Conseil Constitutionnel : Pourquoi des élus dénoncent « un deal caché » entre Richard Ferrand et Marine Le Pen ?
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D’une toute petite voix. Richard Ferrand sera bien le prochain président du Conseil constitutionnel. Ce très proche d’Emmanuel Macron a en effet passé mercredi l’obstacle des commissions des Lois de l’Assemblée nationale et du Sénat à une voix près, grâce… à l’abstention du Rassemblement national. Un choix surprenant du parti de Marine Le Pen à propos duquel certains élus ont dénoncé un « accord secret » qui aurait été passé entre le macroniste et le RN. De quoi on parle ? On fait le point.
Pourquoi Richard Ferrand passe-t-il à une voix près ?
Choisi par Emmanuel Macron pour remplacer Laurent Fabius à la tête des Sages, Richard Ferrand a répondu mercredi aux nombreuses questions des députés et des sénateurs. « J’ai toujours été et je reste un homme libre », a lancé ce fidèle d’entre les fidèles du chef de l’Etat pour convaincre les parlementaires des commissions des Lois.
Pour faire barrage à cette nomination, il aurait fallu les trois cinquièmes des suffrages exprimés, soit 59 voix. Après un vote à bulletin secret, Richard Ferrand a obtenu 58 voix contre (et 39 voix pour). A un cheveu près, le macroniste sera donc bien le président du Conseil Constitutionnel en début du mois de mars prochain.
Pourquoi le RN s’est abstenu ?
Le Rassemblement national s’est donc abstenu lors du vote. Mécaniquement, ce choix a permis à Richard Ferrand de passer l’étape de validation. Les élus RN ont expliqué avoir été rassurés par les paroles de ce macroniste pur jus, et ont surtout indiqué qu’ils craignaient derrière la nomination d’un candidat… encore pire. « Si ce n’était pas Richard Ferrand, nous aurions eu le droit à Taubira ou Dupond-Moretti ! Nous avons fait le choix du moindre mal en nous abstenant aujourd’hui », a tenté de justifier le député RN Thomas Ménagé sur BFMTV mardi soir.
Une décision qui peut surprendre car il y a une quinzaine de jours, le parti s’inquiétait de la nomination du même Ferrand. « Ça fait vraiment copinage. Ce qu’on regrette, c’est que le Conseil constitutionnel soit aujourd’hui instrumentalisé pour faire de la politique », dénonçait auprès de 20 Minutes le député RN Alexandre Sabatou début février.
Pourquoi certains parlent de « pacte secret » ?
Face à ce revirement, les insoumis ont dénoncé un « accord secret » et un « deal caché entre le RN et la macronie ». La droite a de son côté fustigé un « deal secret entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen ». « C’est un revirement surprenant », abonde le communiste Ian Brossat auprès de 20 Minutes. « Le RN se présente en opposition frontale à Macron, mais il valide à la tête de l’une des institutions les plus importantes du pays un de ses plus proches. Et ses arguments sont abracadabrantesques, car le nom de Taubira n’a jamais été évoqué sérieusement. C’est bien qu’il y a une autre raison », souligne le sénateur parisien.
Ces critiques pointent une décision très attendue du Conseil Constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par un élu mahorais, condamné à une peine d’inéligibilité avec exécution immédiate. Cette décision, attendue d’ici début avril, devrait faire jurisprudence quelques jours avant l’issue du procès des assistants d’eurodéputés RN, pour lequel Marine Le Pen risque elle aussi l’inéligibilité immédiate. « Sauf à être naïf, qui peut croire à une coïncidence ? Soit il y a eu un deal caché, soit une volonté du RN de s’acheter la bienveillance du Conseil », accuse Ian Brossat.
Tout savoir sur le Conseil constitutionnel
Très critiqué ces dernières années, le Conseil Constitutionnel pourrait avoir à prendre d’autres décisions en lien avec le projet du RN, comme la préférence nationale, en cas de victoire du parti en 2027. « Il y a déjà une grande méfiance des Français contre cette institution. Et cette élection jette une forme de soupçons sur le caractère partial des futures décisions », regrette l’élu du PCF. Richard Ferrand n’a, lui, fait aucun commentaire depuis la validation de sa candidature.