Durcir le droit du sol : Mais au fait, comment ça fonctionne et combien de personnes en bénéficient vraiment ?

La question de la remise en cause du droit du sol divise depuis plusieurs jours la coalition gouvernementale. « Il me semble que le dispositif législatif actuel est tout à fait satisfaisant » a ainsi évoqué le ministre de l’Economie, Eric Lombard.
Une façon de marquer sa divergence, comme Élisabeth Borne (Education) avant lui, avec Bruno Retailleau (Intérieur) et Gérald Darmanin (Justice). « C’est la nouvelle méthode, qui est la polyphonie du gouvernement », a défendu la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas. Mais au fait, c’est quoi le droit du sol ?
Comment ça fonctionne ?
Depuis la loi Guigou du 16 mars 1998, toute personne résidant en France et née en France de deux parents étrangers acquiert automatiquement la nationalité française à 18 ans. Elle doit, à cette date, résider en France, et avoir eu sa résidence effective et habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins 5 ans, depuis l’âge de 11 ans.
La loi de 1998 a rétabli ainsi la législation en vigueur jusqu’en 1993. Entre-temps, de 1993 à 1998, la loi « Méhaignerie » avait durci les conditions d’acquisitions de la nationalité française, sans remettre en cause le droit du sol, mais en supprimant le principe d’automaticité. Pour devenir françaises, les personnes nées en France de deux parents étrangers devaient alors en manifester clairement la volonté, entre 16 et 21 ans. Le code de la nationalité avait été réintroduit dans le Code civil.
Pourquoi la loi Guigou a assoupli la législation ?
Cette loi n’a pas seulement rétabli la législation en vigueur avant 1993. Elle a également introduit la possibilité de demande de la nationalité française par anticipation avant l’âge de la majorité, à partir de 13 ans (sous certaines conditions). Le ministère de la justice est en charge de statuer ces demandes (les autres demandes, telles que les naturalisations ou les acquisitions de la nationalité par mariage sont du ressort du ministère de l’Intérieur). Aujourd’hui, la très grande majorité d’enfants nés de parents étrangers acquiert la nationalité française de manière anticipée, avant 18 ans.
Combien de personnes sont concernées ?
Au cours de l’année 2023, un peu moins de 100.000 étrangers (97.288 précisément) ont acquis la nationalité française, selon les chiffres de l’Insee. Parmi eux, 40.064 l’ont obtenue par décret, essentiellement par naturalisation. 55.105 l’ont obtenue par déclaration. Dans cette catégorie se trouvent les enfants nés en France de parents étrangers, mais aussi les acquisitions de nationalité française par mariage (soit 19.455 personnes).
En 2023, 32.533 personnes ont ainsi obtenu la nationalité française par anticipation, avant leurs 18 ans. Elles sont 2.119 à avoir obtenu la nationalité française automatiquement à l’âge de 18 ans, sans autre formalité.
Quelle est la tendance ?
Depuis une dizaine d’années, les chiffres d’acquisition de la nationalité française par déclaration anticipée (entre 13 et 18 ans) et celles acquises sans formalité (après 18 ans) repartent à la hausse après une baisse régulière au cours de la décennie précédente. En 1999, plus de 53.000 personnes étaient devenues françaises via le « droit du sol ». Un chiffre tombé à 25.500 en 2010. Sans retrouver le niveau de 1999, ce nombre est donc remonté à 34.672 en 2023.