France

Budget 2025: Bruno Retailleau est-il le pire allié de François Bayrou pour négocier avec le PS et éviter la censure ?

«Mon Dieu, gardez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m’en charge. » François Bayrou aura peut-être l’occasion de méditer cette phrase de Voltaire dans les prochaines semaines. Le Premier ministre, qui tente de négocier avec la gauche les conditions d’une non-censure depuis son arrivée à Matignon, pourrait être fragilisé par… un membre de son propre gouvernement. Bruno Retailleau a en effet poursuivi cette semaine son offensive médiatique, en plaidant notamment pour une controversée réforme de l’Aide médicale d’Etat.

« L’AME, une ligne rouge écarlate »

« On y touchera », a affirmé lundi sur BFMTV le ministre de l’Intérieur, évoquant une réforme de l’AME dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Bruno Retailleau souhaite revoir ce dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins. « On ne peut pas demander des efforts aux Français et ne pas en demander aux étrangers, qui sont des clandestins », a-t-il lâché. L’ancien sénateur Les Républicains, qui entend incarner une ligne de fermeté depuis sa nomination à Beauvau, a également proposé de modifier le droit du sol à Mayotte, et même sur l’ensemble du territoire français. « J’essaye de pousser les feux le plus loin possible, d’ébranler les conformismes et la bien-pensance », a-t-il lancé.

Mais ces feux médiatiques allumés chaque semaine horripilent les députés de gauche. Et en premier lieu les socialistes, qui n’ont pas voté la censure de François Bayrou la semaine dernière. « Ce serait un jeu extrêmement dangereux que le Premier ministre choisisse d’avancer sur le terrain de l’extrême droite et de ses thématiques. Je rappelle qu’il n’y a pas d’accord de non-censure, et que le gouvernement reste en sursis », prévient Mélanie Thomin, députée socialiste du Finistère. « La censure dépendra de la capacité du gouvernement à faire des gestes sur le budget, mais aussi à ne pas franchir de ligne rouge. En l’occurrence, revenir sur l’AME serait une ligne écarlate », abonde Arthur Delaporte, son collègue du Calvados.

« Monsieur Retailleau n’engage pas le gouvernement »

Pour obtenir la bienveillance du PS, François Bayrou a dû faire des concessions, notamment sur la réforme des retraites. Une stratégie saluée par les macronistes lors d’une réunion mardi avec le chef du gouvernement. « Plusieurs députés l’ont félicité d’avoir embarqué les socialistes. Cela nous permet de sortir de la dépendance du RN et d’éviter ce droit de vie ou de mort qu’avait Marine Le Pen sur Michel Barnier », commente un participant. Ce rapprochement avec le PS est vu d’un bon œil car il permettrait d’éviter la censure si Marine Le Pen décidait de renverser le gouvernement sur les textes budgétaires courant février… soit quelques semaines avant l’annonce des peines dans l’affaire des assistants parlementaires RN.

« Monsieur Retailleau peut parler très fort. Mais sa parole n’engage pas du tout le gouvernement, et encore moins le socle commun », tente donc de nuancer une ancienne ministre, redevenue députée. Elle rappelle que le gouvernement avait balayé début janvier les propositions d’interdiction du voile pour les accompagnatrices de sorties scolaires et les étudiantes à l’université formulées par le ministre de l’Intérieur. « Je me méfie de ce que dit Retailleau. Il y a des tensions internes, des rapports de force au sein du gouvernement. Seul le budget sera le moment de vérité », souffle André Chassaigne, le patron des députés communistes.

Pressions de LR et LFI

Mais sur ce budget, la droite entend également peser. Et la réforme de l’AME, évoquée par Bruno Retailleau, est l’une de ses demandes. « Il n’est pas question de la supprimer mais de restreindre le panier de soins au niveau des autres pays européens », confirme l’élu LR Philippe Gosselin. « Il faut que chacun fasse des pas en avant. Au Premier ministre d’avoir l’habileté de faire passer le message aux socialistes ».

Les dernières actus de Bruno Retailleau

Une mission délicate car les socialistes sont également mis sous pression par leurs alliés insoumis. « Chaque fois que le gouvernement ne sera pas censuré, c’est toute la politique macroniste qui est sauvée. De fait, le PS permet de maintenir la politique de Bruno Retailleau », cingle Sarah Legrain, députée LFI de Paris. François Bayrou doit donc espérer que l’épouvantail Retailleau reste discret durant les débats budgétaires à venir.