En Afghanistan, l’effacement des droits des femmes est un « apartheid de genre »
Les femmes sombrent de plus en plus dans l’horreur en Afghanistan. Depuis la prise de pouvoir des talibans à Kaboul en août 2021, la moitié de la population perd progressivement ses droits et est chassée de l’espace public. En 2022, l’interdiction pour les jeunes filles d’aller à l’école au-delà de 12 ans sonnait le début de cette descente aux enfers. Les femmes afghanes ont par la suite été chassées des postes de fonctionnaires, des ONG et des ambassades, mais aussi de l’espace public : interdiction de se rendre dans les salles de sport, les salons de coiffure ou de se promener dans les parcs.
Depuis l’été 2024, une loi talibane visant à « promouvoir la vertu et prévenir le vice » leur interdit de parler en dehors de chez elles, de se maquiller ou de se parfumer et les oblige à se couvrir complètement le corps en présence d’un homme qui n’est pas leur mari. Tandis qu’en décembre dernier, les talibans ont ordonné d’obstruer l’accès aux fenêtres donnant sur des espaces résidentiels occupés par les Afghanes pour limiter les « actes obscènes ». Une situation qualifiée « d’apartheid de genre » par l’ONU.
Radio Begum, dernière voix des femmes en Afghanistan
Dans le pays, Radio Begum, créé pour et par des femmes, faisait figure de résistance. Mais la encore, le régime taliban a rattrapé la voix des femmes. Si la musique y était interdite, l’antenne diffusait du contenu éducatif ainsi que des émissions sur la santé des femmes et un soutien psychologique. « C’est probablement le contenu de ces programmes qui a gêné les talibans », explicite Anne Savinel-Barras, présidente d’Amnesty International France.
« Radio Begum, qui proposait des programmes religieux, permettait aux femmes de poser des questions sur leurs droits dans l’islam. Dans les textes religieux, et notamment dans le Coran, le droit à l’éducation des femmes est fondamental. Des explications qui vont à l’encontre de leurs privations », explique la présidente de l’ONG. Le média lancé par la journaliste Hamida Aman six mois avant le retour des talibans au pouvoir avait pour objectif « d’amener les femmes à défendre les droits qu’elles avaient durement acquis ».
Ancrage patriarcal
Car pour légitimer les règles qu’ils imposent, le régime taliban se sert d’un système patriarcal déjà bien ancré dans le pays. « La situation a toujours été dramatique pour les femmes en Afghanistan de par l’histoire et la culture du pays », constate Anne Savinel-Barras. Entre les deux régimes talibans (1996-2001 puis 2021 à nos jours), « les femmes ont pu défendre et acquérir des droits qui leur étaient jusqu’alors interdits, elles se sont émancipées, ont reçu des diplômes et commencé des carrières professionnelles », la restriction démesurée de leurs droits est un retour en arrière, « surtout pour les jeunes femmes qui ont grandi dans un régime qui leur permettait enfin de défendre leurs droits ».
Lors de leur première prise de pouvoir, les talibans avaient imposé de nombreuses restrictions aux Afghanes comme l’obligation d’être vêtue de la tête aux pieds ou d’être systématiquement accompagnée d’un homme. Si la situation était déjà terrible, cette nouvelle aire du régime « va plus loin qu’il y a 25 ans », estime Anne Savinel-Barras, « d’autres sociétés et communautés privent les femmes de leur liberté, mais on ne retrouve cette intensité nulle part ailleurs ».
Fin janvier, « des mandats d’arrêt contre des dirigeants talibans ont été demandés par le procureur de la Cour pénale internationale, « une importante avancée vers la justice pour les femmes, les filles et les personnes LGBTQI en Afghanistan », souligne Amnesty International.
Les dernières actualités sur l’Afghanistan
« Aucun pays ne peut progresser – politiquement, économiquement ou socialement – en excluant la moitié de sa population de la vie publique », s’était exprimé fin décembre le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, « pour l’avenir de l’Afghanistan, les autorités de facto doivent changer de cap ».