Ado poignardé à Paris : Comment se passe le suivi judiciaire des mineurs délinquants ?
Trois jours après le meurtre d’Elias, 14 ans, l’un des deux adolescents interpellé est passé aux aveux. En garde à vue, il « a reconnu la tentative d’extorsion et le coup de couteau mortel », a indiqué ce lundi matin sur RTL le préfet de police, Laurent Nuñez. Le duo doit désormais être présenté à un juge des mineurs en vue d’une mise en examen.
Ce ne sera pas une première, pour ces deux jeunes de 16 et 17 ans qui sont « déjà connus pour faits identiques », a rappelé le haut fonctionnaire. Selon le parquet de Paris, l’un d’eux avait fait l’objet d’une mesure éducative judiciaire en décembre 2023 pour des faits de vols et extorsion. Dix mois plus tard, lui et son copain ont été déférés dans une affaire de vol avec violence. Ils étaient sous « contrôle judiciaire » et ne devaient « pas se rencontrer ». « Qu’ils aient pu se retrouver et commettre cet homicide, c’est un problème », a déclaré Laurent Nuñez.
Dans cette affaire, ils ont comparu devant un juge des enfants qui a statué sur leur culpabilité. Ils attendent de repasser devant le magistrat, en juin prochain, afin de connaître la peine qui va être prononcée. Comment expliquer que ces deux jeunes étaient ensemble le soir des faits ? « Ils habitent presque ensemble, dans le même immeuble. C’est difficile de dire à deux jeunes qui ont pratiquement les mêmes centres d’intérêt de ne pas se fréquenter, ils sont amenés à se voir dans les endroits où ils ont l’habitude de se rendre ensemble », a expliqué Me Babacar Niang, l’avocat de l’un des suspects, sur BFMTV. Son client « reconnaît sa responsabilité, assume pleinement ce qu’il a fait et le regrette ».
Accompagnement
L’affaire suscite des interrogations sur l’efficacité des mesures de suivi qui avaient été mises en place. Lorsqu’un mineur est mis en cause dans une affaire, « il y a un accompagnement, avec un suivi avec un éducateur de la protection judiciaire, qui se met en place : soit par une mesure éducative judiciaire provisoire, soit dans le cadre d’un contrôle judiciaire lorsque la situation le nécessite », explique à 20 Minutes Alice Grunenwald, juge des enfants à Saint-Étienne et présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille. « Dans le cadre d’une mesure éducative judiciaire provisoire, on peut mettre en place beaucoup de choses : des interdictions de paraître, de contact avec la victime ou avec les auteurs, un couvre-feu, outre des modules d’insertion, de réparation ou de placement », ajoute-t-elle.
« Quand on fixe une interdiction de contact, ça ne veut pas dire qu’elle va être forcément respectée, poursuit Alice Grunenwald. Si le juge des enfants l’apprend, il peut organiser une audience de recadrage ou modifier les mesures d’accompagnement. Par exemple, il peut décider de l’éloignement du mineur, d’un placement si cela n’avait pas été fait dès les départs. Il peut aussi en tenir compte en aggravant la sanction, en prononçant une peine plutôt qu’une mesure éducative qui ne sera plus provisoire. Le procureur de la République peut éventuellement requérir qu’on passe à un contrôle judiciaire, qui est une mesure de sûreté qui existe aussi pour les majeurs. » Dans ce cadre, « le non-respect de certaines obligations fixées pourrait entraîner le placement en détention provisoire », souligne la magistrate.
Une proposition de loi « pas du tout adaptée »
Selon elle, les magistrats spécialisés disposent « d’une gamme de sanctions qui va de l’avertissement judiciaire à l’emprisonnement ferme ». « Plus de 80 % des jeunes qui passent devant un juge des enfants ne recommencent plus parce que les mesures éducatives mises en place ont permis que la situation s’arrange », affirme la présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille.
Alors que l’Assemblée nationale débat d’une proposition de loi « visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents », elle estime que ce texte présenté « n’est pas du tout adapté aux besoins actuels ». « Il n’y a pas besoin de comparution immédiate pour les mineurs puisqu’on a déjà un système dérogatoire qui s’appelle audience unique et qui fonctionne très bien. Il permet un jugement très rapide, de prononcer des mesures de sûreté, voire de la détention, tout en protégeant vraiment les droits de la défense. On est en train de renoncer complètement aux droits de la défense et au projet éducatif du mineur », assure-t-elle.
Notre dossier violence des mineurs
Quant à la possibilité d’écarter l’« excuse de minorité », des « exceptions sont déjà prévues ». La magistrate estime que la loi, qui a été « revue entièrement il y a trois ans » fonctionne « globalement assez bien ». Ce qu’il faut, ce sont des moyens, « des structures pour accueillir ces jeunes-là, des solutions d’éloignement, et des éducateurs qui interviennent tout de suite ».