À Grimbergen, des soupçons d’attouchement sexuel sur une élève de 5 ans provoquent la colère de parents, qui vire à l’aigre
L’affaire a pris une dimension qui a rapidement dépassé les frontières de Grimbergen, petite commune limitrophe de Bruxelles qu’elle a pour cadre. Elle a même été évoquée mercredi au Parlement flamand et fait l’objet de nombreux articles de presse. Il faut dire qu’elle repose sur des accusations graves et a provoqué une belle pagaille dans le quartier de Strombeek-Bever.
- Publié le 09-02-2025 à 08h00
![Une école de Strombeek-Bever garde ses portes closes après une plainte contre un professeur.](https://www.lalibre.be/resizer/v2/WZ3SSR2UVVC6XHO7YOLG2CR6WE.jpg?auth=90a9cac82dd1d991dbe7b14f4573307067547dc4d488468bbfae19cd57760c91&width=1200&height=800&quality=85&focal=1920%2C1080)
Vendredi 31 janvier, une fillette de 5 ans confie à sa grand-mère avoir subi des attouchements de la part d’un enseignant de la Sint-Jozefschool, où elle est scolarisée. Ce ne serait pas la première fois. Des faits similaires, rapporte encore la fillette, se seraient produits auparavant dans les toilettes de l’établissement. Sous le choc, la mère répercute sans filtre les accusations graves de sa fille sur les réseaux sociaux. En rajoutant : « Lundi, l’école va le savoir« .
Et de fait, lundi matin, une centaine de manifestants se pressent devant les portes de l’école. Les esprits s’échauffent. Des slogans tels que « L’école doit être sûre » ou « Croyez les enfants » sont claironnés, souvent en français. Des personnes tambourinent du poing sur la porte en métal de l’établissement. Le tumulte s’entend jusqu’à l’intérieur de l’école, où les enseignants tentent tant bien que mal de donner leurs cours. Les profs se disent terrorisés par cette agitation inhabituelle et par la violence des propos répercutés par les réseaux sociaux depuis deux jours.
Des échos jusqu’en Turquie
Une petite délégation de protestataires rencontre le bourgmestre de Grimbergen et le directeur de l’école, ce qui fait baisser la tension. Les autorités affirment aux parents que la sécurité des enfants est leur priorité, tout en ajoutant qu’il faut laisser le temps à l’enquête de faire la lumière sur l’affaire. Certains protestataires ne s’en contentent pas. Dans la nuit de lundi à mardi, des inconnus marquent à la peinture l’inscription « pedo-school » sur les portes de l’école. D’autres inscriptions sont taguées sur des murs à l’intérieur de l’établissement. Des noms sont jetés en pâture. Les enseignants disent ne plus pouvoir donner cours dans ces conditions. La direction suspend alors les cours pendant le mardi et le mercredi. L’affaire commence à prendre des proportions auxquelles l’école ne s’attendait pas. Elle trouve même un écho à l’étranger. Selon le bourgmestre, Bart Laeremans, un ancien député Vlaams Belang qui a quitté le parti d’extrême droite en 2015, un ministre turc a appelé la Belgique pour savoir ce qui s’est passé – la famille de la fillette qui a déposé plainte est d’origine turque.
Face au tumulte, les parents lancent un appel au calme, qui semble suivi d’effet. Mais l’air reste irrespirable dans l’enceinte de l’école. Les enseignants restent sous le choc. Pour laisser la tension retomber, la direction de l’école prolonge, mercredi, la fermeture de l’école jusqu’à la fin de la semaine.
Débat au Parlement
Mercredi toujours, l’affaire trouve un écho au Parlement flamand. L’unique élu de la Team Fouad Ahidar, M’Hamed Kasmi, interpelle la ministre flamande de l’Enseignement, Zuhal Demir (N-VA). Il lui demande si les autorités feront tout ce qu’il faut pour protéger la sécurité des enfants. Il a un doute : le bourgmestre de Grimbergen aurait dit que « ce que dit un enfant de maternelle n’est pas toujours vrai« . La ministre tient à peu près le même discours que les autorités lorsqu’elles ont rencontré les parents. Elle clame que la sécurité des enfants est la priorité. En guise de preuve, elle indique que la police a interrogé la fillette dès le lendemain du dépôt officiel de plainte des parents, en suivant la procédure TAM – pour technique d’interrogatoire audiovisuel des mineurs. Mais elle précise aussi qu’il faut aussi respecter l’État de droit et que, donc, l’enseignant incriminé continue à bénéficier de la présomption d’innocence. Elle rappelle ce qui est arrivé en 2013 à cette institutrice anversoise de l’école maternelle De Blokkendoos, elle aussi accusée de comportements transgressifs, qui avait été menacée de mort avant d’être mise totalement hors de cause. Elle aurait sans doute aussi pu évoquer un cas similaire intervenu en 2019 dans une école communale schaerbeekoise. Mais elle ne le fait pas, car elle n’est pas ministre francophone de l’Enseignement.
Zuhal Demir dénonce, dans la foulée, les intimidations dont les enseignants ont été l’objet. Elle convient enfin que les directions d’écoles ne sont ni outillées ni vraiment préparées pour réagir à des situations pareilles. Et qu’elles sont désormais souvent dépassées par les réseaux sociaux, qui offrent une caisse de résonance difficilement maîtrisable.