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Ile-de-France : La fusion entre Saint-Denis et Pierrefitte, une perte d’identité ?…. « Le gros va manger le petit »

Pour une lune de miel, on a connu plus festif. Un timide soleil d’hiver tombe sur les rues de Pierrefitte, en Seine-Saint-Denis, au moins aussi vite que les températures en ce début du mois de janvier. La commune de 32.000 âmes a fêté le passage à la nouvelle année en s’unissant à Saint-Denis, son géant voisin. Union, regroupement, mariage… Appelez cela comme vous voulez, mais la nouvelle entité émarge désormais à près de 150.000 habitants, ce qui la range au deuxième rang des communes les plus peuplées d’Ile-de-France, derrière Paris.

Sur le parvis de l’Hôtel de ville, on affiche désormais en gros « Pierrefitte-sur-Seine, commune déléguée de Saint-Denis ». La nouvelle commune, elle, portera le nom de la ville dyonisienne. Ce qui peut interroger sur la possible perte d’identité des Pierrefittois.

« J’ai peur que tout soit décidé à Saint-Denis »

« Faut pas se leurrer, le gros va manger le petit, soupire Nordigne, 70 ans, inratable avec son casque de vélo jaune fluo sur la tête. On nous l’a imposé. Même si ce n’était pas obligatoire de nous consulter, ça aurait été bien de le faire. » Le retraité, ancien responsable d’établissements médico-sociaux, redoute un possible futur « manque de proximité » de certains services publics, tout en enfourchant son vélo pour remonter la rue de Paris.

« Les noms de rues et d’écoles, comme les codes postaux, restent les mêmes. Les clubs sportifs arborent toujours leurs couleurs. Les deux Hôtels de ville accueillent des mariages. La commune déléguée de Pierrefitte continue de délivrer l’ensemble des actes d’état civil et d’assurer la relation de proximité », indique, rassurante, la commune nouvelle sur son site. Les affichages municipaux exposant les vœux de la « ville ensemble » se mêlent aux panneaux de la voirie indiquant le nom des rues. « Mais l’identité, elle va partir, soupire Nacera, 46 ans. J’ai peur que tout soit décidé à Saint-Denis. »

Certains sont « tristes », d’autres moins concernés

D’autres, comme Juju et Laura, semblent plus détachés. « Ça ne change rien, ce sont juste des panneaux », rigolent les deux trentenaires. « Il faut dire qu’on veut un référendum sur la question », martèle quant à lui Samuel, 51 ans. Le restaurateur, natif de la ville, s’inquiète surtout pour les prochaines élections municipales. « Ça me rend triste, j’ai l’impression qu’on ne va plus pouvoir élire un enfant de la ville », enchaîne-t-il.

Pour lui, l’identité de la ville, c’est « la mairie, l’église, et aussi l’ambiance ». Et même si la fusion promet de ne pas y toucher, il n’est pas des plus rassurés. « Dans les faits, la commune nouvelle porte le nom de Saint-Denis, les conseils municipaux se tiennent à Saint-Denis, ce sont des signaux forts, analyse Romain Potel, l’un des membres fondateurs de l’association Stop fusion Pierrefitte Saint-Denis. On sait que le nom de Pierrefitte ne sera pas effacé, mais les habitants ont l’habitude d’une ville à taille humaine. »

« La population bouge, l’attachement n’est pas le même »

Mathieu Hanotin (PS), le maire de Saint-Denis, et le maire délégué de Pierrefitte Michel Fourcade (PS), ont justifié leur choix par le fait de peser davantage. Concrètement, les Pierrefittois pourront bénéficier de baisses d’impôt grâce à la fusion, mais aussi de la cantine gratuite et de la politique contre l’habitat indigne développé par le voisin dyonisien.

« A Pierrefitte, ce qui fait fonctionner la ville, ce sont les associations. Les acteurs locaux se connaissent. En termes d’identité, ce qui va se perdre, c’est d’organiser des événements entre les différents quartiers de la ville », craint Romain Potel, ancien élu de Pierrefitte et désormais conseiller municipal d’opposition dans la nouvelle commune.

Pour lutter contre la décision, l’association a lancé un recours juridique et attend la fin de l’instruction en février, avant un jugement espéré à l’été. A quasiment un an des municipales, Stop fusion se bat aussi pour qu’un maximum de listes intègrent l’annulation de l’union dans leur programme.

Contacté par 20 Minutes, Michel Fourcade (PS), maire de la commune déléguée de Pierrefitte, rappelle que la fusion a été pensée pour développer les services publics et tient à rassurer. « L’identité de la ville est une préoccupation, notamment pour les habitants plus âgés qui sont nés ici. Mais ils sont rassurés parce que les rues vont garder le même nom et que le code postal est conservé. »

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Pour l’édile socialiste, désormais premier adjoint de la commune nouvelle, le sentiment d’appartenance de ses administrés est d’ailleurs globalement moins fort qu’en province. « Ici, la population bouge énormément entre deux mandats, parfois de 40 %, donc l’attachement n’est pas le même. » Assis sur un banc non loin de l’église, un homme, pas emballé à l’idée de donner son nom, philosophe. « Ça ne sert à rien de stresser, murmure-t-il. Il faut attendre. On ne sait pas encore à quelle sauce on va être mangés. »