Et si une victime d’accident causé par une personne sous influence de la drogue était reconnue comme victime collatérale du narcotrafic ?
Dans un document que La Libre a pu consulter, plusieurs propositions sont émises en vue de lutter contre un phénomène encore assez peu contrôlé. Le Commissariat national drogues veut que l’on sensibilise davantage les conducteurs sous influence de stupéfiants qui pensent encore trop souvent pouvoir passer sous les radars.
- Publié le 22-01-2025 à 18h29
- Mis à jour le 24-01-2025 à 06h32
« Boire ou conduire, il faut choisir » a beau être un adage connu et répété, il est loin d’être respecté à la lettre. En effet, le nombre de personnes prenant le volant après avoir bu quelques verres est loin d’être proche de zéro. La situation inquiète au point qu’en décembre, Vias appelait à une tolérance zéro pour l’alcool au volant. Parallèlement, une autre problématique semble prendre encore plus d’ampleur en Belgique, celle de la conduite sous influence de stupéfiants.
Selon des chiffres collectés par l’Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC) et le Commissariat national drogues (CND), 12 636 infractions de « conduite sous l’influence de drogues » ont été constatées en Belgique en 2023 (il s’agit des données les plus récentes, NdlR) et on dénombrait, chaque jour, 36 conducteurs testés positifs à la prise de stupéfiants. Le cannabis reste le plus « populaire » (58 % des conducteurs contrôlés), suivi de la cocaïne (33 %) et de l’amphétamine (13 %).
Dans une communication très succincte du Commissariat national drogues (CND), plusieurs éléments sont exposés pour tenter de mieux lutter contre l’usage de stupéfiants avant de prendre le volant. La Libre a pu consulter un document plus complet – vraisemblablement destiné au futur gouvernement – sur la question, et sur les pistes concrètes que souhaite développer le CND.
Stop aux contrôles aléatoires
Le CND pointe plusieurs éléments problématiques dans l’actuelle approche visant à lutter contre la prise de drogues au volant. D’abord, le fait que peu de conducteurs ont peur des contrôles antidrogue, qui seraient moins fréquents que les contrôles anti-alcool. Conséquence : nombreux conducteurs évitent le verre de trop, mais osent consommer des stupéfiants sans la peur d’être pris.
Et pour cause, les contrôles liés à la prise de cannabis, de cocaïne et autres drogues ne sont pas systématiques lors des opérations contre l’alcool au volant. Pour le Commissariat drogue, la pratique doit changer, pour que la peur d’un contrôle et d’une sanction puisse avoir un peu d’effet.
Autre élément pointé : les contrôles de police, qui devraient être mieux organisés pour gagner en efficacité. Concrètement, le CND estime qu’avant de mettre en place un lieu de contrôle, il serait pertinent d’étudier puis de localiser les endroits stratégiques et propices à la consommation de stupéfiants, qui seraient ensuite mieux contrôlés. Objectif : ne plus opérer de façon aléatoire, mais de façon ciblée.
Le Commissariat drogue déplore également qu’à l’heure actuelle, trois éléments doivent être constatés avant qu’un contrôle antidrogue plus poussé soit possible, ce qui limite la pratique et permet ainsi à de nombreux automobilistes potentiellement en tort de passer entre les mailles du filet. Concrètement, le CND estime que les policiers devraient pouvoir procéder à un contrôle poussé même sans aucun signe apparent d’intoxication aux drogues (par exemple le fait d’avoir les yeux rouges et les pupilles dilatées). Certains nouveaux produits ne permettent effectivement pas d’être détectés par les policiers au cours d’un simple examen visuel.
La polytoxicomanie en hausse
Le Commissariat drogue s’est également penché sur les accidents de la route dans lesquels sont impliquées des personnes ayant consommé un ou des stupéfiants. Pour rappel, il y a eu, en 2023, 36 855 accidents sur les routes belges qui ont occasionné 45 243 blessés et 501 décès, selon le dernier rapport Vias. On y note également que 7 % des conducteurs impliqués dans un accident étaient positifs à l’alcool. Aucune indication concernant la consommation de stupéfiants, ce qui donne du crédit à la thèse du Commissariat drogue pour qui la collecte d’informations sur les stupéfiants en Belgique est trop peu développée.
C’est l’une des raisons pour lesquelles le CND plaide pour des actions plus ciblées, vers des lieux propices à la consommation, afin d’augmenter la perception subjective des conducteurs du risque réel d’être identifié et poursuivi. Plusieurs propositions sont émises, dont une plutôt inédite : qu’une victime d’un accident de la route causé par une personne sous l’influence de stupéfiants soit considérée comme une victime indirecte ou collatérale du narcotrafic.
Si l’approche peut paraître dure, le Commissariat drogue la justifie en insistant sur le fait qu’il faut davantage conscientiser vendeurs et consommateurs quant aux risques. Et de pointer un comportement de plus en plus fréquent et inquiétant : celui de la polytoxicomanie, à savoir mélanger alcool et drogues. Une pratique qui se banalise par méconnaissance des sanctions ou des risques. C’est pourquoi le CND estime qu’outre des contrôles plus répressifs, des campagnes de sensibilisation doivent être menées plus tôt auprès des jeunes, notamment dans les écoles.