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« Il n’y a pas eu de tournoi hors du Japon depuis trente ans », Paris se prépare à accueillir les champions de sumo

Une première depuis plus de trente ans ! La France est le seul pays au monde qui a accueilli un tournoi de sumo hors du Japon. En 1986 et en 1995, sous l’impulsion de Jacques Chirac, fan inconditionnel de ce sport de combat japonais, le Palais omnisports de Paris-Bercy a accueilli les meilleurs sumotoris du monde. Plus de trois décennies plus tard, l’Accor Arena accueillera les 13 et 14 juin 2026 un tournoi exceptionnel rassemblant les 62 plus grands rikishis, l’autre nom des lutteurs de sumo, de la planète. Quels sont les challenges lorsqu’on organise un tournoi de sumo, tradition millénaire mêlant tout à la fois religion shintoïste et sport de combat ?

« J’ai été spectateur du tournoi en 1995 et cela a eu un impact très fort sur ma vie tant professionnelle que personnelle. Je me suis spécialisé dans l’organisation d’événements asiatiques et de sports de combat », explique à 20 Minutes David Rothschild, initiateur et copromoteur de l’événement.

Bâtir une relation de confiance

La première étape pour organiser un tournoi de sumo à Paris est de bâtir une relation de confiance avec la Japan Sumo association, et s’armer de patience. « Je les ai contactés il y a dix ans. Il a fallu huit ans pour qu’ils reviennent vers moi. Depuis deux ans, j’y vais tous les deux mois pour les rencontrer, pour s’apprivoiser, pour qu’ils aient confiance en moi », relate David Rothschild.

Il y a un an, l’organisateur obtient enfin l’accord de la Japan Sumo association. « On a choisi la date et la ville et on a pu avancer », résume-t-il. David Rothschild fait alors appel à AEG Presents France pour l’épauler dans l’organisation de ce tournoi de sumo à Paris.

« On est plus habitué à produire des concerts ! Mais quand David est venu me voir pour me proposer ce projet, j’ai sauté au plafond ! C’est un lourd projet en matière de production, mais cela permet de faire des choses incroyables. Se retrouver au Japon à faire des conférences de presse avec des rikishis, c’est assez magique ! David a créé un lien de confiance avec eux. Il est le porteur du projet. Il a fait une délégation de confiance à AEG, il est le garant pour AEG. Sans lui, on ne serait pas là », détaille Arnaud Meersseman, DG de AEG Presents France.

« Il n’y a pas eu de tournoi hors du Japon depuis trente ans. C’est une organisation très traditionnelle, avec une hiérarchie très forte et des process très longs parce que la confiance est accordée à une personne, pas une société. Cela requiert un processus long de rencontres, de discussions, de jaugeage de personnes. Ils avaient envie de repartir à l’étranger, mais le Covid a stoppé cette envie. », poursuit David Rothschild.

Comprendre la dimension mystique du sumo

Le sumo est mentionné pour la première fois en 712 dans le Kojiki, le plus ancien livre japonais. « Ce qui est très touchant dans le sumo, c’est sa dimension mystique. C’est un sport de combat avec des hommes très forts, avec une dimension divine et une tradition ancestrale. Le sumo qu’on voit aujourd’hui est le même qu’il y a 200 ou 300 ans. C’est ce qui me plaît », raconte l’initiateur du projet.

« J’ai découvert le sumo pendant notre voyage au Japon. Il y a une dimension très cérémonielle, mystique et spirituelle. C’est un art de vivre, en plus, d’être un sport. J’ai été frappé de retrouver chez le public la ferveur d’un match de foot, alors que je m’attendais à quelque chose de vraiment silencieux liés à tout cela. En fait, on arrive dans une Arena blindée, avec des gens qui crient, qui hurlent. C’est vraiment familial aussi, il y a des enfants. L’ambiance m’a marquée. Cette alliance des deux m’a beaucoup plu », confie Arnaud Meersseman. « Les supporteurs ont des pancartes à l’effigie de leur rikishis favori, ils crient, ils huent ! C’est une ambiance très spéciale », renchérit David Rothschild.

