France

Pollution du Bassin d’Arcachon : « Nous sommes dans l’idée que le Siba n’a commis aucune faute »

Un coup de tonnerre dans le Bassin d’Arcachon. Lundi, la directrice générale du Siba, le syndicat intercommunal du Bassin d’Arcachon qui gère notamment les eaux usées des douze communes du territoire, a été placée en garde à vue, au même titre que la directrice des opérations de Veolia Atlantique, dans le cadre de l’enquête sur la pollution du Bassin d’Arcachon, révélait Sud Ouest.

20 Minutes a rencontré mercredi le président du Siba et maire d’Arcachon, Yves Foulon (LR), qui a réagi à l’évolution que vient de prendre l’enquête. « Le Siba avait une réunion mardi soir avec les douze maires du Bassin d’Arcachon, au cours de laquelle nous avons exprimé notre solidarité, notre confiance, et notre soutien à Sabine Jeandenand [la directrice du Siba] qui a subi une mesure de garde à vue » nous a-t-il dit. « Au-delà de ça, nous avons redit que le Siba était à la disposition de la justice pour apporter toute explication nécessaire à la manifestation de la vérité. Nous sommes mobilisés pour protéger le plan d’eau et préserver ses habitants. »

Une plainte pour « écocide »

Les enquêteurs de l’antenne bordelaise de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) souhaitaient entendre ces deux cadres dans l’enquête ouverte pour « pollution », « écocide », et « mise en danger de la vie d’autrui ».

Cette enquête avait été ouverte par le pôle régional environnemental (PRE) du parquet de Bordeaux après les plaintes d’associations de protection de l’environnement, de particuliers et d’ostréiculteurs. Elle vise des « déversements » de substances nuisibles pour la faune, la flore et la santé humaine, commis « par imprudence ou négligence », ou de façon intentionnelle, par des personnes physiques ou morales.

« Il faut absolument que cette enquête aille jusqu’au bout » clame une association

Les plaintes avaient été déposées il y a un peu plus d’un an, après les débordements du réseau d’assainissement survenus pendant l’hiver 2023-2024 à la suite de précipitations qualifiées à l’époque de « centennales ». Le Bassin d’Arcachon, et notamment les parcs ostréicoles, avait été inondé par les eaux usées transportant le norovirus de la gastro-entérite, contaminant les huîtres juste avant Noël. Conséquence : des milliers de consommateurs avaient été malades, avant une interdiction de consommation prise pour un mois.

Quel rôle le Siba a-t-il joué dans ces débordements ? Le réseau manquait-il d’entretien ces dernières années ? Des responsables ont-ils sciemment organisé des débordements dans le milieu naturel pour désengorger le réseau, saturé ? C’est à ces questions que les deux cadres ont dû répondre.

Ces gardes à vue, « c’est plutôt une bonne chose car cela montre que l’enquête avance », commente Bruno Hubert, de l’association environnementale Audenge Citoyenne. Il s’interroge notamment sur l’installation durant la crise sanitaire d’une pompe à eau sur la commune d’Audenge. « Elle est restée une quinzaine de jours, rappelle-t-il. Il y a bien quelqu’un qui a pris la décision de mettre cette pompe pour reverser l’eau usée dans la nature… Il faut absolument que cette enquête aille jusqu’au bout. »

Des plaintes « injustes »

En tant que président du Siba, Yves Foulon pourrait à son tour être prochainement entendu par les enquêteurs, sans nécessairement être placé en garde à vue. Face à cette éventualité, il nous a répondu quil était « naturel qu’il y ait des explications à donner » et que « c’est le rôle du Siba de rendre compte ».

Le maire d’Arcachon reste pour le moment sur la ligne défendue par le Siba depuis le début. A savoir que ce sont les intempéries, que le syndicat ne pouvait pas prévoir, qui ont causé les débordements. « Nous avons subi durant l’hiver 2023-2024 des pluies d’une intensité exceptionnelle, entraînant les difficultés que nous avons connues, et nous sommes dans l’idée que le Siba n’a commis aucune faute. »

Il estime par ailleurs que les plaintes déposées à l’encontre du syndicat sont « injustes » et que « tout le monde a été malheureux de ce qui s’est produit, notamment envers les ostréiculteurs. » Aux associations environnementales qui pointent une responsabilité des élus en place, qui favoriseraient une urbanisation excessive sur le bassin, il répond que « le Siba traite durant les mois d’hiver et de printemps les eaux usées d’environ 150.000 habitants », que « cela monte en juillet et août à 400.000 habitants, sans que cela pose de difficulté. » « Ce n’est donc pas le nombre [d’habitants] qui compte mais ce qui tombe du ciel, qui est devenu d’une intensité telle qu’il est compliqué d’absorber tout cela. »

« Les gens qui sont le problème ne seront pas la solution » commente Bruno Hubert. « Cette classe politique n’a pas compris le contexte écologique dans lequel nous sommes ; ces élus sont enfermés dans la même politique depuis vingt ans, revenir en arrière ce serait admettre qu’ils ont tort. Tant qu’on réfléchira par le prisme de l’économie, de l’urbanisation, de la croissance, on continuera de faire les mêmes erreurs. »

Pas de rejet des eaux usées dans le milieu naturel, dit le préfet

Concernant la demande de réalisation de déversoirs d’orage, c’est-à-dire la possibilité d’organiser le débordement des bassins de sécurité du réseau d’assainissement dans le milieu naturel, à l’écart du Bassin d’Arcachon, en cas de fortes pluies, Yves Foulon assure « attendre les arrêtés du préfet ».

Notre dossier sur le Bassin d’Arcachon

Le Siba avait sollicité les services de l’État pour une modification réglementaire afin d’obtenir l’autorisation de la construction de ces déversoirs d’orage, ce qui avait provoqué un tollé des associations dénonçant la demande d’un « droit à polluer. » Le préfet Étienne Guyot a toutefois depuis décidé de « réexaminer le sujet » et de ne pas autoriser les rejets « sauf situation exceptionnelle », comme les catastrophes naturelles reconnues par arrêté interministériel.