« On doit acter de passer de la culture du viol à celle du consentement », insiste la députée Marie-Charlotte Garin
Mardi, les députées Marie-Charlotte Garin du Rhône (EELV) et Véronique Riotton, de Haute-Savoie, (Ensemble pour la République) ont déposé une proposition de loi pour « intégrer la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles ». Pourquoi ? En quoi cette notion est-elle importante ? Qu’est-ce que ça changerait ? 20 Minutes fait le point avec l’élue lyonnaise.
Pourquoi est-il important de changer la définition du viol dans la loi ?
Après avoir mené la mission parlementaire pendant un an, où on a auditionné des centaines de personnes (des juges, magistrats, forces de l’ordre, associations, victimes et experts en psycho traumas), plusieurs constats sont ressortis. D’abord, il y a un climat d’impunité qui perdure dans la société sur les violences sexuelles. Les chiffres (du ministère de la Justice et de l’Intérieur) parlent d’eux-mêmes. Une victime de violences sexuelles toutes les deux minutes, huit victimes sur dix qui ne portent pas plainte, 24 % qui renoncent par « peur que cela ne serve à rien » et à la fin, 73 % des plaintes pour violences sexuelles aboutissent à un classement sans suite.
Ensuite, la définition actuelle ne reflète pas la réalité du viol. Elle renforce d’ailleurs le stéréotype qu’on a du viol, où une victime devrait se débattre, où l’auteur est un « inconnu au coin d’une rue ». Or, en réalité, 70 % des victimes de viol sont en état de sidération lorsqu’elles sont violées.
Aussi, on se rend compte que la question du consentement est présente dans toute la procédure judiciaire mais qu’elle reste absente dans la loi. Elle est d’ailleurs utilisée par la défense, lorsque les agresseurs assurent « qu’ils ne pouvaient pas savoir ». Et enfin, la France est signataire de la Convention d’Istanbul qui implique d’intégrer la notion de non-consentement dans la définition du viol.
Quelle définition proposez-vous du viol ?
Dans la loi, le viol est défini par « une pénétration par contrainte, violence, menace et surprise », qu’on a appelé les « quatre critères ». On a la conviction qu’il ne faut pas les remplacer parce qu’ils ont généré une jurisprudence. On propose d’élargir cette définition en intégrant le non-consentement. De cette manière, on distingue la sexualité de la violence. La nouvelle définition précise que le consentement est spécifique (consentir à une partie, pas à tout l’acte sexuel), doit être donné librement et peut être retiré à tout moment (ce n’est pas parce qu’on a dit « oui » à 17 heures, qu’il est toujours valable à 22 heures).
On spécifie que le consentement doit être apprécié au regard des circonstances environnantes, c’est-à-dire, que les enquêteurs et juges s’interrogent davantage sur les agissements de la personne mise en cause. Et également, préciser que le consentement ne peut être déduit et mieux prendre en compte la vulnérabilité de la victime (lors d’une relation de pouvoir, d’emprise ou par soumission chimique, par exemple).
Ainsi, cette définition permet aussi de remettre la communication et le respect mutuel au cœur des relations.
Qu’est-ce que cette nouvelle définition pourrait changer ?
Lors de nos auditions, on a des juges et magistrats qui nous ont dit : « J’ai des victimes en face de moi, je sais que la personne mise en cause est coupable mais je ne peux pas poursuivre et condamner car les preuves ne rentrent pas dans les quatre critères de la définition. Et ce, malgré cette conviction que la personne a violé. »
On veut donc élargir la définition pour permettre une meilleure appréciation et que ça reflète mieux la réalité du viol aujourd’hui. On donne ainsi un outil supplémentaire aux juges et magistrats pour qu’ils puissent le mis en cause.
Qu’est-ce que cela peut avoir comme impact dans la société ?
On s’est rendu compte avec le cas des agresseurs de Gisèle Pelicot que leur défense reposait sur « ah mais je ne savais pas, je pensais que comme le mari avait dit oui, c’était ok ». Un des avocats de Gisèle Pelicot disait justement que les agresseurs avaient découvert le consentement en garde à vue. Ça montre que la loi n’est pas claire. Ce texte permettra donc aussi de faire en sorte qu’on ne pourra plus jamais entendre ce qu’on a entendu lors de ce procès.
En introduisant cette notion, on veut passer de la culture du viol à la culture du consentement. Toute cette démarche participe à un mouvement culturel d’éducation au consentement.
On m’a demandé si ce texte était « trop en avance » pour la société. Moi, elle me semble prête, notamment dans ce contexte « post-Pelicot », la réélection de Trump. Et surtout, dix ans après #MeToo. Il est nécessaire d’avoir un changement à la hauteur de la vague que ça a été dans notre société. Et le droit dit ce qu’on veut de la société, de quelle manière on veut protéger.
Notre dossier sur les violences sexuelles
Mais, on reste conscient qu’il n’y a pas de baguette magique. Ce changement doit se faire avec des moyens supplémentaires pour les forces de police et de justice, avec de la formation plus approfondie de tout personnel de la chaîne judiciaire. Cet ensemble permettra alors de plus et mieux réprimer grâce à plus de poursuites.