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#MeToo Air France : « Pas une surprise mais une avancée pour les victimes », estime une syndicaliste

Agressions sexuelles, remarques sexistes, harcèlement… Air France est rattrapée par le mouvement #MeToo. Dans une enquête de la cellule investigation de Radio France, plusieurs salariées de la compagnie aérienne, principalement des hôtesses témoignent des violences sexistes et sexuelles qu’elles subissent et de l’omerta qui règne au sein de l’entreprise.

Des accusations graves qui ont conduit Philippe Tabarot, ministre des Transports, à convoquer dès lundi la direction d’Air France « pour avoir des explications ». Déléguée du Syndicat national du personnel naviguant commercial (SNPNC), majoritaire au sein de la compagnie, Coline Brou réagit pour 20 Minutes à cette vague de témoignages qui ébranlent la compagnie aérienne.

Ces révélations sont-elles une surprise pour vous ?

Pas vraiment non. On entend déjà beaucoup de choses entre collègues et on a aussi des remontées au niveau du syndicat avec des hôtesses et des stewards qui viennent nous parler. Car comme on est une grande entreprise avec beaucoup de salariés, ils ont bien souvent peur de ne pas être pris au sérieux et de ne pas être crus. Donc je vois plutôt cette vague de témoignages comme une avancée pour les victimes qui vont enfin être vraiment écoutées et prises en compte. C’est ce qu’il faut espérer. On essaie en tout cas de faire bouger les choses depuis plusieurs années.

Mais la direction semble fermer les yeux sur ces agissements avec des plaintes qui auraient été ignorées…

Il y a effectivement un manque de transparence dans certains cas. C’est un vrai problème pour les victimes car la direction leur dit parfois que les personnes ont été sanctionnées mais sans que l’on sache quand et comment. Ou même si elles ont été sanctionnées. On a des cas où des victimes préviennent leur direction pour être protégées et accompagnées, on leur dit de ne pas s’inquiéter et que cela va être traité mais elles n’ont plus de nouvelles ensuite. C’est cela qui crée l’omerta car on sait que ça se passe comme ça. Du coup, les victimes se taisent car elles savent qu’elles ne seront pas entendues et qu’il ne se passera rien.

On peut imaginer quand même qu’il y a des actions ou des formations contre les violences ou le harcèlement mises en place chez Air France ?

Oui mais c’est encore insuffisant et c’est trop lent à se mettre en place. Il y a par exemple une formation qui est obligatoire mais seulement pour les managers qui représentent un petit pourcentage dans les équipes d’Air France. Même les officiers pilotes ne suivent pas cette formation. Ou en tout cas ils ne sont pas obligés de la suivre et on sait très bien comment ça fonctionne quand ce n’est pas obligatoire. On réclame donc une formation systématique de tous les salariés ainsi qu’un affichage permanent sur ces sujets au sein de l’entreprise.

L’enquête pointe notamment « le statut de toute-puissance des pilotes ». Le confirmez-vous ?

Je ne veux pas stigmatiser les pilotes et on ne parle pas là d’une guerre entre pilotes, stewards et hôtesses. Un syndicat de pilotes rappelle d’ailleurs que des pilotes femmes rencontrent aussi des problèmes et que les pilotes eux-mêmes demandent à être formés sur ces sujets-là. Mais le souci, c’est que les pilotes sont les responsables hiérarchiques à bord à chaque mission. Pour les victimes, c’est donc compliqué de parler en cas d’agression ou de harcèlement du fait de ce rapport hiérarchique. C’est un métier particulier aussi car on change de collègues à chaque mission.

Notre dossier #MeToo

Air France est ciblée dans cette enquête mais est-ce pareil dans les autres compagnies ?

Le problème existe aussi ailleurs bien sûr. Mais de toute façon les violences sexuelles et sexistes sont systémiques dans la société ou dans les entreprises, grandes comme petites. Le mouvement #MeToo a touché la culture et la politique et le secteur de l’aérien ne fait pas exception. C’est juste que c’était tabou jusque-là. Il faut espérer maintenant que les choses bougent et que des mesures concrètes soient mises en place. Beaucoup de victimes l’attendent en tout cas.