Le sumo et le baseball sont les deux sports officiels du Japon. « Les rikishis sont à la fois admirés et considérés comme des demi-dieux. Ils sont présents dans les journaux people et ils prennent la parole dans de nombreux médias. Ils ont une dimension morale et sociétale. Ils aident les enfants, les personnes âgées, etc. », souligne encore David Rothschild.

Un tournoi de sport avec une dimension diplomatique

Jacques Chirac estimait qu’il s’agissait de la forme de combat la plus pure et traditionnelle et avait compris le rôle de ce sport de combat dans les relations franco japonaises. « La France est le seul pays au monde qui remet une coupe de l’amitié franco japonaise lors du tournoi de Tokyo à l’un des rikishis qui est sorti du lot », précise David Rothschild, initiateur et copromoteur de l’événement.

Et de se réjouir : « Les rikishis ont une importance diplomatique très forte. Au Japon, on a été reçu par l’ambassade France au Japon, qui nous a apporté son soutien. On a aussi rencontré l’ambassadeur du Japon en France, qui se réjouit de cette semaine où le Japon sera à l’honneur en France. On a aussi le soutien de la Mairie de Paris, qui veut s’investir dans l’accueil des rikishis. Au niveau politique, on ressent un soutien très fort. Les gens comprennent ce que le sumo représente dans la culture japonaise ».

« Il y a un tropisme japonais en France, on est par exemple le 2e consommateur de mangas au monde. L’idée n’est pas juste d’amener une compétition sportive en France, mais de mettre en exergue tout le côté spirituel et mystique, et se servir de cela pour mettre en avant le Japon et sa culture. La compétition a l’Accord Arena sera le point d’orgue, mais on veut en faire une semaine du Japon à Paris. Déplacer un petit bout de Tokyo ou Kyoto à Paris en mettant en avant la culture et la gastronomie japonaise. On travaille à plein d’autres événements autour du tournoi. Il y aura des activités pédagogiques dans des écoles parisiennes », précise Arnaud Meersseman.

Respecter les rites traditionnels

Le tournoi de sumo se caractérise par un respect scrupuleux de rites traditionnels. « On est sur une culture et des process très différents de ceux qu’on peut avoir avec les Stones ou Taylor Swift ! », s’amuse Arnaud Meersseman.

Le toit du Dohyō, la plateforme recouverte de sable sur laquelle les luttes sumo ont lieu, doit être importé du Japon. « On ne peut pas en fabriquer un. On a aussi des discussions sur la terre qui va être utilisée pour le ring… Tout le cérémonial et la procession autour doivent être scrupuleusement respectés. Ce sont de nouveaux challenges pour nous producteurs », explique-t-il encore.

L’événement est une grosse machinerie en matière de logistique. « Entre 150 et 200 personnes vont se déplacer du Japon, dont 62 rikishis. C’est une grosse machinerie », souligne encore l’organisateur.

« Ce qui me faisait peur, c’était l’attitude des gens, mais lors de cette première visite à Paris, ils ont été très respectueux. Les rikishis ont été très ouverts et ont accepté de faire des photos. Ils ont voulu manger français et se sont baladés à vélo, etc. Ils sont ouverts à tout », félicite David Rothschild.

Un sport et des rites qui sont encore méconnus

Même si des combats ont été diffusés sur L’Equipe TV, le sumo et ses traditions sont encore méconnus en France. « Même si on ne connaît pas les règles précises du sumo, on peut apprécier ce sport. Il y a deux règles principales : tout d’abord, seule la plante des pieds a le droit de toucher le sol, si on tombe, on est éliminé. Ensuite, on ne doit pas sortir du cercle, sinon, on est éliminé », résume David Rothschild.

Ses conseils pour se préparer à assister au tournoi dont la billetterie est ouverte depuis le 10 février sont simples : « A part regarder des combats sur Internet ou la série Sanctuary sur Netflix qui peut donner une idée, le mieux est d’avoir la surprise et venir se rendre compte de la puissance de ce que cela se représente. Ils ne sont pas gros, ils sont extrêmement puissants. Cette puissance est impressionnante » Rendez-vous donc en 2026 pour assister à cet événement hors du commun que l’on peut apprécier en famille : « C’est un sport familial et intergénérationnel. On voit aussi bien des personnes âgées que des enfants de 5 ou 6 ans », conclut David Rothschild.