”Des pétards sont utilisés comme des armes contre la police, les pompiers et les soignants. C’est quoi la suite ? Des écoles ? Des hôpitaux ?”
Michel Goovaerts, chef de corps de la zone de police Bruxelles capitale – Ixelles, alerte quant à l’utilisation de plus en plus fréquente de pétards et de feux d’artifice à l’égard des forces de l’ordre. Un phénomène que l’on pensait cantonné aux périodes de fin d’année. Mais le policier constate une hausse tout au long de l’année.
- Publié le 20-01-2025 à 06h35
L’usage de feux d’artifice et de pétards est une activité associée à la période de fêtes de fin d’année. Une activité qui n’est pas autorisée pour les particuliers, ce qui peut sembler dur à croire quand on sait (ou plutôt quand on entend) le nombre de ces explosions à l’approche la Saint-Sylvestre.
Michel Goovaerts, chef de corps de la zone de police Bruxelles capitale – Ixelles (la plus grande de la capitale), connaît bien la problématique puisqu’il était le « Gold Commander » dans la nuit du 31 décembre. Cela signifie qu’il était à la tête du commandement unique rassemblant les différentes zones de police de la Région bruxelloise, depuis le centre de crise régional. « C’est une structure qui a très bien fonctionné. Maintenant, quand on voit le bilan communiqué, certains chiffres ne sont pas corrects, entame Michel Goovaerts. Je tiens à rétablir la vérité et m’expliquer ensuite quant aux réels soucis qui nous préoccupent, nous, policiers. »
Le réveillon du nouvel an n’a pas été aussi chahuté qu’on le dit dans les médias ?
La situation est plus nuancée. D’abord, concernant les chiffres communiqués, j’ai lu et entendu qu’une soixantaine de véhicules ont été incendiés à Bruxelles. Nous avons été très étonnés parce que, en réalité, il y a eu 27 véhicules incendiés. Cela reste évidemment 27 de trop, mais on est loin des 60 annoncés dans la presse. C’est surtout dans le nord du pays que ces chiffres ont fait réagir. Il est nécessaire de rétablir la vérité, d’autant que, de façon globale, tout s’est relativement bien passé en Région bruxelloise, avec peu de plaintes enregistrées. Maintenant, cela ne doit pas camoufler une autre problématique qui nous préoccupe : l’augmentation et surtout la violence de l’usage de feux d’artifice ciblant des policiers, mais aussi des pompiers et du personnel soignant.
Est-ce une problématique neuve ?
Les premiers signaux datent de fin 2023 et les rassemblements problématiques qui ont eu lieu après certains matchs de foot durant la coupe du monde au Qatar. Je ne parle pas des gens qui ont utilisé ces feux d’artifice pour faire la fête, mais bien des personnes qui ont trouvé cela amusant de s’attaquer à tout ce qui peut être assimilé à une autorité, la police en particulier. Je pense que depuis ce moment-là, il y a eu, pour certains jeunes, une forme de déclic. Ils se sont rendu compte que ces feux d’artifice et ces pétards – on parle souvent des Cobra 8, mais il y a d’autres modèles – sont faciles à trouver sur Internet et peuvent faire beaucoup de dégâts en quelques instants. Ils se sont rendu compte qu’ils ont accès à des armes « usage friendly ». C’est terrible.
La situation est-elle devenue plus grave ?
Je vais être honnête avec vous : le fait de cibler des policiers n’est pas neuf du tout. C’est sans doute une façon de défier symboliquement l’uniforme. Je ne vais pas dire que je comprends, pas du tout, mais il y a une certaine « logique » dans l’esprit de certains de ces jeunes. Mais notre constat – et cela s’accentue d’année en année –, c’est que des pompiers et des membres de l’aide médicale urgente sont aussi de plus en plus visés. Les transports en commun également. Mais pourquoi ces jeunes font-ils cela ? Que peut-il se passer dans leur tête ? Je crois que c’est une question à poser à des spécialistes parce que nous avons besoin de comprendre. Si on ne fait rien, ce sera quoi la suite ? Des écoles ? Des hôpitaux ? Par ailleurs, selon ce que nous constatons également sur la base des arrestations, c’est qu’il s’agit de jeunes domiciliés à Bruxelles et qui y sont nés pour la plupart. Ce sont donc des Bruxellois qui s’attaquent à ceux qui veillent sur leur propre ville. Je n’arrive absolument pas à comprendre pourquoi.
Bruxelles est-elle la seule ville concernée par ces chahuts de fin d’année ?
On entend souvent que cela se passe beaucoup à Bruxelles et en période de fin d’année. Mais ce n’est pas juste. Nous avons constaté que, non seulement, cela arrive de plus en plus souvent tout au long de l’année. Mais en plus, que cela se passe aussi dans certaines villes en Wallonie et Flandre, dont Anvers.
Ces pétards sont interdits à la vente, leur utilisation est illégale. Que songez-vous faire ?
Le problème vient notamment du fait que, même si ces pétards sont effectivement interdits à la vente, on en trouve facilement sur des sites Internet, principalement de Pologne et d’Italie. Peut-être qu’il faut envisager des collaborations avec les polices des autres pays, un peu comme pour les trafics de drogue. Certaines associations font de l’occupationnel avec ces jeunes. C’est très bien, mais ça ne suffit pas. Moi, je suis policier, je ne vais pas commencer à organiser des matchs de foot pour occuper ces jeunes. Il faut que les autorités se rendent compte que nous sommes face à un phénomène grave qui prend de l’ampleur.