Gaza : En « voulant faire le ménage », « Donald Trump annonce qu’il va commettre un crime de guerre »
«Prendre le contrôle » et « faire le ménage » à Gaza. Dans une dernière salve de déclarations choc le 4 février, Donald Trump a affirmé que « les Etats-Unis vont prendre le contrôle de la bande de Gaza » et « faire du bon boulot avec » en la transformant en « Côte d’Azur du Moyen-Orient ». Une proposition qui pourrait « changer l’Histoire » selon le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, reçu à la Maison-Blanche. Le président américain a également répété que les habitants de Gaza pourraient aller vivre en Jordanie ou en Egypte, malgré l’opposition de ces pays et des Palestiniens eux-mêmes.
Mais ces déclarations sont contraires au droit international, comme nous l’explique Coline Beytout-Lamarque, responsable adjointe droit international humanitaire à la Croix-Rouge. L’organisation de libération de la Palestine (OLP) a, de son côté, rejeté mercredi tout projet de transfert « du peuple palestinien hors de sa patrie », quand le Hamas dénonce un plan « raciste » visant à « éradiquer la cause palestinienne ».
Tout « démolir » et faire de Gaza une nouvelle « Côte d’Azur », cette annonce de Donald Trump doit-elle être prise au sérieux ?
Bien avisé serait celui qui sait ce qu’il y a dans la tête de Donald Trump, parce qu’il y a souvent un énorme décalage entre les déclarations et les actes. C’est à prendre avec des pincettes. En début de mandat, il est clair que sa volonté, c’est de faire peur à peu près à tout le monde, aux pays arabes ou à l’Europe quand il parle du Groenland.
Est-ce que ça sera suivi des faits ? J’en doute fort, parce qu’il se rendrait complice d’un crime de guerre. Déplacer de force une population et empêcher le retour de cette population déplacée dans leurs propriétés, c’est un crime de guerre. Je ne suis pas politiste, je suis juriste, mais de mon point de vue, il ne va pas se passer grand-chose, parce qu’il annonce qu’il va commettre un crime de guerre. Je pense que les équipes juridiques du gouvernement américain vont lui demander de se calmer sur les déclarations.
Donald Trump veut aussi « faire le ménage » à Gaza et déplacer les habitants vers l’Egypte ou la Jordanie. Peut-on parler de nettoyage ethnique avec cette proposition ?
Seul un tribunal pourra décider du chef d’accusation si poursuite il y a. Mais ce qui est certain c’est que le transfert forcé de population et la déportation hors du territoire occupé sont interdits pas le droit international humanitaire. En effet, la quatrième convention de Genève de 1949, universellement ratifiée, ainsi que le statut de Rome et la coutume interdisent le fait de déplacer de force des personnes sauf raison militaire impérieuse sous certaines conditions.
Suffit-il que l’Egypte ou la Jordanie refusent ce transfert pour qu’il ne soit pas mis en œuvre ?
La convention de Genève de 1951 sur le droit des réfugiés impose en principe aux états d’arrivée des personnes pouvant prétendre à ce statut de les accueillir. Mais ici on assiste à un bras de fer politique, il est donc difficile de répondre.
Ce n’est pas à un dirigeant, même d’un Etat non partie prenante au conflit armé, de décider où les personnes déplacées peuvent ou pourront se réinstaller. Le droit prévoit en effet que seules celles-ci le peuvent. Toute personne déplacée dans le cadre d’un conflit armé, y compris une occupation, a le droit d’être ramenée chez elle aussitôt que les hostilités ont cessé.
Si cette proposition, qui a le soutien de l’extrême droite israélienne, est déployée, quels sont les recours possibles pour l’empêcher ? Que pourrait faire l’Union européenne ?
Les recours les plus efficaces à court terme sont politiques. Malheureusement, les recours juridiques prendront du temps. L’Union européenne peut mettre une pression politique en se servant de moyens qu’elle a notamment mis en œuvre dans le cadre du conflit Russie/Ukraine, c’est-à-dire des sanctions économiques. Mais pour cela, il faut une volonté à 27.