Gouvernement Bayrou : Pourquoi le Parti socialiste ne vote pas la censure du gouvernement (tout de suite) ?
Ils ont attendu la dernière des dernières minutes pour se décider. Peu avant 15 heures, après une énième réunion et moult hésitations, les députés socialistes ont décidé qu’ils ne voteraient pas la censure du gouvernement ce jeudi après-midi. Olivier Faure et ses troupes n’étaient d’ailleurs pas présents dans l’hémicycle lorsque Manuel Bompard (LFI) a défendu à la tribune la motion de censure déposée par les insoumis, les écologistes et les communistes pour renverser François Bayrou. Mais pourquoi les élus du PS ont-ils décidé de ne pas voter (tout de suite) la chute du gouvernement ?
Peser sur le budget Bayrou
Après des jours de tractation, François Bayrou avait déçu les socialistes lors de son discours de politique générale, mardi, à l’Assemblée nationale. Dans un courrier adressé au PS, le Premier ministre a finalement récapitulé en début d’après-midi ce jeudi la liste des concessions accordées à la gauche. Outre le « conclave » de trois mois sur la réforme des retraites, le chef du gouvernement a répondu positivement à certaines de leurs demandes sur le délai de carence des fonctionnaires ou le maintien des 4.000 postes d’enseignants dans l’Éducation nationale. Il a aussi confirmé le projet de taxe sur les hauts revenus.
Cette lettre signée de sa main, et envoyée alors que le PS tenait sa réunion, a visiblement fait pencher la balance. « Nous sommes dans l’opposition et nous y resterons », a clamé peu après Olivier Faure à la tribune en révélant la position de son groupe. « Mais nous n’avons pas la négociation honteuse », s’est félicité le premier secrétaire du PS, disant son « honneur » d’avoir « arraché des concessions » au gouvernement. Mis de côté lors des discussions budgétaires sous Michel Barnier, le PS veut désormais peser alors que les projets de loi reviennent à l’Assemblée nationale. « On a eu des premiers gestes, mais on ne s’interdit pas la censure le coup d’après », prévient toutefois un élu socialiste.
Se détacher de La France insoumise
En négociant avec François Bayrou, le Parti socialiste se détache ainsi de la stratégie de La France insoumise, qui souhaite à tout prix faire chuter le gouvernement pour pousser à la démission d’Emmanuel Macron. « Hormis les concessions arrachées à Matignon, l’autre déterminant de la non-censure est la demande de stabilité d’une partie de notre électorat », confirme un député PS.
Et ce malgré les injonctions de Jean-Luc Mélenchon, qui a menacé de mettre des insoumis face aux élus ne votant pas la censure aux prochaines élections. « Des collègues ont certainement eu peur qu’en votant la censure, on donne l’impression de céder aux chantages de Mélenchon », souffle cet élu PS.
Prépaper le Congrès
Cette velléité d’indépendance n’est pas anodine alors qu’Olivier Faure était de plus en plus critiqué en interne pour le rapprochement avec LFI entrepris depuis 2022. « Ce serait une erreur de croire qu’on est là dans un choix uniquement budgétaire, prévient une ancienne ministre de Michel Barnier. C’est aussi une décision politique, on ne me fera pas croire que le Congrès du PS n’a rien à voir là-dedans ».
Menacé par son aile droite, Olivier Faure risque en effet son poste lors d’un prochain conclave du parti, qui doit être organisé d’ici l’été. Reste à savoir si le Nouveau front populaire, entré en zone de turbulences ce jeudi, résistera à ces divergences stratégiques.