Coupe Davis : Alors, ça donne quoi de près, le phénomène João Fonseca ?
De notre envoyé à Orléans,
Reverra-t-on João Fonseca à Orléans dimanche ? Pour l’équipe de France de Coupe Davis, en tête après la journée de samedi (2-0) un « non » serait préférable. Car s’il rentre sur le court dimanche, en fin de journée, ça ne sera que pour jouer la gagne à l’occasion du match 5 contre Arthur Fils. Autrement dit, il faudrait que la paire Pierre-Hughes Herbert et Benjamin Bonzi perde en ouverture de la 2e journée et qu’Ugo Humbert paume on ne sait par quel miracle contre Thiago Seyboth Wild – à moins que sa petite alerte musculaire de samedi au fessier se charge du travail. Bref, ça fait cher le second tour de manège.
Le plus probable est encore que l’on ne revoie pas le Brésilien de 18 ans en France avant Roland-Garros et que les curieux de la balle jaune doivent se contenter de l’heure et 25 minutes de son duel perdu contre Ugo Humbert, samedi après-midi. Des miettes, oui, mais pas n’importe lesquelles.
Un jeu déjà complet au profit d’un tennis hyper offensif
Fonseca a tenu tête pendant une manche entière contre le Français, poussé par son public sur sa surface préférée, qui de surcroît n’est pas naturelle pour les Brésiliens « nés sur terre battue » comme rappelé par le vaincu après la rencontre sans vouloir en faire une excuse. Après tout, le 99e mondial a eu cinq jours pour s’adapter au court installé à Orléans. « [Humbert] a mieux joué que moi. Je dois encore travailler. » L’humilité, on y reviendra.
Lors du premier set, il y a donc eu match. Pour tenir tête au meilleur Français, l’ado carioca a étalé sa panoplie monstrueuse pour un joueur de son âge. Des accélérations ravageuses en coup droit dont la brutalité n’a d’égale que la fluidité, un revers déjà suffisamment costaud pour tenir l’échange sans exploser au bout de trois, quatre coups et même claquer des points gagnants malgré le rythme de taré imposé par Humbert dans la diagonale, des montées aventurières au filet récompensées par des qualités évidentes à la volée et un service hyper solide, régulièrement au-dessus des 200 km/h. Sans parler de ses aces de petit filou sur 2es balles kickées. L’arsenal est tellement étoffé que l’on comprend mieux les comparaisons de John McEnroe avec Carlos Alcaraz au même âge.
« On a assisté à un match de très haut niveau, applaudissait Paul-Henri Mathieu samedi en fin de journée. On s’y attendait. On savait que Fonseca pouvait hisser son niveau à un tel niveau. Il y avait beaucoup d’intensité ou ils se rendaient coup sur coup et Ugo a réalisé un jeu fantastique à 5/5 [pour breaker]. Il a ensuite réussi à rester sur ce rythme-là ou Fonseca a baissé. »
Yoga et méditation, ses armes contre la pression
Sur les temps de passage de l’Espagnol, João Fonseca partage encore quelques défauts avec son aîné, comme cette trop grande propension à partir à la faute par gourmandise. Mais à l’âge où Carlitos se décomposait à Bercy devant Hugo Gaston sous la pression du public de Bercy, le Brésilien semble déjà armé psychologiquement. Régulièrement mis sous pression par Humbert sur son service, Fonseca a sauvé trois balles de break (dont une balle de set) avant de céder. Il revendique déjà son amour pour « les moments difficiles. »
Son secret pour éviter de se faire bouffer par l’enjeu ? La méditation. « Quand j’étais petit, mon père faisait du yoga. Quand j’ai grandi et que je sentais un peu de pression j’ai commencé à créer une routine de méditation, de respiration. Je ne pense pas avoir été nerveux [samedi]. Il y a eu des moments difficiles mais je me suis contrôlé dans les moments tendus. C’est bon d’avoir la méditation, ça m’a beaucoup aidé. »
Une histoire racontée par Christiano, le père, veut d’ailleurs que son prof de yoga personnel ait été le premier à déceler le potentiel de l’enfant à seulement deux ans. « Je me souviens que mon professeur de yoga a commencé à jouer avec la balle avec Joao et qu’il m’a dit : »Ce garçon est différent. Il a beaucoup plus de réflexes et de coordination que la moyenne ». » Le genre d’histoire un peu trop grosse dont se nourrissent les légendes.
Le Brésil l’imagine en nouveau Kuerten
Ne lui reste désormais plus qu’à appréhender la question médiatique. Sa popularité naissante l’a transformé en véritable attraction du côté d’Orléans, où la presse française n’a eu d’yeux que pour lui cette semaine. Une internationalisation d’un processus entamé au pays depuis ses victoires à l’US Open junior et au Masters Next Gen – en finale contre… Arthur Fils). « Au Brésil, il y a l’espoir qu’il soit le nouveau Gustavo Kuerten, encore plus depuis l’Open d’Australie [où il a sèchement battu Andrey Rublev au premier tour] », indique Maria Paula Carvalho, journaliste à RFI.
« Tous ces médias on doit s’y adapter, accepte l’espoir brésilien, dont l’encadrement familial s’est récemment résolu à engager un agent après avoir longtemps hésité. Les choses vont arriver, je pense que je vais continuer à grandir. Je dois m’adapter aux personnes qui parlent, je dois continuer ma routine, continuer de travailler dur pour atteindre mon rêve. » La sémantique stakhanoviste est omniprésente dans la bouche du prodige, conscient que seul le travail le guidera vers ses ambitions. « Gagner des titres c’est ce que je veux faire. Mon rêve, c’est d’être numéro 1 mondial. J’y crois. » Ugo Humbert a été bien inspiré de le battre ce week-end. Arthur Fils, lui, ne l’a toujours pas fait. Détruit à Rio sur terre battue puis battu d’un rien au Masters Next Gen, il est mené 2-0 par João Fonseca. Non, vraiment, on prie pour ne pas le revoir dimanche.