France

Mais qu’est-ce qui a déraillé chez Angell pour que le vélo « made in France » passe l’arme à gauche ?

Le couperet est tombé. Les vélos à assistance électrique Angell, c’est fini ! Lancée en 2020, la start-up de Marc Simoncini (le créateur de l’application Meetic) va mettre la clé sous la porte en se déclarant en cessation de paiements et sollicitant une procédure de liquidation judiciaire. En cause : un rappel rendu nécessaire pour des raisons de sécurité de 5.000 vélos de première génération du fabricant, auquel l’entreprise ne peut faire face financièrement. 20 Minutes fait le point sur la situation.

Le vélo Rapide S d'Angell Mobility.
Le vélo Rapide S d’Angell Mobility. - Angell Mobility

Le groupe SEB ne veut plus être son associé…

Rappel des faits. En novembre 2024, le cadre d’un VAE de première génération Angell se casse. Pas de bobo pour son utilisateur, mais un coup de tonnerre chez le fabricant. Car ce qui pourrait n’être qu’un simple incident local, se révèle vite un accident industriel : la casse provient d’un défaut de production et peut affecter 5.000 vélos en circulation. Les cadres incriminés sont fabriqués en France par le groupe français SEB (oui, celui qui fabrique des poêles à crêpes, des friteuses et des cocottes-minute), partenaire d’Angell.

Pour privilégier la sécurité de ses clients, Angell, qui joue la transparence, leur adresse un mail leur demandant de ne plus utiliser leur vélo (on imagine la tête des clients !). Parallèlement, la marque se rapproche de son partenaire SEB et de son bureau d’études Kickmaker, qui déclinent toute responsabilité. Visiblement, le tandem ne veut plus être l’associé d’Angell…

Rembourser ou échanger ?

Seule face à 5.000 vélos possiblement dangereux (et irréparables), la start-up de Marc Simoncini n’a que deux alternatives : soit remplacer chaque VAE par un VAE neuf, de nouvelle génération, soit le rembourser. Le coût d’une telle opération varie du simple à plus du double selon le choix : 5 millions d’euros d’un côté ; 13 millions de l’autre. Inenvisageable pour la start-up, « hors de portée des finances d’Angell », a écrit Marc Simoncini dans une tribune sur LinkedIn. D’où la liquidation judiciaire (accompagnée de 25 licenciements) et fin annoncée de l’entreprise.

Des vélos bons à jeter ?

Conséquence pour les possesseurs du vélo acheté 2.860 euros à l’époque : une monture dont le cadre risque de rompre, et qui, dès qu’Angell aura mis la clé sous la porte, sera bonne à jeter.

De leur côté, les possesseurs des vélos des générations suivantes (les modèles Core et Rapide +, ainsi que les modèles en partenariat avec Mini), se trouveront, eux, en possession de montures à la qualité et fiabilité parfaites, mais condamnées par une électronique qui ne pourra plus évoluer une fois les serveurs Angell débranchés, sinon fonctionner en mode dégradé.

De son côté, Marc Simoncini a demandé aux avocats d’Angell d’assigner le groupe SEB et le bureau d’études KickMaker pour « que toute la lumière soit faite et que les responsabilités de chacun soient établies », écrit le patron. Mais aussi pour que les clients d’Angell puissent « mettre en œuvre les voies de recours pertinentes pour faire valoir leurs droits ». Un appel déguisé à une class action ? Sur les réseaux, les utilisateurs sont évidemment dépités.

Certains raillent même Marc Simoncini (le créateur de l’application Meetic) : « Il y a peut-être une niche juteuse sur une application de rencontres pour les clients lésés après l’achat d’un vélo de première génération… » D’autres l’invitent à injecter des fonds propres pour sauver la boîte…

Marc Simoncini, fondateur d'Angell Mobility, lors de la présentation de l'E-Bike 1 le 19 septembre 2023.
Marc Simoncini, fondateur d’Angell Mobility, lors de la présentation de l’E-Bike 1 le 19 septembre 2023. - Christophe Séfrin/20 Minutes

En attendant, ce sont les concurrents d’Angell qui se manifestent. À commencer par Ellipse Bikes, dont le co-fondateur appelle à la mobilisation générale.

La peur de la mauvaise presse

Craignant un gâchis économique et écologique, Ellipse propose ainsi aux possesseurs de vélos Angell un ramassage gratuit des vélos dont les propriétaires voudraient se débarrasser, ou une reprise à hauteur de 500 euros, pour tout achat d’un vélo électrique Ellipse. Opportuniste le fabricant de vélos troyen ? Un de ses concurents français que nous avons interrogé nous a confié en off que la démarche pouvait être mal perçue… Florian Prieur, son co-fondateur, s’en défend. « Le vrai sujet est d’être en phase avec nos valeurs autour de la durabilité. Ces vélos vont partir n’importe où, c’est un gros gâchis », explique-t-il à 20 Minutes. Ainsi voudrait-il revaloriser les composants, les moteurs, les batteries, l’électronique embraquée…

Notre dossier «Vélo»

Florian Prieur, qui n’avait pas encore noué contact avec Angell à l’heure où nous écrivons ces lignes, craint aussi pour la mauvaise presse que cette affaire pourrait avoir sur l’univers du VAE qui, depuis deux ans, voit ses ventes décroître. « Ne restons pas sur une mauvaise note, j’appelle toutes les marques à rejoindre notre initiative », lance le co-fondateur d’Ellipse Bikes. C’est déjà le cas de Parco Cycles, à Montbéliar, de Cycles Services Loire (anciennement Mercier), et du groupe F2J Industry (sous-traitant automobile) qui souhaitent proposer le même type de service…

Reste qu’Angell, né en pleine effervescence du vélo à assistance électrique durant le Covid, n’aura jamais totalement convaincu, malgré ses vélos au design hype.

Décidément très controversée, la première version de sa monture avait déjà révélé des défauts : nécessité d’enlever ou mettre la batterie pour allumer le vélo ; position de conduite manquant de confort ; absence de béquille ; écran tactile perfectible, gardes-boue vendus en option… De l’avis général, ce vélo annoncé alors comme futuriste, était sorti bien trop tôt et aurait mérité un développement plus soigné…

Espérons qu’une solution sera trouvée pour les utilisateurs de vélos Angell. En juillet 2023, le fabricant néerlandais de vélos urbains VanMoof avait lui aussi mis la clé sous la porte (racheté depuis par la société MacLaren Applied). En cessation de paiements, il avait laissé sur le carreau 200.000 clients en Europe. Son concurrent belge Cowboy avait créé de toutes pièces une application permettant aux cycles de rester connectés.