« Ceux qui choisissent la pédagogie active pour leur enfant rejettent l’image qu’ils se font d’une école violente, abrutissante, qui n’épanouit pas »
Certains parents ayant opté pour une école à pédagogie active pour leur enfant changent d’avis en cours de cursus ou le réintègrent dans le traditionnel à partir de la première secondaire. Que penser de ces méthodes pédagogiques qui entendent rendre l’enfant acteur de ses apprentissages ? « La Libre » a interrogé trois personnes de terrain, parmi lesquelles Eric Mangez, Professeur de sociologie à l’UCLouvain, spécialiste des politiques éducatives.
- Publié le 27-01-2025 à 10h29
- Mis à jour le 27-01-2025 à 10h34

En tant que professeur de sociologie à l’UCLouvain, Eric Mangez a notamment acquis une expertise en matière de politiques éducatives. Entre pédagogies actives et méthode traditionnelle, il tente de nous éclairer.
Les pédagogies actives sont-elles aussi efficaces que l’enseignement traditionnel ? Les études scientifiques sur la question sont pratiquement inexistantes…
Ce qui est certain, c’est que je ne vais pas me prononcer sur la question de savoir s’il y a une méthode pédagogique meilleure que l’autre. Aujourd’hui, nous ne disposons d’ailleurs pas d’éléments qui nous permettent d’affirmer quoi que ce soit. Les élèves eux-mêmes sont très différents dans leur rapport au savoir, dans leur manière d’apprendre.
Par contre, ce que l’on peut affirmer, c’est qu’il y a une distinction entre, d’une part, une stratégie plus « instrumentale » (s’assurer que les compétences soient bien acquises) et, d’autre part, une stratégie plus « expressive » (comment mon enfant se sent-il dans sa peau, dans sa vie ?). Et puis, il y a aussi cette angoisse de savoir s’il trouvera sa place dans la société, s’il décrochera plus tard un diplôme, puis un travail.
Enfin, certaines études ont tout de même établi une distinction claire entre ce qu’on appelle les « pédagogies visibles » et les « pédagogies invisibles » : des méthodes qui rendent très explicites ce qu’on est en train d’apprendre et comment on est en train d’apprendre, versus des approches plus invisibles, par exemple en faisant travailler les enfants par projet, autour d’un objectif tel que la réalisation d’un « chef-d’œuvre ». Et le plus souvent, les savoirs sont moins visibles dans les pédagogies actives tandis qu’ils le sont davantage dans la pédagogie traditionnelle.
Quelles sont les familles qui optent généralement pour des pédagogies actives ?
Ce sont des familles plutôt favorisées, ce qu’on appelle parfois « les classes moyennes à fort capital culturel », c’est-à-dire des parents sensibles à l’épanouissement de leur enfant et qui développent une grande réflexivité par rapport à l’éducation et à l’école. Ce sont donc des personnes qui sont, aussi, davantage susceptibles que les autres de poser un regard élaboré, critique vis-à-vis des méthodes éducatives et pédagogiques. Cela peut expliquer pourquoi ces parents, s’ils sont déçus par un type de pédagogie, rebroussent chemin et optent pour un autre type d’enseignement. Certains, les plus radicaux, en viennent même à opter pour le homeschooling, l’instruction à domicile.
Autre observation intéressante : ceux qui optent pour des pédagogies actives sont soit des parents qui ont eux-mêmes souffert d’un cadre trop strict durant leur scolarité, soit qui voient leur enfant souffrir, soit les deux. Ils rejettent l’image qu’ils se font d’une école violente, abrutissante, qui n’épanouit pas.
Ces parents sont manifestement tiraillés entre la volonté de voir leur enfant épanoui et celle de le voir terminer son cursus avec un solide bagage intellectuel…
Oui, tout à fait. Cette tension existe. Il y a des parents qui, à un moment donné, se disent qu’ils prennent un risque en n’empruntant pas les chemins les plus courus. Parfois, d’ailleurs, ce sont ces mêmes parents qui compenseront à la maison en donnant des devoirs à leurs enfants. Mais une fois encore, il s’agit de personnes qui ont les ressources culturelles pour le faire.
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