Comment Lucas Pinheiro Braathen secoue le petit monde engoncé du ski alpin
Depuis le début de la saison de ski alpin, un drapeau inattendu s’agite sur les podiums : le vert, jaune et bleu du Brésil. Un événement improbable dans un sport dominé par les nations européennes. Derrière cet exploit, un athlète singulier : Lucas Braathen Pineiro.
Après une courte retraite sportive, ce prodige revient en force sous les couleurs brésiliennes, héritage de sa mère. Alors qu’il s’apprête à s’élancer sur le slalom nocturne de Schladming, 20 Minutes vous propose le portrait de ce jeune skieur qui bouscule les codes des sports d’hiver.
Un prodige au parcours fulgurant
Né en 2000 d’un père norvégien et d’une mère brésilienne, Lucas grandit en Norvège, mais ne perd jamais le lien avec ses racines sud-américaines. Passionné de football dans son enfance, il rêvait de devenir le prochain Neymar avant que son père ne l’initie au ski. « Au début, je détestais ça. J’avais froid, j’étais maladroit. Je suis moitié brésilien, je ne suis pas fait pour ça ! » racontait-il dans une interview à Vogue. Mais tout change lorsqu’il découvre les stations de ski norvégiennes : « J’ai adoré le lifestyle, les voyages, les copains. Finalement, c’est ce qui m’a accroché » .
À 16 ans, il intègre le circuit junior international et enchaîne les performances prometteuses. En 2020, il devient le plus jeune vainqueur du slalom géant de Sölden, une victoire historique. Mais la trajectoire ascendante connaît un coup d’arrêt en 2021. Une chute spectaculaire lors d’une course à Adelboden lui vaut une grave blessure au genou et des mois de rééducation. Cette épreuve, loin de le freiner, devient un moteur.
« Chaque cicatrice est une fissure recouverte d’or », philosophe-t-il, inspiré par le kintsugi japonais, une tradition qui consiste à réparer les objets cassés avec de l’or, rendant les failles encore plus précieuses. Pour Lucas, chaque défi surmonté le rapproche d’une version plus forte de lui-même. Mais il refuse de s’appuyer uniquement sur ses dons naturels : « Je ne crois pas au talent, confiait-il dans une interview au micro de Rawdah. Le talent peut peut-être vous amener à un certain niveau, mais il ne vous permettra jamais d’être le meilleur dans ce que vous faites. Pour cela, il faut du travail acharné. Mes ambitions sont très claires : je veux être le meilleur au monde. Et seul le travail peut m’y amener. »
Redéfinir les codes du ski alpin
Lucas Braathen est bien plus qu’un athlète performant. Avec ses collaborations mode, ses ongles vernis et son amour pour la musique, il incarne un renouveau dans l’univers souvent conservateur du ski alpin. « Pour moi, le ski est une toile où je peux mêler créativité et performance. Je veux montrer qu’on peut être différent et réussir », expliquait-il dans un entretien avec Red Bull. Ce positionnement détonne dans un sport où l’austérité et la discrétion règnent encore en maître.
Mais cette originalité n’a pas toujours été bien perçue. « Très tôt, j’ai compris que m’exprimer et défendre mes valeurs allaient créer des frictions. Mais pour moi, c’est essentiel : le sport n’est qu’un moyen. Ce qui compte, c’est d’inspirer à travers mon histoire et de rappeler aux gens pourquoi le sport existe : c’est du pur divertissement, » expliquait-il dans un podcast.
Sur les pistes, il emporte cette énergie et cette joie de vivre, comme en décembre dernier à Beaver Creek, où il célèbre une deuxième place en esquissant quelques pas de samba sur le podium, vêtu de santiags.
Un pionnier brésilien
En 2024, Lucas Braathen annonce son retour en compétition sous le drapeau brésilien. Un choix qui surprend, mais qui reflète son attachement profond à ses origines. « Le Brésil a toujours été une grande partie de mon identité. Représenter 200 millions de Brésiliens sur les pistes est un rêve devenu réalité », déclarait-il lors d’une conférence de presse.
Cette décision découle aussi de tensions avec la Fédération norvégienne de ski, qu’il accuse d’un manque de flexibilité. « Pour la première fois depuis au moins six mois, après avoir pris cette décision, je me sens heureux. Pour la première fois depuis de nombreuses années, je me sens libre », expliquait-il à Red Bull. En rejoignant le Brésil, Lucas marque un tournant dans sa carrière, alignant ses choix sportifs avec ses valeurs de liberté et d’authenticité.
Il devient ainsi le premier skieur brésilien à monter sur un podium en Coupe du monde et vise maintenant à inscrire son pays au palmarès des Jeux olympiques d’hiver à Milano-Cortina en 2026. « Je veux ouvrir la voie, montrer que le ski peut être un sport pour tous, peu importe d’où l’on vient », affirme-t-il. Avec cette ambition, Lucas espère inspirer une nouvelle génération d’athlètes brésiliens et défier les stéréotypes liés aux sports d’hiver… Et cette semaine à Schladming, le skieur brésilien pourrait bien prouver, une fois de plus, que rien n’est impossible pour qui ose rêver.