« On n’est pas des sauvages »… Sur TikTok, Sandy et Loona démontent avec humour les clichés sur les gens du voyage
L’une est voyageuse, l’autre non. « C’est une petite racli * », sourit Sandy en parlant de la femme de son neveu, Loona. « C’est ma tante mais on est surtout amies », répond la plus jeune. Âgées respectivement de 36 et 26 ans, les deux jeunes femmes forment un duo très complice et très actif depuis près de deux ans sur les réseaux sociaux. Sur le ton de la rigolade, elles tournent en dérision sur leur chaîne TikTok tous les clichés toujours bien ancrés sur les gens du voyage, pour mieux les dézinguer. « On a voulu casser ces préjugés car c’est fatigant d’entendre toujours les mêmes choses sur notre communauté », indiquent les deux tiktokeuses, suivies par près de 80.000 abonnés et dont les vidéos avoisinent les 2,5 millions de vues.
Face caméra, Sandy et Loona, qui vivent toutes les deux sur un terrain dans l’agglomération nantaise, jouent chacune un rôle, « même si on n’est pas comme ça dans la vraie vie ». Dans celui de « la racli » donc, Loona chambre gentiment son amie sur le mode de vie en caravane ou sur la culture et les traditions des gens du voyage. Et Sandy lui répond du tac au tac. Le ton est volontairement potache même si la réalité qu’elles décrivent ne prête pas forcément à sourire. « On est en 2025, mais il y a encore beaucoup de racisme et de discrimination contre les gens du voyage, assurent-elles. Avec ces vidéos, on veut aussi montrer notre quotidien car on est des gens normaux, pas des sauvages ou des extraterrestres ».
Assistés, voleurs ou mangeurs de hérissons
Les clichés ont donc la peau dure et pour beaucoup, les gens du voyage ne travaillent pas, ne payent rien et vivent au crochet de la société, « alors que beaucoup ont un emploi et payent leurs impôts comme tout citoyen français ». On les taxe aussi de voleurs « alors qu’il n’y en a pas plus qu’ailleurs » ou de mangeurs de hérissons. « Je n’en ai jamais mangé personnellement, indique Sandy. C’était peut-être le cas avant, quand les gens n’avaient rien à manger, et c’est resté dans l’imaginaire. On ne vole pas les poules non plus, on fait nos courses chez Leclerc comme tout le monde ».
Dans certaines vidéos, Loona taquine également Sandy sur la saleté présumée des gens du voyage. « C’est complètement faux, répond Sandy. On a des douches, des toilettes et tous les voyageurs sont très propres, sans exception. C’est pareil à l’intérieur de nos caravanes où c’est tout petit et ça se salit très vite. Donc on ne peut pas laisser s’entasser les choses et on doit nettoyer tous les jours ».
Des députés ou des maires véhiculent aussi ces clichés
Comme Sandy et Loona, d’autres jeunes gens du voyage jouent la carte de l’humour sur les réseaux sociaux, comme elodykb.shelby ou Brenda, pour raconter leur quotidien et balayer les idées reçues. « Une bonne chose » selon Nelly Debart, présidente de l’Association nationale des gens du voyage citoyens. « Tant mieux si cela permet de changer les mentalités et si ça en fait réfléchir certains, indique-t-elle. Cela montre aussi que nos jeunes ne sont pas illettrés et maîtrisent les technologies ».
Mais le combat est encore loin d’être gagné, selon la présidente de l’ANGVC. « On la vit tous les jours, cette discrimination, assure-t-elle. Et le plus grave, c’est qu’on entend aussi ces clichés dans la bouche de députés ou de maires alors qu’ils ne respectent même pas la loi sur les aires d’accueil des gens du voyage ».
Idem dans le monde du travail, où les gens du voyage doivent « cacher leur accent » lors des entretiens. « S’ils découvrent que vous êtes de la communauté, c’est sûr qu’ils ne vous embaucheront pas, déplore Sandy. Quand je travaillais, je ne disais rien à personne par exemple. On nous parle de notre difficulté à nous intégrer, mais c’est ça notre réalité et elle n’est pas jojo ».
* Le terme « racli » désigne, dans le jargon des gens du voyage, une jeune femme qui n’appartient pas à la communauté.