France

Sommet de l’IA à Paris : Ni naïfs ni pessimistes, les invités veulent croire à l’intelligence artificielle écologique

Lundi et ce mardi, le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle avait investi le Grand Palais, à Paris. Parmi les invités, une quarantaine de projets ont été sélectionnés par le forum pour la paix. Et une bonne partie promet de mettre l’IA au service de la transition écologique. Seulement, d’habitude, l’intelligence artificielle est plutôt pointée du doigt sur cet aspect. En janvier, l’Ademe indiquait que le numérique représentait 4,4 % de l’empreinte carbone de la France, une part croissante et où l’IA représente une portion encore difficile à estimer.

Pourtant, le débat est éludé au sommet de l’IA. « Il y a quelques sessions, mais on aurait aimé que cela prenne un peu plus de place, et notamment au Grand Palais, glisse Julien Pillot, docteur en économie de l’université de Nice et enseignant-chercheur à l’Inseec Grande Ecole. Il est vrai que l’IA est une technologie qui se développe à grand renfort de métaux et d’appels énergétiques. Ces points-là sont extrêmement sensibles. »

Des IA pour le bien commun

Au grand raout parisien, on préfère parler « opportunités » et « solutions ». Pierre Savy, directeur technique Cambium, une entreprise basée en Allemagne, promet de « générer des solutions de biomatériaux sur ordinateur par intelligence artificielle. » A l’université de Nairobi (Kenya), on « identifie les sources de carbone dans les décharges, afin de les recycler dans des batteries ». L’entreprise marocaine Mahaam, elle, se targue même d’utiliser IA pour décarboner l’économie, grâce à la collecte et l’analyse de données des entreprises.

Ces initiatives font partie de la cinquantaine de projets sélectionnés par le forum de Paris pour la paix, une manifestation qui existe depuis 2018 et qui a été pensée comme le « forum de Davos des biens communs », explique son directeur de la communication, Evan O’ Connell. « Tous les ans, il y a un appel à projet un peu concret, poursuit-il. Comme cette année, l’IA était un gros sujet en France, on a décidé de mettre au service du sommet ce dispositif, en mettant en avant des applications pour le bien commun. »

« Cela peut créer des conflits d’usage »

Contradictoire, alors, de parler de bien commun, quand Dejan Glavas, directeur de l’institut IA for Sustainability de l’Essca, estimait dans Le Figaro qu’une requête ChatGPT émet soixante fois plus de carbone qu’une requête Google ? « Il n’y a pas que les gros LLM [les moteurs derrière les IA comme ChatGPT], mais aussi des modèles plus petits, plus appliqués, défend Evan O’ Connell. Certains sont moins énergivores. Et la France produit de l’énergie décarbonée, ce qui en fait un bon lieu de développement des IA. » C’est aussi l’argument que le président Emmanuel Macron a mis en avant, dans les grands axes de son plan à 109 milliards pour investir dans le secteur en France. Et les porteurs de projet veulent croire aux externalités positives de cette technologie. « Si on économise 30 % d’émissions carbone en dépensant l’équivalent de 0,5 %, ça vaut le coup ! », expose Souhail Maya, cofondateur de Mahaam.

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Mais pour Julien Pillot, la question devra forcément se poser à un moment. « Cela peut créer des conflits d’usage si on a plus de besoins que de capacité à produire, prévient l’économiste. En Irlande, la consommation d’énergie des data centers correspond à 21 % de la consommation du pays, alors que c’était seulement 5 % en 2015. Pour éviter des scénarios catastrophes, il faut penser très en amont les besoins industriels et, peut-être, définir des usages prioritaires. » Il faudra peut-être choisir entre sauver des vies et demander des idées de recettes à ChatGPT, mais la question n’est pas encore tranchée.