France

A 40 ans, les Inouïs du Printemps de Bourges continuent de faire jeune

Dans la foule, il y a quelques paires d’oreilles particulièrement attentives. Béatrice et Melissa, par exemple, ne perdent pas une miette du concert de Dymanche, ce soir-là, au Petit Bain, salle parisienne située sur la Seine. Comme elles, le jeune artiste électro participe aux tremplins des Inouïs du Printemps de Bourges et joue sa place parmi 150 artistes et groupes nommés à travers la France.

A leur tour de passer sur scène, Béatrice et Melissa ne cachent pas leur plaisir d’être là. Et c’est au tour d’Yves Nord de piaffer d’impatience à l’idée de leur succéder. « C’est un concert un peu particulier pour lui, nous glisse un de ses proches. Il espère vraiment pouvoir jouer à Bourges et s’inscrire dans la tradition des artistes révélés dans le festival… »

La force du Réseau

Si tous ces jeunes artistes ont encore les yeux qui brillent à l’évocation d’un festival (du 15 au 20 avril 2025) qui va sur ses 50 ans, c’est sans doute en grande partie grâce aux Inouïs, un dispositif de repérage de jeunes talents, lancé il y a 40 ans. « En 40 ans, le système de sélection a évolué, mais la philosophie reste la même, explique Rita Sa Rego, directrice des Inouïs. Avant, chaque région faisait sa sélection qu’elle envoyait à Bourges. Aujourd’hui, il y a 30 concerts en France, c’est une sélection nationale. Mais depuis tout ce temps, le travail repose sur notre Réseau Printemps de conseillers artistiques qui sont nos yeux et nos oreilles pour trouver des groupes et artistes. »

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Avec le temps, les Inouïs se sont taillé un palmarès de talent à faire pâlir n’importe qui. « Nous avons une exigence artistique parce que tout le monde attend de nous de dénicher les artistes de demain. En général, on ne se trompe pas… »

La poudre aux oreilles des réseaux

Outre les proches des candidats, et des mélomanes curieux de nouvelles sonorités et nouveaux noms, les concerts de sélection des Inouïs attirent en masse des professionnels de la musique venus là en repérage. « Nous sommes devenus une sorte de label de qualité pour les pros et le public, se félicite Rita Sa Rego. Repérer et accompagner des jeunes artistes qui vont pouvoir se produire sur un grand festival, c’est notre savoir-faire. Dans nos jurys, dès la première phase, on est très attentifs à cette capacité à faire de la scène. Dans les propositions, il y a parfois un gap entre l’audio et le live. Ces artistes-là, on les aide avec des séances de coachings, des répétitions… »

En cela, les Inouïs ont su évoluer avec leur temps. Dans la première moitié de son histoire, le dispositif pouvait compter sur de jeunes groupes qui, pour se faire remarquer, écumer les scènes régionales et arrivaient à Bourges avec un solide bagage scénique. Depuis 15 ans, les jeunes artistes ont acquis, grâce aux réseaux sociaux notamment, la capacité de faire connaître leur musique et leur identité musicale sans forcément avoir beaucoup joué sur scène.

« « Depuis quelques années, les artistes des Inouïs sont tous plus experts que nous sur les réseaux sociaux. On est obligés de faire de la pédagogie pour leur expliquer que les réseaux sociaux ne suffisent pas, qu’il faut communiquer auprès des médias, répondre à des interviews, aller chercher de nouveaux publics… Il y a 20 ans, il n’y avait pas ce souci. » »

Mélange des genres

Du côté des récents lauréats du dispositif, on vante ainsi un dispositif qui permet d’ouvrir les perspectives… « Participer aux Inouïs, c’est un tournant dans une vie d’artiste, explique Océan, du groupe rock Akira & le Sabbat. On s’est lié avec des gens qui font toutes sortes de musiques, on est devenus amis avec des gens qui font de la chanson expérimentale, très loin de notre style. On n’avait pas forcément envie de gagner mais surtout de rencontrer des gens cools, et vivre une semaine entière avec 40 autres groupes. »

Ce mélange des genres, les Inouïs y veille tout particulièrement. Les époques et les modes passent mais le dispositif reste ouvert à toutes les musiques. « On veille à une diversité, et parfois ça réclame un peu des quotas, explique Rita Sa Rego. Le festival est surtout connu des artistes rock et chanson. Pour l’électro, le hip-hop, les musiques du monde, ça nous demande un effort. Il faut aller chercher les talents, leur présenter le dispositif, et les convaincre qu’ils y ont leur place… Le Printemps de Bourges n’est pas un festival sur lequel ils iraient naturellement. »

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D’ailleurs, même quand le festival a un déficit de notoriété dans une génération d’artiste, les Inouïs sont là pour jouer les rabatteurs. C’est le cas de Dinaa, jeune chanteuse de la promo 2024, comme Akira et le Sabbat : « J’ai commencé la musique il y a très peu de temps, je m’inscrivais à tous les tremplins et c’est allé très très vite. Je me suis lancé là-dedans pour avoir des retours, travailler avec des pros. Mais je ne connaissais le Printemps de Bourges que de nom. »

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Elle aussi a profité de son passage à Bourges pour « grandir » sur le plan professionnel. « J’ai rencontré mon éditeur là-bas. J’ai mieux compris le milieu en discutant avec d’autres artistes, en comparant nos expériences… Et surtout j’ai gagné une expérience de scène. Je joue et je chante depuis toute petite, dans ma famille, puis dans la rue. Sur scène, avec un public nouveau j’ai eu des envies nouvelles. Par exemple j’ai voulu des chansons qui fassent danser les gens… »

Akira, Dinaa et les autres seront-ils encore programmés à Bourges dans 40 ans ? Impossible à dire, mais ces artistes sont les jeunes héritiers d’un dispositif qui, comme l’explique Rita Sa Rego, « donne le ton de la musique de demain », depuis 40 ans.