Sport

Angleterre-France : « Ne pas être parano »… Romain Ntamack va-t-il se faire punir comme un vilain gaulois  ?

Il faut voir le bon côté des choses. Pendant que ses petits copains vomiront leurs tripes lors de l’entraînement à haute intensité à Marcoussis, Romain Ntamack sera bien au chaud, propre sur lui, la mèche bien coiffée. A 11 heures ce mercredi, à Paris, le demi d’ouverture du Stade Toulousain passera devant une commission de discipline indépendante. Elle fixera la durée de sa suspension après le carton rouge reçu face au pays de Galles, en ouverture du Tournoi des VI Nations.

Depuis cette fameuse 71e minute de jeu au Stade de France, où l’ouvreur a mis un bon coup d’épaule dans la tête de son homologue Ben Thomas, quelques minutes après que le Gallois l’a séché, Romain Ntamack sait qu’il loupera le Crunch, samedi face à l’Angleterre. Et peut-être plus. Sûrement plus. Pour son « acte de jeu déloyal contraire à la règle 9.13 » (un joueur ne doit pas plaquer un adversaire de manière anticipée, tardive ou dangereuse), le rejeton d’Emile pourrait même rater les matchs face à l’Italie, voire contre l’Irlande, prévu dans quatre semaines.

« Une ou deux semaines de plus pour le passif français »

Reste à voir quelle position adopter a la commission de discipline. Dans les règlements, deux semaines de suspension sont prévues pour le degré faible de cet acte déloyal. Cela monte à six semaines pour un degré moyen. « Il faudra voir le rapport de l’arbitre, explique Pascal Papé, ancien deuxième ligne des Bleus. Est-ce que l’intensité est forte, est-ce que la vitesse réelle est forte, est-ce qu’il y a eu blessure ? Non. Tout ça va déterminer un nombre de semaines. C’est un geste qu’il aurait pu éviter, mais pour moi, ça doit être entre une et deux semaines, grand max. »

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On ne serait pas aussi catégorique que l’actuel directeur sportif de Bourgoin-Jallieu, qui est lui aussi passé devant la commission de discipline des VI Nations. Il y a dix ans, il avait pris dix semaines de suspension pour un coup de genou, une caresse, sur un Irlandais. « J’avais trouvé ça un peu lourd, alors qu’il y avait eu des faits de jeu différents mais aussi graves où des gars avaient pris trois, quatre semaines, se rappelle Papé. Historiquement, les Français, on a quand même un passif dû à notre histoire assez dure, où on est toujours considérés plus violents que les autres. J’avais senti que j’avais pris une ou deux semaines pour le passif français. »

Les Français beaucoup plus sévèrement punis que les Anglo-Saxons par les commissions « indépendantes » ? Pas une lubie tant les joueurs tricolores prenaient d’énormes charges à une certaine époque. Demandez donc à David Attoub, suspendu 70 semaines en 2010, pour une fourchette alors que le pilier français insistait sur le fait que la photo ne permettait pas de qualifier un geste intentionnel. Toujours à cause d’une fourchette, le pilier clermontois Etienne Falgoux avait lui écopé de 7 semaines de suspension en 2016.

« Les Anglo-Saxons restent intouchables »

Cela avait alors provoqué la rage de l’entraîneur de l’ASM, Franck Azéma, qui déplorait que le talonneur irlandais Rory Best, coupable du même geste, n’ait rien eu : « Les clubs français chargent toujours de la même manière alors que les Anglo-Saxons restent intouchables. Il n’y a pas d’équité dans les sanctions. » Et quand on sait que l’un des trois membres de la commission de discipline est irlandais (Donal Courtney), on peut déjà se faire à l’idée que Romain Ntamack ne sera pas présent à l’Aviva Stadium le 8 mars.

« Ça ne me surprend pas, tempère Pascal Papé. Il ne faut pas être parano, et il faut se dire que chaque membre de la commission a une certaine éthique à tenir. Je pense que ça a quand même bien changé ces dernières années. Maintenant, les commissions restent pragmatiques et avec un peu moins d’a priori. » D’autant que les sanctions sont mieux catégorisées aujourd’hui, avec des semaines de suspension bien établies selon l’acte d’antijeu, la surprise est moindre, même si on n’est jamais à l’abri d’un débordement.

Quelle stratégie pour tenter d’amadouer le jury ?

« On n’est pas non plus au tribunal judiciaire, reprend Papé. C’est plutôt un échange qu’une question-réponse. Après, ce n’est pas parce que c’est bon enfant ou que l’échange est cordial que la sanction va être plus légère. Souvent on y va, il y a déjà une sanction qui est quasiment prédéterminée. Et après, c’est la défense qui fait qu’on va gagner ou perdre une semaine. » Comme Paul Willemse lors du Tournoi 2024, Romain Ntamack pourrait être accompagné au moins de Raphaël Ibañez, le manageur général des Bleus, et d’Edward Reay-Jones, directeur des Affaires juridiques.

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« J’ai souvent accompagné des joueurs, si tu essaies de dire que l’arbitre s’est trompé, tu es mort et tu vas charger, estime Philippe Saint-André, ancien sélectionneur des Bleus, sur RMC Sports. Si jamais tu avances le manque de lucidité et que tu acceptes la sanction, je pense qu’il [Romain Ntamack] va prendre six semaines, mais comme il n’a jamais pris de carton rouge, ce sera réduit de moitié. » Et si on ajoute le package stage de sensibilisation autour du plaquage, on peut sans doute descendre à deux, ce qui le rendrait disponible dés le match contre l’Italie. Un moindre mal pour le Toulousain, privé des Bleus un (trop) long moment depuis l’été 2023.