« Quand j’étais petit, je voulais être inventeur »… Qui est Etienne, le papetier qui cartonne sur les réseaux sociaux ?
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«C’est drôle quand même : j’utilise le numérique pour vendre un support papier », lance en souriant Etienne Gouttefarde, un des derniers papetiers artisanaux en France. Ce professionnel de 30 ans a ouvert son atelier en novembre dernier, à Ambert, dans le Puy-de-Dôme, deux ans après avoir partagé ses premières vidéos sur@dur_de_la_feuille, son compte Instagram.
« Je ne me serais pas lancé si je n’avais pas eu cette communauté derrière moi », assure cet autoentrepreneur suivi par près de 180.000 personnes, dont une partie constitue sa « première clientèle ». Alors que « rien ne le prédestinait » à cette carrière, il vit aujourd’hui de cette nouvelle vocation.
Un métier en voie de disparition
« J’ai un parcours assez atypique », prévient-il. Après un bac scientifique et un master Staps, il part voyager. Australie, Amérique latine, Asie… Pendant près de cinq ans, il parcourt le monde avant « un besoin d’un retour aux sources ».
De nouveau dans son Auvergne natale, il trouve une place dans un moulin qui cherchait un papetier. Il apprend le métier au côté d’un ancien et assure seul la production pendant un an. « Quand l’entreprise a été rachetée, j’ai compris que c’était le moment de me lancer », indique-t-il. Mais avant d’ouvrir son atelier dans les anciennes écuries de la maison familiale, Etienne décide d’aller à la rencontre des derniers papetiers artisanaux en France, une quinzaine en tout, pour perfectionner sa technique.
« C’était assez émouvant, se souvient-il. Certains d’entre eux, âgés de plus de 80 ans, m’ont confié que ça faisait des années qu’ils attendaient »un jeune comme moi » pour transmettre leur savoir-faire. » Au-delà de ces « moments uniques », les anciens papetiers lui ont aussi partagé du matériel, qui devient, comme le métier, de plus en plus rare.
« J’ai envie de préserver un savoir-faire presque oublié », affirme-t-il, savourant le fait d’avoir découvert sa vocation. « Depuis tout petit, je disais que je voulais être inventeur et faire quelque chose de mes mains parce que j’ai toujours aimé bricoler. Quand j’y pense, c’est exactement ça, le métier de papetier », ajoute-t-il.
Les coulisses de la fabrication du papier artisanal
Dans ce domaine de « niche », Étienne a donc trouvé son public grâce aux réseaux sociaux. « Si on ne les utilise pas, on n’existe pas, surtout dans un milieu comme ça, admet-il. Je n’aurais pas pu vivre de l’activité qu’en vendant aux gens de ma ville. »
À l’origine, il avait créé son compte Instagram pour partager ses aventures de voyages. « Je me suis rendu compte que mes amis ne comprenaient pas en quoi ça consistait de faire du papier à la main, précise-t-il. C’est comme ça que je me suis mis à faire des vidéos, pour expliquer mon métier. » Et rapidement, son contenu cumule des « millions de vues », puis des commandes.
« Je ne suis pas influenceur, je ne suis pas les tendances ou les algorithmes, affirme-t-il. Je le fais parce que j’ai toujours aimé faire des montages et pour dire « c’est cette image que je veux donner à mon métier ». » Il partage ainsi les coulisses de son travail et casse les idées reçues sur son métier. « Maintenant, les gens voient vraiment ce qu’est le métier de papetier », dit-il.
Pour lui, son succès sur les réseaux s’explique par la disparition du métier. « Ça suscite une émotion chez les gens, on a tous un lien plus ou moins étroit avec le papier, analyse-t-il. Je pense aussi que certains en ont marre de voir des contenus générés par l’IA et dans mes contenus, ils retrouvent une certaine authenticité. »
Un papier à base de vert de poireaux pour les restaurants
Pour faire « sa place » dans le milieu, le jeune Auvergnat a misé sur trois productions de papiers différentes. « Le papier recyclé à partir des documents dans la déchiqueteuse, pour l’industrie du luxe et pour des occasions particulières, explique-t-il. Le papier avec des plaques de fibres compactées, plutôt destiné aux artistes. Et le papier chiffon, qui a complètement disparu en Auvergne et que j’ai envie de relancer, notamment pour les restaurateurs d’œuvres historiques. »
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Etienne aime aussi « explorer ce support qu’on connaît bien ». Il a ainsi développé un papier réalisé à partir de vert de poireaux, utilisé pour les menus de restaurant. « Ce sont des choses qui plaisent quand on veut un papier d’exception, avec un savoir-faire un peu oublié et une création quasiment unique. »
Et des idées de concept, il a en a. « J’ai une page de notes avec des centaines d’idées ! », affirme-t-il. Car finalement, ce qui l’anime, ce n’est pas seulement de fabriquer du papier, mais d’inventer en permanence. Comme il en rêvait enfant.