Notre-Dame de Bétharram : « Le déni de François Bayrou est inquiétant, et sa position intenable »
Son nom revenait régulièrement depuis que l’affaire avait éclaté au grand jour, il y a un an. François Bayrou était-il au courant du scandale pédophile de Notre-Dame de Bétharram, institut religieux situé à une trentaine de kilomètres de Pau, dont le Premier ministre est maire depuis 2014 ? Entre les années 1950 et 2010, des cas de violences physiques et sexuelles, ainsi que de viols, auraient été régulièrement commis sur de nombreux enfants âgés de 8 à 13 ans.
Mediapart publie ce mercredi une enquête, dans laquelle le média affirme que l’ancien président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques et ancien ministre de l’Education nationale, qui a lui-même scolarisé plusieurs de ses enfants au sein de l’institution, ne pouvait pas ne pas savoir. Interrogé à plusieurs reprises sur l’affaire, François Bayrou a pourtant assuré qu’il en ignorait tout. « C’est vrai que la rumeur, il y a vingt-cinq ans, laissait entendre qu’il y avait eu des claques à l’internat. Mais de risques sexuels, je n’avais jamais entendu parler », expliquait-il au Parisien en mars 2024.
« Impossible » qu’il n’ait pas été au courant
Selon Mediapart, des parents d’élèves et une enseignante l’auraient alerté au moins à trois reprises à la fin des années 1990. Au cours de la première affaire judiciaire de Bétharram, lorsqu’un surveillant général est condamné en juin 1996 pour avoir violemment frappé un élève de 14 ans, lui laissant des séquelles à vie, celui qui était alors ministre de l’Education nationale assure aujourd’hui être passé à côté de cette affaire. Ce qui est « impossible » selon le père de la victime, qui explique que son fils était… dans la même classe que l’un des enfants de François Bayrou. « À l’époque, j’étais furieux contre son absence de réaction » fulmine le père auprès de Mediapart.
Un mois après le dépôt de plainte pour ces violences physiques et que l’affaire fait grand bruit dans la région, le ministre de l’Education s’était même rendu à Notre-Dame-de-Bétharram pour apporter son soutien à l’établissement, comme l’attestent des archives du quotidien Sud Ouest.
En 1998 éclate une seconde affaire Bétharram, lorsque l’ancien directeur de l’établissement, le père Carricart, est accusé d’avoir violé un élève et est mis en examen. Après une détention provisoire de courte durée, il est « exfiltré » au Vatican, où il se suicide en 2000. Là encore, François Bayrou jure qu’il ignorait tout alors même que son épouse, Élisabeth Bayrou, qui a enseigné le catéchisme à Bétharram, s’est rendue aux obsèques du père Carricart, et que François Bayrou lui-même serait intervenu auprès du juge d’instruction en charge de l’enquête, pour le questionner.
« Bétharram est un sujet tabou pour lui »
Interrogé ce mercredi par 20 Minutes, Alain Esquerre, le lanceur d’alerte ayant permis que l’affaire Bétharram – qui en est à ce jour à 112 plaintes – éclate au grand jour, se dit « triste que François Bayrou ne prenne pas position sur ce dossier, d’autant plus que les prêtres de la congrégation de Bétharram ne nient plus les faits et indemnisent les victimes de violences sexuelles. »
« François Bayrou condamne évidemment toutes les violences sexuelles, poursuit Alain Esquerre, mais Bétharram est un sujet tabou pour lui car cela le touche profondément dans sa foi, ses valeurs. Il est sidéré, il n’y croit pas. Il a été plusieurs fois alerté, mais dit qu’il n’a pas vu… Ou il n’a pas voulu voir. Son déni, aujourd’hui, est inquiétant, et son attitude est intenable. »
Pourtant, « il n’y a plus de place pour la suspicion » dans cette affaire, enchaîne Alain Esquerre. « Cela a eu lieu sur cinquante ans, les garde-fous qui auraient dû être mis en place ne l’ont pas été, tout le monde a dysfonctionné dans ce dossier. Cela doit nous servir de leçon, et il faudrait en faire une cause nationale, regarder si les personnels sont correctement formés, si les enfants sont sensibilisés… Il faut mettre des choses en place, à la fois au niveau de l’Église catholique et du politique. Car dans ce dossier, le politique ne fait rien alors que c’est un scandale national. »