Meurtre de Louise : Le débat revient mais les études montrent bien que non, les jeux vidéo ne rendent pas violent
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L’information selon laquelle le suspect qui a avoué le meurtre de la Louise 11 ans en Essonne jouait au jeu vidéo et sortait d’une défaite frustrante sur Fortnite, avant de passer à l’acte, a relancé le débat sur les liens entre violence et jeux vidéo. S’il n’a plus autant d’écho dans les médias qu’auparavant, on trouve tout de même quelques interventions sur le sujet. Comme le passage ces derniers jours de la psychanalyste Laura Lehber sur CNews, pour dire que « le risque d’agressions chez les jeunes qui jouent aux jeux vidéo est similaire à ceux qui consomment de la cocaïne ou de la MDMA ».
Le Sell, le syndicats des éditeurs de logiciels ludiques, a réagi de son côté via communiqué. « L’industrie du jeu vidéo est choquée et condamne tous les actes de violence gratuits, écrit le communiqué. Les jeux vidéo ne rendent pas violent. Les jeux vidéo restent avant tout des œuvres de divertissement au même titre que le cinéma, les livres ou la musique. Les nombreuses études scientifiques récentes démontrent toutes, et de manière rigoureuse, qu’il n’existe pas de corrélation entre jeux vidéo et comportements violents dans la vie réelle. » Alors, a-t-on raison de dire que les jeux vidéo ne rendent pas violents ?
FAKE OFF
Pour Michaël Stora, psychologue et psychanalyste spécialisé dans le numérique et les écrans, il y a peu de place pour le doute : « Jouer à la guerre, ce n’est pas faire la guerre. » En décembre, il a cosigné le rapport « Jeux vidéo : Violence et addiction ? » pour le think tank Fondapol. Il y rappelle qu’« aucune étude scientifique sérieuse ne permet d’établir de manière rigoureuse un lien direct entre les jeux vidéo et les mauvais comportements des joueurs dans la vie réelle ». « Les méta-analyses de plusieurs études montrent des liens très faibles entre jeux vidéo et sentiments agressifs », constate elle aussi Séverine Erhel, enseignante-chercheuse en psychologie cognitive et ergonomie.
Elle précise qu’il ne faut pas confondre la frustration d’avoir perdu une partie avec des comportements agressifs. Et pour les parents qui s’inquiéteraient malgré tout, « la solution reste de réserver des temps de jeu et de bien accompagner la fin de partie ».
Malgré tout, « le jeu peut déclencher des violences chez des personnes qui avaient déjà des fragilités », reconnaît Michaël Stora. « Les personnes qui ont un usage problématique du jeu vidéo présentent un cortège de vulnérabilités psychologiques, familiales, ou socio-économiques, complète Séverine Erhel. Ce sont des difficultés dont ils vont essayer de se distraire avec le jeu vidéo. » Des mécanismes comme les free-to-play, les jeux gratuits mais avec des microtransactions optionnelles ou des systèmes qui incitent les joueurs à revenir souvent et passer énormément de temps de jeu peuvent aussi se montrer problématiques.
« Toutes les contre-cultures finissent pointées du doigt »
Chez une majorité de personnes, la pratique du jeu vidéo restera très saine. « Le jeu possède des règles, on n’est pas dans la violence gratuite, reprend Michaël Stora. De mon expérience clinique, il a un pouvoir cathartique très puissant. Jouer va avoir tendance à baisser la violence interne. »
Le débat dure pourtant depuis presque trente ans. Cette question a d’abord émergé aux Etats-Unis, avec la sortie de Mortal Kombat en 1993, ou la tuerie de Columbine en 1999. Il y a deux ans, Emmanuel Macron avait accusé les jeux vidéo de radicaliser les jeunes participant aux manifestations qui avaient suivi la mort de Nahel lors d’un contrôle de police. Plus largement, « toutes les contre-cultures finissent pointées du doigt à un moment, explique Michaël Stora. Aujourd’hui, s’attaquer aux jeux vidéo va dans le sens de la diabolisation des écrans. »