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Etats-Unis : Qui osera encore s’opposer à Donald Trump ?

Telle une boule de paille traversant un village sans âme dans un mauvais western américain… Le silence presque complet. Face aux nombreux décrets pris dès le jour même de son investiture, les opposants démocrates à la politique de Donald Trump sont restés aux abonnés absents.

Politiques, juges, militants… Face à la tempête législative qui a commencé dès le 20 janvier, qui, aux Etats-Unis, peut encore s’opposer à l’agenda présidentiel alors que le milliardaire semble plus puissant que jamais ?

Des démocrates sonnés

Comme encore sonné par la défaite cuisante de Kamala Harris à l’élection présidentielle, traduisant « un rejet de la politique menée par Joe Biden pendant quatre ans », le parti démocrate est en phase de reconstruction, « mais sur quelles bases ? », s’interroge Marie Menard, doctorante en étude des Etats-Unis à l’université Paris Est Créteil. Aux premiers jours de la présidence Trump, « aucune figure d’opposition ne s’est dégagée, peu réagissent ou parviennent à se faire entendre », note également Eric Rouby, maître de conférences en civilisation américaine à l’université Marie-et-Louis-Pasteur de Besançon.

Si quelques gouverneurs d’Etat démocrates, comme Gretchen Whitmer au Michigan ou Gavin Newsom en Californie, se font un peu plus remarquer que les autres, au-delà du leadership, le parti doit se pencher sur la question profonde de la ligne politique à suivre. « Comment renouer avec les classes populaires tout en évitant l’effritement du soutien des minorités raciales ? », soulève ainsi François Vergniolle de Chantal, politiste et professeur en Etudes américaines à l’université Paris Cité.

Des voix inaudibles

D’autant qu’il est plus difficile de se faire entendre dans un paysage médiatique de plus en plus soumis aux idées trumpistes. Certains titres de presse emblématiques d’une ligne progressiste, comme le Washington Post, propriété du très influent chef d’Amazon Jeff Bezos, ont la plume moins aiguisée depuis que le nom de Trump s’est imposé dans la campagne.

Compliqué également de se faire entendre sur les réseaux sociaux contrôlés par des géants de la tech désormais dévoués au président américain. « Les démocrates ont perdu beaucoup de soutiens, il y a eu un changement complet de l’échiquier politique », note Marie Ménard.

Des combats locaux, jusqu’à quand ?

Le combat contre le programme brutal de Donald Trump va davantage s’organiser au niveau local. Le maire de Chicago, Brandon Johnson, a par exemple promis de « protéger les sans-papiers » et de « protéger les Noirs, les Latinos, les Asiatiques », deux jours après l’investiture du chef d’Etat, souhaitant prémunir la population immigrée de sa ville des expulsions massives voulues par l’administration Trump.

ONG et associations de droits civiques militent également via des actions comme des manifestations, du boycott de X ou Meta ou encore des chaînes de solidarité sur les réseaux sociaux pour prévenir des déplacements de la police et ainsi éviter les arrestations d’immigrés. « Les mobilisations sociales sont, par définition, ponctuelles », prévient toutefois François Vergniolle de Chantal. Cette opposition dans la société fait d’autre part face à « une répression accrue », souligne Marie Ménard. Pourra-t-elle ainsi durer quatre années sans que la solidarité ne s’effrite ? Sans s’épuiser ? Sans se décourager ?

L’action en justice, dernier levier

« Le seul contre-pouvoir envisageable, c’est l’action en justice et des juges qui invalident les actes et décrets illégaux ou inconstitutionnels », tranche alors Anne Deysine, professeure des universités et autrice des Juges contre l’Amérique (Libellus). Et ce, même si « le pouvoir judiciaire fédéral comprend beaucoup de juges nommés par Donald Trump », ajoute-t-elle. Ça a été le cas récemment quand tribunal fédéral américain a suspendu mardi et pendant une semaine le gel de milliards de dollars d’aides publiques, dont des subventions et des allocations, décidées la veille. Une décision rendue à la suite d’un recours d’ONG et de puissants Etats démocrates.

Notre dossier sur Donald Trump

Malgré une cour suprême majoritairement favorable à Donald Trump, certaines ordonnances « notamment sur la nationalité américaine qu’il souhaite retirer aux enfants nés aux Etats-Unis de parents immigrés, ne vont pas passer car elles vont contre la constitution », complète Eric Rouby. Si les actions semblent limitées pour les progressistes américains, quelques moyens restent à disposition. A voir s’ils parviennent à dégainer assez souvent et assez longtemps pour sauvegarder les droits qu’ils défendent.