Identité nationale : « Le gouvernement cherche l’alliance avec l’extrême droite », assure Jean-Luc Mélenchon
![](https://1001infos.net/wp-content/uploads/2025/02/identite-nationale-le-gouvernement-cherche-lalliance-avec-lextreme-droite-assure-jean-luc-melenchon.jpg)
«C’est l’un des fruits pourris de la non-censure ». Jean-Luc Mélenchon fustige le débat sur l’identité nationale, lancé par François Bayrou la semaine dernière. Le patron de La France insoumise a reçu « 20 minutes » au siège du parti mardi pour évoquer la remise en cause du droit du sol par certains ministres et sa propre vision de « la créolisation ». Il met en cause « la responsabilité directe » d’Olivier Faure, qui a fait le choix de la non-censure sur le budget, et regrette la « relation toxique » avec les socialistes au sein du NFP.
François Bayrou souhaite ouvrir un débat sur l’identité française. Est-ce une bonne idée ?
Ce débat est odieux. Il n’a pas de sens, il n’a donc pas lieu d’être. C’est la septième fois que le sujet d’identité est évoqué depuis 1987 ! C’est une opération purement politicienne. Elle fracture la société et brutalise les individus. Il faut mesurer la meurtrissure qu’un tel débat représente pour des millions de gens. Et comme on a affaire à un gouvernement qui ressort les vieux concepts pétainistes de « Français de papier », l’alerte est maximale.
François Hollande a jugé ce « débat inutile », quand Olivier Faure a indiqué qu’il n’y avait « pas de tabou »…
Ils ne sont pas fiables. L’un a inventé la déchéance générale de la nationalité, et le second capitule sans combat en validant l’ouverture de ce qu’il appelle « un débat ». Quel est le problème posé ? Il n’y en a pas. C’est une ruse politicienne des gens au pouvoir pour diviser, pour substituer aux questions sociales une dispute sans objet et sans fin. Le but : installer la « préférence nationale » et priver des millions de gens de Sécurité sociale. Le gouvernement cherche l’alliance avec l’extrême droite. Car sur ce sujet, Marine Le Pen mène la danse.
Bruno Retailleau et Gérald Darmanin ont évoqué l’idée de restreindre le droit du sol sur le territoire français. Qu’en pensez-vous ?
Le peuple français n’est décrit ni par une religion, ni par la couleur de peau, ni par la langue. Nous sommes Français par une définition qu’on s’est donnée nous-mêmes : le peuple est uni par un contrat politique : Liberté, Egalité, Fraternité. Tu es d’accord avec ça ? Tu es Français. Mettre en cause le droit du sol, qui date de 1515, c’est curieux de la part des gens qui défendent les traditions. D’autant que cette manière de nous définir comme Français a fondé notre universalisme, celui de la Déclaration des droits de l’Homme. Donc, leur attitude est anti française.
Soyons clairs : entre M. Bernard Arnault, qui a pour lui « le droit du sang », et qui menace de délocaliser pour éviter l’impôt, et 400.000 sans-papiers qui travaillent ici en payant des impôts, j’ai une préférence sociale pour ces 400.000-là.
Mettre des conditions n’est donc pas souhaitable ?
Mais c’est déjà le cas ! Ce débat est une duperie. Le gouvernement paie la non-censure du RN. Le « débat » en soi est une victoire idéologique pour Mme Le Pen. Mais je les mets tous en garde : si on supprimait le double droit du sol par exemple, des millions de gens seront mis en cause. M. Bardella et M. Ciotti aussi auraient sans doute autant de problèmes que moi et tous ceux qui ont un grand-parent étranger. Je voudrais que le droit du sol soit inscrit dans la Constitution. Il faut faciliter l’accès à la nationalité française. Elle devrait être quasi de droit par exemple pour les médecins étrangers qui la demandent et la méritent.
Avez-vous été surpris que François Bayrou utilise le terme de « sentiment de submersion migratoire » ?
Quel délire… Que vient faire le « sentiment » ici ? C’est la raison, le bon outil ! Les faits devraient suffire. Et « submersion » par qui ? Par l’immigration ? Ce n’est pas vrai. Le solde migratoire n’augmente pas. Susciter la panique est indigne. Un Français sur quatre à un grand-parent étranger. Nous sommes donc 17 millions d’agents de submersion ? Bardella serait un « français de papier » comme dit Retailleau ?
Ils font ça pour créer de la division et faire des économies. Mais ont-ils bien en tête que ceux qui seront privés de sécu ne paieront plus les cotisations qui vont avec ? Ou trouver alors les milliards manquants ? Mettre à part ceux à qui on conteste l’identité française, ou qui ne l’ont pas, ça s’appelle le développement séparé. Quand on veut, par exemple, réserver les allocations familiales aux Français, c’est la logique d’apartheid. Les uns se développent d’une manière, les autres d’une autre. On mesure l’énormité ?
Faut-il limiter le nombre d’immigrés légaux qui arrivent en France comme le souhaite Bruno Retailleau ?
Quelle est l’idée, bloquer l’immigration ? Quel rapport avec l’identité française ? Si on mélange tout, on va injecter de la xénophobie à l’intérieur même du peuple français. Le fait que Bayrou rallie cette idée est bien un symptôme de la crise politique. Il adopte cette ligne pour payer le soutien de la droite extrême et l’extrême droite.
