Guerre en Ukraine : Alors que tout le monde parle de paix, quelle est la situation sur le front ?
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A l’aune d’un rapprochement diplomatique russo-américain sur le front de résolution du conflit en Ukraine, de futures négociations entre Kiev et Moscou sont sur toutes les lèvres des chefs d’Etats occidentaux. Pourtant, comme l’a rappelé le chancelier allemand Olaf Scholz, la guerre continue et l’horizon d’une paix semble bien nébuleux.
Sur le front, « les combats continuent et continueront jusqu’à un cessez-le-feu et ça risque de durer très longtemps encore », confirme Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine, historien, stratégiste et auteur de L’ours et le renard – Entretiens sur la guerre en Ukraine (Perrin).
Où en est-on des combats sur le front ukrainien ?
Après des mois d’avancées mineures mais réelles, l’armée russe « connaît un certain ralentissement sur le terrain, ce qui marque presque un blocage sur le front », note Michel Goya. « La Russie est toujours à l’attaque, mais moins qu’avant, la pression s’affaiblit », poursuit-il, observant « une tendance au gel des opérations ».
Quatre zones concentrent les principaux efforts de Moscou : la première, la priorité, c’est la région russe de Koursk où l’armée ukrainienne a fait une percée surprise en août dernier, parvenant à occuper un territoire ennemi. La Russie « entend chasser les forces ukrainiennes mais elle piétine face aux contrattaques de ses adversaires », souligne l’ancien colonel des troupes de marine.
Le deuxième front, c’est la ville de Pokrovsk, dans le Donbass. Là aussi, l’armée russe se confronte aux contrattaques ukrainiennes. L’armée de Kiev a d’ailleurs annoncé avoir repris la localité minière de Pichtchané autour de la ville clé. Toujours dans le Donbass, la ville de Toretsk a été revendiquée « après des mois de combats » tandis que dans la région de Louhansk, l’armée russe « grignote mais ne bouge pas beaucoup », constate Michel Goya. En d’autres termes, Moscou se contente de maigres victoires et d’avancées territoriales « minuscules », ajoute le spécialiste.
Que traduit ce piétinement des opérations sur le terrain ?
La première et plus évidente explication, c’est l’hiver. Le froid et le gel des sols compliquent les avancées militaires. L’armée russe pourrait ainsi profiter de cette période pour faire « une pause opérationnelle le temps de reconstituer des forces après avoir accusé de lourdes pertes », analyse Michel Goya. C’est sa première hypothèse.
La deuxième serait davantage structurelle traduisant « un rapport de force qui est en train de s’équilibrer entre l’Ukraine et la Russie », suppose-t-il. Quand, début 2024, la grande force de l’armée russe a été sa puissance de feu et ses capacités à lancer des bombes planantes, particulièrement destructrices, par centaine, ce n’est aujourd’hui plus le cas. A l’époque, l’aide américaine était par ailleurs figée par un blocage au niveau du Congrès, affaiblissant profondément les capacités ukrainiennes sur le terrain. « On était à dix contre un du côté russe, aujourd’hui, c’est deux contre un », résume Michel Goya.
Grâce à la livraison de F-16 et Mirage 2000-5, des avions de défense, et aux missiles fournis par les Occidentaux, l’Ukraine protège mieux son ciel et peut mener des campagnes de frappes sur « le deuxième échelon », c’est-à-dire « les dépôts logistiques, les postes de commandement et encore plus en profondeur en ciblant les raffineries », explique Michel Goya.
Le rapport de force est-il en train de basculer en faveur de Kiev ?
Le front se fige, les Russes piétinent. On n’observe toutefois pas encore un réel inversement du rapport de force sur le terrain. « L’Ukraine a encore beaucoup de problèmes et manque notamment de fantassins mais elle essaye de se réorganiser pour monter en puissance », analyse Michel Goya.
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Côté russe, « il y a l’épuisement des stocks et l’hypothèse qu’ils aient de plus en plus de mal à compenser leurs pertes » avec l’espoir que leurs provisions arrivent à sec « plus vite que les ukrainiennes ». Dans ce cas, « on pourrait assister fin 2025 à un basculement du rapport de force », ajoute l’historien.
Mais ces éléments sont ceux que l’on peut observer. Pour être capable de mesurer réellement les puissances de part et d’autre de la ligne de front, il manque des paramètres aussi importants que le moral de la population et des troupes ainsi que la santé économique en Russie, comme en Ukraine.