France

Les compléments alimentaires en patchs, innovation ou arnaque ?

On connaissait les gélules, les poudres à diluer, les ampoules et, plus récemment, les gummies. Désormais, au rayon des compléments alimentaires, il y a aussi les patchs !

Pour mieux dormir ou avoir sa dose de vitamines, ces compléments alimentaires sous forme de petites gommettes à se coller sur la peau cartonnent aux Etats-Unis. Meghan Markle en est déjà adepte, et ils sont désormais aussi disponibles en France. Mais que valent-ils ? Sont-ils efficaces ? Est-ce une réelle innovation ou seulement une nouveauté marketing ?

Comme une gommette

En pratique, c’est encore plus petit que le plus petit des pansements. ça ressemble le plus souvent à une petite gommette transparente, ronde ou carrée, de 1 à 2 cm, avec un motif en forme de cœur, de diamant ou encore de soleil. Plusieurs marques spécialisées ont vu le jour ces dernières années, à l’instar de « The patch brand », « My barriere » ou encore « NuCalm ».

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Pourquoi se coller un patch plutôt que de prendre un complément alimentaire classique en gélule ? Sans doute parce que c’est plus marrant. « Cette forme nouvelle a un côté ludique qui peut plaire, souligne celle qui est connue sur Instagram pour son compte Dermato Drey, dermatologue et autrice du livre Faire la paix avec sa peau (éd. Larousse). C’est une présentation qui peut favoriser l’observance : si vous devez prendre des ampoules au goût désagréable quotidiennement sur plusieurs jours ou semaines, cela limite l’observance. Alors que si vous mettez un patch, c’est facile à appliquer. C’est dans la même lignée que les gummies, qui ressemblent à des bonbons ».

Et comme les gélules et les gummies, il existe une large variété de promesses associées à ces patchs : favoriser un meilleur sommeil, s’offrir un cocktail vitaminé pour retrouver de l’énergie, booster sa libido ou encore améliorer sa concentration et sa mémoire.

Quelle efficacité en transcutané ?

Mais en pratique, comment de si petits patchs peuvent-ils arriver à distribuer à l’organisme les mêmes propriétés que des compléments alimentaires que l’on ingère ? A quel degré d’efficacité cette diffusion transcutanée peut-elle parvenir ? Et est-ce indiqué pour tout type de promesse bien-être ? Si l’on parle ici de promesse, c’est parce que les compléments alimentaires n’étant pas des médicaments, ils ne peuvent légalement pas revendiquer des allégations santé. Et « à la différence des médicaments, la commercialisation des compléments alimentaires ne nécessite pas d’autorisation de mise sur le marché », rappelle l’Anses.

Quant à l’efficacité spécifique de ces compléments en patchs, cela pose plusieurs questions, et des limites. « Pour améliorer l’efficacité, les patchs sont souvent placés dans des zones stratégiques où les zones veineuses sont condensées, comme l’intérieur du poignet, afin qu’ils puissent être absorbés plus rapidement », explique Marisol Saavedra, médecin esthétique à Londres, interrogée par l’édition américaine du magazine Marie-Claire. Mais pas de quoi convaincre Dermato Drey, plus sceptique. « Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas adapté à toutes les catégories de compléments alimentaires : sous cette forme transdermique, cela ne peut pas répondre à un certain nombre de problématiques, seulement à celles où il n’est nécessaire de diffuser que de toutes petites doses, parce que, logiquement, vous n’avez pas de possibilité de passer des grandes contenances dans ce type de patchs, souligne la dermatologue. Et certains compléments doivent en outre être ingérés sous une forme spécifique de gélules, à l’instar des probiotiques, pour être efficacement assimilés par l’intestin. Donc il n’y a aucune chance que cela fonctionne sous forme de patchs ».

Et « pour qu’un patch puisse être efficace, il faut que le produit contienne une très grande quantité de la molécule qui doit être diffusée, pour que la peau puisse l’absorber en quantité suffisante », ajoute-t-elle. Or, en regardant de plus près la composition d’un patch censé favoriser le sommeil proposé par l’une des marques leader du secteur, un rapide coup d’œil indique qu’il ne contient que 4,5 mg de racines de valériane, une plante connue pour ses vertus apaisantes et qui entre dans la composition de nombreux compléments alimentaires promettant un meilleur sommeil. Or, « un comprimé d’une marque française leader du marché contient quant à lui 50 mg de valériane, ainsi que de la passiflore et de la mélatonine, principale molécule favorisant l’endormissement, souligne Dermato Drey. On a du mal à imaginer comment une concentration si faible en principes actifs dans le patch peut réellement améliorer le sommeil. L’efficacité est forcément négligeable ».

« Un gadget, une innovation marketing »

Pour le Dr Jacques Fricker, médecin nutritionniste et coauteur de Tout sur les compléments alimentaires (éd. Odile Jacob), « ces patchs, c’est essentiellement du marketing, pour faire plus original et high-tech, cela ne sert pas à grand-chose, il n’y a d’ailleurs pas d’études indépendantes qui ont été menées pour démontrer l’efficacité de ces dispositifs ». Le seul effet que ces patchs pourraient avoir selon lui est « un effet placebo plus important. L’effet placebo fait partie de l’effet médical. Ce qui peut plaire, et même fonctionner – de manière très limitée – chez certains, c’est le fait de se créer un rituel qui rassure : on se colle un patch et on se persuade que l’on va arriver à mieux dormir, mais c’est un effet psychologique. Ce n’est pas un effet propre de la molécule ».

Et pour tout ce qui est cocktail de vitamines, « la meilleure source, loin devant les compléments alimentaires sous forme classique, reste une alimentation variée, riche en fruits et légumes, qui apporte tous les nutriments – vitamines, polyphénols, etc.- essentiels à l’organisme, rappelle le nutritionniste spécialiste des compléments alimentaires. Une supplémentation peut être indiquée dans des cas précis, comme pour combler une carence en vitamine D, ou encore en vitamine B12 pour les végans. Mais cela se fait sur prescription médicale, et à ce jour, aucun patch ne saurait remplir cette mission ».

Pour le médecin nutritionniste comme pour la dermatologue, « ces patchs sont un gadget, une innovation marketing, dont on ne peut pas attendre beaucoup de résultats ». Mais du côté des marques, on a surtout flairé le bon filon. Aux Etats-Unis, une étude publiée en 2023 par Council for Responsible Nutrition a révélé que 74 % des adultes américains prennent un complément alimentaire au quotidien. En France, le marché des compléments alimentaires ne cesse de croître avec, en 2023, un chiffre d’affaires qui s’élevait à 2,7 milliards d’euros. Selon une étude Statista publiée en 2023, 51 % des Françaises et Français interrogés ont déclaré avoir consommé des vitamines au cours des douze mois précédents. Et avec des tarifs allant d’une douzaine d’euros à plus de 80 euros la boîte de patchs, ces marques qui promettent d’atteindre le bien-être grâce à ces patchs ne sont pas près de renoncer à cette nouvelle manne.