Je veux souligner le caractère fantasmatique de ces discussions dont le contenu est totalement toxique : xénophobe, islamophobe, et certainement raciste. Tous ceux qui ne comprennent pas que ce débat est un prétexte et qu’il faut en rejeter le principe même, sont complices. Et je ne suis pas surpris de voir M. Faure trouver qu’il n’y a pas de « tabou » en la matière. C’est le prix qu’il paye pour s’assurer qu’on laisse le gouvernement en place.
Ces débats sont le résultat de la non-censure ?
C’est un des fruits pourris de la non-censure. La crise que nous affrontons a pour point de départ le viol du suffrage universel en juillet. Tant qu’on n’aura pas réparé cette situation, ça ira de mal en pis.
Vous regrettez la non-censure sur le budget ?
On y a vu l’opposition des tigres de papier. A commencer par le RN, la fausse opposition de ce pays. Et ensuite les socialistes, devenus les supplétifs du gouvernement. Ils ont donné une garantie de survie. Du coup, ils lui permettent d’élargir ses bases en ralliant les positions de la droite extrême et de l’extrême droite. Tout ça est la responsabilité directe de la non-censure.
Les sondages montrent que les Français soutiennent les mesures de restrictions migratoires. La gauche a-t-elle perdu la bataille des idées sur ce thème ?
On a reculé, si on en croit les sondages. Il faut voir aussi comment les questions sont posées. Oui, le racisme s’est débridé. Surtout quand ceux qui sont au pouvoir se mettent à parler comme des racistes.
Vous avez évoqué la théorie du grand remplacement défendue par Eric Zemmour pour lui opposer l’idée de « créolisation ». Est-ce la version « positive » ?
La version de M. Zemmour n’a pas de sens. Et encore plus, venant de lui qui participe de ce qu’il dénonce parce que, sauf erreur, sa famille est originaire du Maghreb comme la mienne. Chaque génération remplace la précédente sans lui ressembler. Donc chaque génération est créole. La preuve, c’est que si on parlait à M. Zemmour avec la langue française du XVIe siècle, il ne comprendrait pas un mot.
Je milite pour l’unité du peuple français. Je ne suis nullement dérangé par le fait que des étrangers deviennent français. Ça donne envie d’appartenir à ce pays. D’ailleurs, je prends les paris : dans moins de dix ans, tous les pays d’Europe se battront pour faire venir du travail immigré et naturaliser des gens. Parce que le déclin de la natalité est une catastrophe pour nos systèmes et nos économies. Ce n’est pas un hasard si Mme Meloni a décidé de faire entrer 450.000 travailleurs étrangers en Italie. L’Espagne régularise 900.000 sans papiers. Et nous, les Français, qu’est-ce qu’on va faire ? Tous habiter en Vendée avec monsieur Retailleau, tellement on va être peu nombreux à la fin ?
Le politique n’a donc pas son mot à dire ?
La créolisation est un fait naturel, il concerne tout le monde. Que fait le politique ? Eh bien, ce n’est pas rayon. Et ceux qui deviennent français, votent comme les autres et fixent la loi. Donc, pardon pour M. Retailleau, qui va très mal le vivre : mais la France est déjà créolisée de manière décisive. En région parisienne nous sommes 13 millions à être des immigrés ou avoir un parent immigré : Corses, Bretons, Algériens, Maliens… On vit ensemble. Donc, arrêtons avec les fantasmes, la vieille France… Je leur dis : vous ne pouvez pas aimer la France sans aimer les Français.
Le PS va déposer une motion de censure sur le sujet migratoire. Est-ce que LFI la votera ?
On vote toutes les motions venant du NFP pour faire tomber le gouvernement.
Leur motion de censure est donc une bonne nouvelle ?
Nous, quand on dépose une motion de censure, on commence par la proposer à tous les groupes du NFP. Eux, non… Et à peine ont-ils fini de l’annoncer que les gens normaux leur demandent : « mais pourquoi ne pas faire tomber le gouvernement sur le budget ? » Ils ont laissé passer le pire budget depuis 25 ans. Leur motion de censure est un faux-semblant, de leur propre aveu, car le RN ne votera pas une censure socialiste sur l’immigration. Et le PS ose même dire : « s’il y a un risque que le gouvernement tombe, on la retire ! » C’est pire que tout. Ils croient que les gens ne voient pas leur comédie.
La rupture avec les socialistes est donc définitive ?
Ils ont encore une motion de censure pour annuler leur rupture. Le PS est un parti qui a fait 1,67 % à la présidentielle. L’été dernier, ils acceptent notre alliance, mais à peine ont-ils les sièges, qu’ils se séparent de nous. En ne votant pas la censure, ils ont rompu le Nouveau front populaire. Maintenant, c’est nous qui commençons à payer l’addition. Sur le terrain, des gens nous disent « pourquoi vous les avez ramenés ? Ils ne tiennent pas parole. Qu’est-ce que vous faites avec eux ? » Donc la relation avec le PS est une relation toxique. C’est-à-dire qu’au lieu d’amener plus d’union, plus d’intention de vote, plus d’affect en commun, ça amène sans cesse plus de disputes et d’amertume.