être très proche de ma famille. Je me suis dit que je ne pourrais pas aller aux obsèques. J’avais des soucis de santé, j’étais inquiète je suis quand même allée au travail parce que c’est la semaine de la rentrée », s’est expliquée l’enseignante.

Tsunami médiatique

Les avocats de la défense et des parties civiles se sont livrés un combat autour de l’évaluation du traumatisme de la petite. Examinée à l’unité médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu, la victime s’était vue délivrer deux jours d’incapacité temporaire de travail (ITT). Mais selon une psychologue, ce préjudice était plus important, la petite fille ayant des terreurs nocturnes et d’autres symptômes typiques d’un traumatisme. Des « certificats de complaisance » a balayé Laurent Hazan.

En filigrane de l’audience, la responsabilité des médias et journalistes a aussi été pointée. « La violence de la médiatisation a été un tsunami, ça a été très violent », a expliqué l’enseignante, qui a malgré tout exprimé ses remords et présenté des excuses à la jeune fille. « Je tenais à présenter mes excuses à la petite Kenza, à sa famille pour ce geste fautif. Je regrette la tournure qu’ont pris les évènements. J’aspire aujourd’hui à l’anonymat pour moi et pour cet enfant ».

* Le prénom a été modifié