« Envie d’uriner 50 à 60 fois par jour »… Comment la kétamine transforme la vessie des jeunes en celle d’un vieux papy
«Ma patiente avait des fuites urinaires comme une mamie à seulement 20 ans. Elle n’arrêtait pas de se pisser dessus. » Le docteur en urologie de la Croix du Sud à Toulouse, Guillaume Loison, s’inquiète comme de nombreux autres confrères face à la hausse des cas chez les jeunes de problèmes rénaux et de vessie liés à la prise de kétamine. Cette drogue de synthèse, à la base utilisée par les vétérinaires, puis les anesthésistes, s’impose de plus en plus chez les jeunes à des fins récréatives. Entre chemsex, soirée entre amis ou expérience de jeunesse, la kétamine devient une drogue de plus en plus répandue.
En France, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), près de 1 % des lycéens ont déclaré avoir expérimenté la kétamine, en 2022. En 2023, une enquête a révélé que 2,6 % des adultes l’ont déjà testé, ce qui amène la consommation de ce produit devant celle de l’héroïne. Cette drogue est vendue dans les milieux festifs autour de 30 à 40 euros le gramme, soit moitié moins que la cocaïne.
Si les jeunes ont accès plus facilement à cette drogue pour halluciner, se sentir désorienter et ne plus rien ressentir, le réveil est brutal. Comme toute drogue ou médicament, la kétamine impose des effets secondaires, parfois très dangereux. Des complications graves sont régulièrement signalées, indique l’Agence nationale de sécurité du médicament depuis quelques années déjà, comme des atteintes du foie et des voies biliaires ou des voies urinaires, avec un retentissement possible sur le rein.
Une moyenne d’âge de 25 ans
« La portée active de la kétamine est éliminée secondairement dans la vessie, ce qui explique que cette partie du corps soit autant touchée par des formes graves chez ces jeunes », développe le Dr Loison. Selon l’Association française d’urologie (AFU), ces troubles se manifestent entre autres par des douleurs intenses et des envies d’uriner « 50 à 60 fois par jour ». « J’ai un patient de 35 ans qui prenait régulièrement cette drogue et qui a aujourd’hui un cancer de la vessie », ajoute l’urologue.
Les patients touchés, selon l’AFU, sont majoritairement des hommes jeunes âgés de 25 ans en moyenne, prenant régulièrement de la kétamine depuis au moins un an avant l’apparition des troubles. A leur jeune âge, ils se retrouvent alors avec une vessie de grand-père. « Mais nous avons aussi beaucoup de femmes qui en prennent, notamment parce que la kétamine peut traiter la dépression et qu’elle est moins agressive que la cocaïne », admet le médecin. Fort heureusement, les symptômes sont le plus souvent réversibles si le patient arrête définitivement toute prise de kétamine.
« Mais il est important que ces jeunes comprennent que l’impact n’est pas seulement au niveau du cerveau. Nous avons des cas graves. Des patients dont la vie est détruite car ils ne peuvent plus se retenir, sont obligés de porter des couches ou de saigner à chaque urine. Il n’y a rien de récréatif là-dedans », conclut l’urologue toulousain.