Sommet de l’IA à Paris : Après l’espace, l’intelligence artificielle est-elle la prochaine course à qui a la plus grosse ?
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L’IA, vers l’infini et au-delà. Il y a deux semaines, l’entreprise chinoise DeepSeek a affolé les marchés, les médias et les bidouilleurs fans de tech en proposant une intelligence artificielle, concurrente de ChatGPT, réputée moins chère et open source. Marc Andresseen, pionnier de la tech américaine devenu soutien de Donald Trump, a comparé la situation au « moment Spoutnik », quand l’URSS a pris de court les Etats-Unis dans la conquête spatiale. A la croisée d’une nouvelle guerre froide et de la compétition technologique, le match pour savoir qui s’imposera sur les marchés de l’IA partage en effet quelques similitudes avec la course à l’espace.
Comme la course à l’espace, le monde de l’IA vit désormais au rythme de grandes annonces. Le 21 janvier, Donald Trump promettait un plan d’investissement public et privé dans le secteur, pour une somme totale de 500 milliards de dollars, baptisé « Stargate ». Et bien que les rivalités s’établissent entre des entreprises privées (là où des agences nationales dirigeaient les programmes spatiaux), celles-ci embarquent un peu les pays dans la compétition. Dans les médias et les discours, DeepSeek incarne « l’IA chinoise », Mistral un « fleuron français » et ChatGPT le représentant de la Silicon Valley.
Une rhétorique qui oppose Chine et Etats-Unis
Et dans cette nouvelle compétition, les Etats-Unis font face à un nouveau challenger. Fini l’URSS et son centre spatial au milieu du désert kazakh, place à la Chine et ses mégapoles technologiques. « DeepSeek marque l’entrée de la Chine dans un secteur où on pensait qu’il y avait une surreprésentation américaine, souligne Jean-Dominique Seval, économiste spécialiste du numérique. Mais pour ceux qui connaissent le pays, ce n’est pas une surprise. Avant l’IA générative, il a déjà beaucoup misé sur l’algorithmique, notamment à travers ses géants du e-commerce. »
« Les conditions de départ ne sont pas les mêmes qu’avec le spatial, abonde Jean-Vincent Brisset, général de brigade aérienne et chercheur associé à l’Iris. Dans ce secteur, la Chine avait une moyenne de quarante-deux ans de retard, qu’ils rattrapent surtout parce que les autres ont ralenti. »
Mais cette rhétorique est entretenue à dessein par les Etats-Unis, assure Irénée Regnaud, consultant et chercheur associé au laboratoire Connaissance, organisation et systèmes techniques de l’université de technologie de Compiègne. Il rappelle que Marc Andresseen, à l’origine de la comparaison avec Spoutnik, a rallié Donald Trump et fait partie des « accélérationnistes efficaces », une tendance politique et économique qui veut abolir toute restriction au développement technologique.
« Il veut appeler à un sursaut, et cherche à faire de la Chine un ennemi. Il a un regard très orienté et consolide un discours de conflits de puissance. Attention à ces éléments de langage qui cachent une réalité plus nuancée que ça. […] Dans le spatial, ce sont les Etats-Unis qui lancent la course. Les Chinois ne voient pas la Lune comme une compétition. » »
L’IA, nouvel enjeu stratégique
Toujours est-il que l’intelligence artificielle semble partie pour représenter un défi stratégique important. « C’est un enjeu de puissance économique, le marché potentiel est énorme car tout le monde va utiliser l’IA », prédit Jean-Dominique Seval. Et tout comme l’aérospatial, cette technologie promet aussi des applications dans le domaine de la défense : Google est récemment revenu sur sa promesse de ne pas développer des IA à usages militaires.
Et comme dans la course à l’espace des années 1960, l’Europe semble un peu à la traîne. « En recherche et développement, on est au même niveau, mais nos meilleurs éléments partent souvent aux Etats-Unis », constate Jean-Dominique Seval. Malgré quelques succès, comme Mistral, « ça décroche quand il faut passer à l’échelle européenne ou mondiale, la diffusion est plus lente ».
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Il manque peut-être seulement une dimension culturelle à cette compétition. « Pour le moment je ne vois pas l’IA apporter des transformations très ponctuelles, il y a moins de symboles qu’avec la course à l’espace », affirme Jean-Vincent Brisset. Même les plus technophiles auront du mal à affirmer qu’un modèle qui répond 5 % plus rapidement a le même impact que voir Neil Armstrong poser le pied sur la Lune en Mondovision. Et pourtant, « le moment symbolique, on l’a déjà eu », assure Jean-Dominique Seval.
Pour lui, l’arrivée de ChatGPT, en novembre 2022, et son adoption par le grand public, marque cette rupture. Selon une étude Kantar de mai 2024, un Français sur cinq a déjà utilisé une IA générative. Peut-être, imagine Irénée Regnaud, qu’une coopération internationale qui réunirait Etats-Unis et Chine ferait un beau symbole, comme l’avait justement envisagé Kennedy au début de la course à la Lune en tentant d’y rallier l’URSS. Aujourd’hui, l’idée semble encore plus loin que Mars.