France

Agriculture : « Les contestataires se retrouvent au pouvoir »… Quelles suites après la percée de la Coordination rurale ?

«Les bonnets jaunes » réalisent une percée lors des élections aux chambres d’agriculture. Face à la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), la Coordination rurale, réputée proche de l’extrême droite, a en effet remporté une quinzaine de départements dont le Lot-et-Garonne, le Gers ou encore la Gironde, tandis que des listes indépendantes comme Unis pour notre avenir ont remporté la Haute-Garonne, l’Ariège et la Moselle… Nouvelle donne, donc dans la gestion de ces chambres, même si la FNSEA reste majoritaire. Pour 20 Minutes, Eddy Fougier, chargé d’enseignement à Sciences Po Provence, spécialiste des mouvements contestataires et auteur de Malaise à la ferme, enquête sur l’agribashing (Marie B ed., 2020), analyse la situation.

Comment déchiffrez-vous cette percée de la Coordination rurale ?

La Coordination parle de victoire, on peut plutôt parler de « percée ». En 2019, elle avait trois chambres, aujourd’hui c’est presque 15. Entre les attentes et les résultats, ils sortent gagnants effectivement, et ça va changer beaucoup de choses. Ils vont à être à la tête des chambres d’agriculteurs, vont devenir des interlocuteurs alors qu’ils avaient toujours une place de contestation plutôt que de dialogue, comme peut le faire la FNSEA. Les contestataires se retrouvent au pouvoir.

Avec les manifestations de 2024, peut-on s’attendre à un nouveau climat dans l’agriculture française ?

L’avenir le dira. Est-ce que cette colère, cette contestation va se traduire dans la gestion ? Ce n’est pas la même façon de faire que la FNSEA : ils manifestent, sifflent et ensuite négocient avec le gouvernement. La Coordination rurale est plus protestataire. Ça va être le test dans les chambres d’agriculture, mais aussi durant le Salon des agriculteurs, qui aura lieu dans quelques semaines. C’est une situation inédite et on peut s’attendre à des opérations coup de poing et une vision plus radicale.

Cette percée est donc due aux actions ou inactions de la FNSEA ?

La Coordination a gagné du terrain grâce à trois facteurs. La première est la grande déception des agriculteurs envers le gouvernement après les manifestations de janvier 2024. Un mouvement plus fort et ferme peut donc changer la donne. Ensuite, il y a un ras-le-bol des agriculteurs vis-à-vis de la façon dont la FNSEA gère les questions agricoles. Ils se tournent donc vers d’autres listes plus « agressives ».

Enfin, troisième donne : le facteur régional. La Coordination et les listes indépendantes ont gagné plutôt en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. Ce n’est pas anodin, ce sont les territoires où les agriculteurs sont les plus pauvres et font face à de vrais problèmes d’exploitation entre les sécheresses, les maladies animales… Ils n’en peuvent plus.

Ces élections vont-elles avoir des conséquences pour les Français ?

Ça va impacter les Français sans aucun doute, de façon indirecte. Il y a une pression exercée de la part des agriculteurs pour une simplification administrative. Et ce qu’ils demandent, moins de contraintes sanitaires et environnementales, pourrait se retrouver dans l’assiette des consommateurs.

Côté manifestation, on peut s’attendre à de nouveaux mouvements comme en janvier 2024. Est-ce qu’ils seront plus violents ? Nous verrons.