« Il faut que l’Arizona rouvre la question de l’indexation automatique des salaires. Il y va de notre survie »
Alors que les discussions politiques pour former le gouvernement fédéral sont sur le point d’aboutir, la directrice d’Agoria Wallonie, Clarisse Ramakers, veut faire entendre la voix, une ultime fois, du secteur technologique. Quitte à remettre en question l’ensemble des discussions à propos de l’indexation des salaires.
- Publié le 30-01-2025 à 19h01
- Mis à jour le 30-01-2025 à 19h29
Les partis de l’Arizona sont sur le point d’accoucher d’un nouveau gouvernement fédéral. La naissance doit être actée ce 31 janvier, à moins de complications.
Pourtant, des points de tensions restent présents, dont celui sur l’indexation automatique des salaires. Si des fuites ont montré que le caractère automatique ne devrait pas être remis en question, l’indexation devrait néanmoins être « lissée » sur un an, et tout de même revue. Ce qui n’arrangeait pas les socialistes flamands de Vooruit, qui veulent sortir des débats avec une victoire politique, autre que la taxation (limitée) des plus-values.
Pour Clarisse Ramakers, directrice d’Agoria Wallonie, qui représente le secteur technologique, la question de la revue de l’indexation automatique doit être posée, encore et toujours.
guillement « C’est plus qu’un point chaud, c’est un momentum. On s’est pris 17 % d’indexation automatique en deux ans ! C’est énorme. »
« C’est plus qu’un point chaud, c’est un momentum. On est à 5 % d’écart de compétitivité au niveau des salaires par rapport aux pays limitrophes depuis 2020, à cause de l’indexation automatique des salaires. On s’est pris 17 % d’indexation automatique en deux ans ! C’est énorme« , lâche-t-elle.
« La question de l’indexation des salaires a une histoire, avec un saut d’index sous le gouvernement Michel il y a quelques années, qui nous a permis de nous remettre dans la course, ainsi qu’une révision de la loi de 1996 qui a permis de limiter la marge d’augmentation, décidée en accord interprofessionnel avec le groupe des dix. Mais avec l’accélération de l’inflation ces deux dernières années, l’impact reste très important », insiste-t-elle.
Protection du pouvoir d’achat
L’argument du pouvoir d’achat est souvent opposé à la question de la refonte de l’indexation. Parfois de manière simpliste, alors que garantir l’activité économique d’un pays joue également sur le pouvoir d’achat, commenteront généralement les patrons.
guillement « Il faut rouvrir la question de l’indexation automatique des salaires. Il en va de la survie de notre économie »
« C’est l’un des arguments des négociateurs« , répond quant à elle Clarisse Ramakers. « Mais je vais donner un autre chiffre : 61 % des entreprises de l’industrie sont des entreprises d’exportation. Donc, leur terrain de jeu n’est pas la consommation intérieure en Belgique, mais le monde« , lâche-t-elle. Cyniquement, la concurrence est donc à l’international, le travailleur belge doit-il mordre sur sa chique ? « Dans cette équation, chaque coût compte : le coût salarial, le coût énergétique, le coût lié à la charge administrative. On ne peut pas se permettre de regarder uniquement la consommation intérieure« , lance-t-elle. « Préserver le pouvoir d’achat, oui, mais pourquoi le faire uniquement sur le dos des entreprises, qui financent l’intégralité de cette inflation ? Alors qu’elles font déjà face à la hausse des prix des matières premières… » poursuit-elle.
Selon elle, la baisse de la fiscalité du travail devrait également faire partie de l’équation. « Et c’est l’automaticité de cette indexation qui fait mal aux entreprises. À aucun moment, elles ne peuvent avoir le contrôle. Il n’y a pas de négociation, pas de choix du tempo. Alors qu’en France et en Allemagne, on a le temps de négocier. Et pendant ce temps, la Belgique perd en compétitivité« , insiste-t-elle.
« C’est un vrai choix à faire, celui de la compétitivité, donc celui de remettre en question le caractère automatique de l’indexation des salaires. Il faut rouvrir le champ du dialogue« , assène-t-elle.
Lobbying entendu ?
À savoir si les partis de l’Arizona sont à l’écoute, elle se veut prudente. « On a chacun nos intérêts… Mais il faut se rendre compte qu’un emploi créé dans l’industrie génère un emploi dans un autre secteur. L’inverse n’est pas vrai. On le voit dans le cas d’Audi Brussels : il y a 1 500 sous-traitants et 2 000 emplois indirects dans d’autres secteurs. Il y va de la survie de notre économie« , insiste-t-elle, alors que, selon les fuites de la note de travail de l’Arizona, le caractère automatique de l’indexation ne devrait pas être remis en question, mais bien uniquement le lissage de ces hausses et la temporalité de celles-ci sur l’année.
guillement « Si on veut une industrie décarbonée, cela passera par une révision de la politique du nucléaire »
Un autre point sur lequel le secteur technologique attire l’attention des autorités, c’est l’approvisionnement énergétique. « La sécurisation de l’approvisionnement est notre priorité. Il faut des solutions pour réduire la dépendance à des États tiers (comme la Russie, NdlR). C’est sur la table de l’Arizona. Mais si on veut une industrie décarbonée, cela passera par une révision de la politique du nucléaire. Il faut un mix énergétique pour réduire les dépendances. On a vu ce qu’il s’est passé avec la guerre en Ukraine et l’augmentation incontrôlable des prix, car on était totalement dépendants », poursuit la directrice d’Agoria.
Le retour de Trump change la donne
Clarisse Ramakers, sans surprise, appelle à ce que le nouveau gouvernement soit en place le plus rapidement possible, surtout dans un monde où le protectionnisme est largement de retour, comme avec les politiques de Donald Trump aux États-Unis.
guillement « Nous avons besoin de talents. L’immigration économique est donc une solution »
« L’acteur central pour représenter l’industrie se trouve au niveau européen, mais notre interlocuteur national doit être solide et robuste. Il faut donc un gouvernement fédéral en état de marche. Ça va être compliqué, car on a une tradition de libre-échange et d’ouverture, mais clairement, le monde a changé et change tous les jours. Pour certains secteurs, nous allons devoir rétablir certaines barrières protectionnistes« , affirme-t-elle. Un nécessaire rapport de force à rétablir à l’international.
Enfin, sur la question du chômage en Wallonie, si elle a déjà affirmé par le passé que les chômeurs longue durée en décrochage sont parfois une cause presque perdue, pour elle, la remise à l’emploi des chômeurs de courte durée reste primordiale. « Pour le reste, nous avons besoin de talents. L’immigration économique est donc une solution« , termine-t-elle, quitte à aller à l’encontre des idées de certains politiques, au niveau national ou international.