Un dramaturge reconnu coupable de harcèlement pour avoir monté une pièce de théâtre inspirée de l’agression de Karin Gérard
La pièce, intitulée « Souffrez-vous Madame ? », raconte l’histoire d’une juge qui a été agressée à la sortie du palais de justice par trois individus. Or c’est précisément ce que Karin Gérard dit avoir subi en 2016. Une agression que certains croyaient cependant inventée, ce que la pièce de théâtre laisse également sous-entendre. Karin Gérard a porté plainte pour calomnie, diffamation et harcèlement. Le dramaturge a défendu que sa pièce était une fiction. Il vient d’être condamné pour harcèlement.
- Publié le 21-01-2025 à 19h05
L’ancienne magistrate bruxelloise Karin Gérard a pris sa retraite il y a quelques années déjà, mais son nom est encore associé à un fait divers survenu en 2016 à Bruxelles et dont elle était la victime. Une agression à la sortie du Palais de justice de Bruxelles qui lui avait coûté cher. Non seulement des bijoux lui avaient été dérobés ce jour-là mais en plus cette histoire s’est retrouvée au cœur d’une saga judiciaire qui n’a abouti qu’en 2020. Karin Gérard avait en effet été accusée d’avoir inventé cette agression pour frauder l’assurance. Totalement blanchie par la Cour de cassation, elle n’en avait pas tout à fait fini avec la justice.
Car une affaire connexe – passée sous les radars – occupait l’ex-magistrate. Cette affaire concerne la pièce de théâtre « Souffrez-vous, Madame ou Présomption d’innocence ! », mis en scène par l’avocat et dramaturge Marc Helsmoortel.
Ce dernier soutiendra jusqu’au bout qu’il s’agit d’une fiction pure. Karin Gérard, elle, estime que tout est inspiré de l’agression qu’elle a subie en 2016. Avec des éléments supplémentaires qui sont, défend-elle, faux et calomnieux. Elle portera plainte pour calomnie, diffamation et harcèlement (car la répétition de la pièce de théâtre induit une répétition de l’acte délictueux). L’affaire a été plaidée en décembre dernier devant la 50e chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Bruxelles.
La Libre a appris que le jugement, tombé le 15 janvier, est favorable à Karin Gérard puisque le dramaturge a été condamné pour harcèlement, mais acquitté pour les accusations de calomnie et de diffamation.
Rétroactes.
« Souffrez-vous, Madame »
« L’affaire des bijoux de Karin Gérard » comme l’ont nommée certains médias débute le 5 janvier 2016. Celle qui était encore magistrate près la cour d’appel de Bruxelles – et surnommée « Madame cour d’assises » tant elle en a présidé – est agressée à la sortie du Palais de justice de Bruxelles ce jour-là par trois individus qui la frapperaient violemment avant de lui voler ses bijoux. Karin Gérard porte plainte contre X, mais l’affaire prend une tournure inattendue pour la magistrate qui sera accusée d’avoir inventé toute cette histoire. Et pour cause : aucun élément ne permet de prouver ses dires. L’hypothèse d’une fausse agression et d’une tentative de fraude à l’assurance prend alors de l’ampleur. Karin Gérard parle, elle, « d’accusations scandaleuses et calomnieuses ».
La justice bruxelloise mènera ses investigations. En mars 2017, le parquet général, à qui le parquet de Bruxelles avait transmis le dossier, adresse l’affaire au ministre de la Justice afin que celui-ci la fasse parvenir à la Cour de cassation. En février 2020, cette dernière prononcera un non-lieu en faveur de l’ancienne magistrate.
Parallèlement à cette affaire, Karin Gérard porte plainte contre l’avocat et dramaturge Marc Helsmoortel après être tombée sur un article publié le 30 mars 2018 dans La Dernière Heure et intitulé « Une pièce de théâtre sur l’affaire Karin Gérard ».
Cette drôle de pièce, intitulée « Souffrez-vous, Madame ou Présomption d’innocence ! » et jouée au théâtre de La Flûte Enchantée, à Ixelles, relate l’histoire d’une magistrate qui se fait agresser par trois hommes en sortant du palais de justice qui lui volent ses bijoux. Un policier mène l’enquête, persuadé que, derrière cette agression, il y a autre chose.
Des éléments « sordides »
« C’est une pièce qui est basée sur un fait divers dont on a énormément parlé. Je me suis dit que j’allais imaginer une fin moi-même. Il ne faut pas chercher l’issue de la vraie histoire là-dedans », expliquait le dramaturge dans l’article publié par La DH, le 30 mars 2018. Durant le procès, Marc Helsmoortel insistera sur le fait qu’il s’agit d’une fiction pure, inspirée, certes, de faits divers. Mais rien de plus.
Sauf que pour Karin Gérard, cette représentation théâtrale rappelle indéniablement son histoire à elle. Avec des éléments « sordides » qu’elle dénonce avec ferveur. Car la pièce de théâtre évoque une magistrate, mais aussi une femme malhonnête, infidèle, menteuse, coutumière d’escroquerie à l’assurance et ayant une propension à l’ivresse.
Dans un jugement rendu le 15 janvier, la justice tranche en reconnaissant le dramaturge coupable de harcèlement, et le condamne à une amende de 800 euros. Il est toutefois acquitté pour les faits de diffamation et de calomnie.