Existe-t-il un cinéma d’horreur au féminin ?
C’est indéniable. Les femmes C’est indéniable : les femmes ont tenu le haut du pavé au 32e Festival de Gérardmer. Il suffit de voir le palmarès pour en être convaincu. Le jury des longs métrages présidé par la comédienne Vimala Pons a bel et bien représenté la tendance en récompensant In A Violent Nature de Chris Nash comme, le jury de la Critique qui a honoré Les Maudites de Pedro Martín-Calero et le public qui a choisi Oddity de Damian Mc Carthy, notre grand favori.
Pour sa première édition en tant que directrice de la manifestation, Aude Hesbert a contribué à ce que les femmes soient mises en avant tant dans les jurys que sur l’écran. Le festival s’est aussi engagé fermement en publiant une charte contre les violences sexistes et sexuelles et tous propos et comportements de non-respect.
Les femmes plus proches de l’horreur
« Je crois que nous autres filles sommes plus proches du cinéma d’horreur que les garçons, explique Vimala Pons à 20 Minutes. On le vit dans notre corps avec les règles et l’accouchement donc cela donne une autre façon de représenter le corps et le sang à l’écran. » Cela était sensible dans Grafted de Sasha Rainbow où une jeune femme chinoise pratique des expériences interdites de greffes de peau. The Substance de Coralie Fargeat et Titane de Julia Ducournau sont aussi d’excellents exemples de films réalisés par des femmes restituant à leur façon leur conception du corps féminin.
« Plus qu’un regard de femmes sur le genre, l’arrivée de réalisatrices a donné naissance à de nouveaux personnages, des femmes aux comportements complexes qui s’éloignent des stéréotypes », insiste Emma Benestan. Elle s’est fait remarquer l’an passé avec Animale, découvert à la Semaine de la Critique cannoise où elle offrait une variation féministe du mythe du minotaure. « Je crois que les femmes ont une forme d’empathie qu’elles communiquent à leurs films, dit Emma Benestan. Apporter un regard féminin dans un film est important mais ne doit pas définir l’œuvre, insiste la cinéaste. J’aimerais qu’on considère que cela apporte une ouverture d’esprit que de pouvoir considérer un autre point de vue que celui auquel on est accoutumé. »
Des héroïnes « bad ass »
Les réalisateurs aussi ont pris les changements de la société sur le rôle des femmes en considération. « Je ne trouve pas forcément qu’il y a une différence dans la façon dont les femmes filment l’horreur. Les thématiques changent parfois, mais, à mon avis, c’est plus une question de personnalité que de genre, » déclare l’actrice Clotilde Hesme. Les films de vengeance avec des filles surentraînées ou des dames prêtes à en découdre plutôt que d’attendre le prince Charmant sont de plus en plus présents dans les productions.
In A Violent Nature de Chris Nash, Grand prix de Gérardmer cette année et hommage appuyé à Massacre à la tronçonneuse, joue sur le concept de la « last girl », ultime survivante d’un tueur aussi sadique qu’inventif. « Ces femmes « bad ass » ne correspondent pas non plus à la réalité car elles continuent de véhiculer des stéréotypes de filles jeunes, belles et sportives, insiste Emma Benestan. C’est aussi pour cela que The Substance est un film important. Montrer la peur de vieillir d’une femme de 50 ans est très novateur. »
L’actrice irlandaise Carolyn Brecken est elle aussi convaincue de la place de plus en plus importante des femmes dans le cinéma d’horreur. Son double rôle dans le fascinant Oddity (disponible le 3 février sur la plateforme Insomnia) lui donne raison. « Incarner cette aveugle aux étranges pouvoirs qui cherche à venger sa sœur m’a permis d’explorer des zones de ma personnalité que seul ce type de cinéma permet d’aborder. L’horreur et le fantastique sont des terrains de jeux fantastiques pour les actrices d’aujourd’hui », dit-elle. Elle est épatante dans ce film aussi original qu’angoissant.
Des sujets violents
« J’ai l’impression que les réalisatrices qui font des films de genre s’attaquent souvent à des sujets violents auxquels elles n’avaient pas accès autrefois parce qu’on ne le leur en laissait pas la possibilité. C’est génial de les voir s’emparer de scènes de violence qu’elles filment sans concession de façon aussi frontale que les mecs mais avec leur approche personnelle », insiste Vimala Pons. Les femmes n’ont pas dit leur dernier mot dans le cinéma d’horreur. Les nominations pour The Substance aux César et aux Oscars prouvent que le changement est bien amorcé. Quant à la sélection de Gérardmer, elle sera projetée à la Cinémathèque parisienne du 5 au 9 février prochain.