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Conflit au Proche-Orient : « Heureux, même si on vit une situation misérable », témoigne un Gazaoui de retour chez lui

De la joie et « beaucoup de souffrance ». Comme plusieurs centaines de milliers de Gazaouis, le docteur Basel Alaila, coordinateur médical adjoint de Médecins du monde à Gaza, a pu passer par le corridor de Netzarim mardi pour retourner dans le nord de la bande de Gaza. La veille, l’armée israélienne a rouvert cette route, à la faveur du fragile cessez-le-feu en place depuis le 19 janvier et la libération de quatre otages. Dans plusieurs notes vocales, il a répondu à 20 Minutes pour témoigner de ce retour tant attendu.

« Nous devons être sur notre terre, répète plusieurs fois celui qui a été déplacé par la guerre du nord de l’enclave vers le camp de Deir el Balah au centre. Il faut empêcher un plan d’Israël ou d’autres autorités qui nous obligerait à quitter Gaza pour d’autres lieux. » À pied ou en voiture, des milliers de Gazaouis se sont rendus au passage de Netzarim dès ce week-end, espérant sa réouverture. Cette route de 6,4 km, occupée par l’armée israélienne depuis 2023, coupe Gaza en deux de la frontière israélienne jusqu’à la mer Méditerranée et Gaza City. Fermée, elle a empêché des milliers de déplacés de retourner vers le nord de l’enclave.

Des sentiments mélangés

« Les gens sont heureux de pouvoir revenir, mais ils sont physiquement dévastés après quinze mois de guerre », témoigne le docteur. Sur la portion piétonne, « ils ont fait de longs kilomètres en portant leurs bagages, jusqu’à 20 kg, raconte-t-il. C’est un sentiment mélangé, ils étaient heureux, même s’ils vivent une situation misérable. Il y a beaucoup de souffrance. »

Il rapporte qu’une vidéo a montré qu’un vieil homme est décédé au cours de cette marche, car « il faut être physiquement en forme pour traverser ». Des enfants ont été perdus aussi dans la foule. En voiture, les vérifications demandent « au moins » une journée d’attente au checkpoint.

Ces retours se font dans un contexte de « destruction massive », a expliqué l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa). Près de 90 % des bâtiments et des infrastructures publiques ont été détruits par les attaques israéliennes, relève l’agence. Habitant avant la guerre dans le camp de réfugiés de Jabaliya, situé à l’extrémité nord de la bande, Basel Alaila prévoit d’y retourner à pied. Il veut revoir des membres de sa famille, faire ses adieux à des proches décédés, tués par l’armée israélienne.

« La maison de ma famille a été complètement détruite, nous allons regarder ce qu’il en reste, souligne-t-il. Nous verrons plus tard quel sera le plan. » Entre espoir de reconstruction et craintes face à un avenir très incertain, il exprime aussi le besoin qu’ont les habitants de Gaza « de dormir en paix, d’avoir un peu de confort et du temps comme avant cette guerre dévastatrice ».

Des besoins médicaux immenses

Les besoins médicaux sont immenses également. Médecins du monde (Mdm) se prépare à rouvrir une clinique sous tente à Gaza City, à laquelle participera le docteur Basel. L’objectif sera aussi de pouvoir avoir un camion servant d’unité mobile pour se déplacer et donner accès aux soins à la population revenue dans le nord de l’enclave.

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« L’entrave à l’aide humanitaire était quand même très, très forte, souligne Caroline Bedos, responsable du pôle Moyen-Orient de Médecins du monde. Aujourd’hui, on a accès à un territoire qui a été coupé de beaucoup d’assistance, les hôpitaux ont été bombardés, les personnels de santé arrêtés. » En priorité, explique-t-elle, il faut rouvrir des consultations de santé primaire, de santé mentale pour une population traumatisée après des mois de bombardements et suivre le volet santé reproductive et grossesses.