Saint-Denis : « Ils font la sieste avec des bonnets »… Plusieurs écoles privées de chauffage, les élèves se gèlent

Les petits Dionysiens auraient sans doute préféré une classe de neige. Depuis des mois, plusieurs écoles primaires et maternelles de la ville de Saint-Denis connaissent des problèmes de chauffage. Une situation particulièrement préoccupante avec les températures qui sévissent sur l’Île-de-France depuis plusieurs semaines.

« C’est en voyant ma fille rentrer à la maison avec de la sauce tomate sur son manteau que j’ai découvert ce qui se passe », explique Myriam*, dont les quatre enfants sont scolarisés dans le groupe scolaire Franc-Moisin. « Je lui ai dit qu’il fallait l’enlever pour manger, elle m’a alors répondu qu’il faisait beaucoup trop froid dans le réfectoire et que tous les enfants mangeaient couverts comme elle. »

Des « chauds-froids » à longueur de journée

Renseignements pris auprès de l’établissement et d’autres parents, il s’avère que dans plusieurs salles des trois étages de l’établissement, les chauffages sont hors-service depuis plusieurs mois. Une situation qui perdure malgré les alertes effectuées auprès de la municipalité, en charge des écoles du premier degré.

« C’est très difficile pour un enfant de manger emmitouflé dans son manteau, les personnels nous confirment qu’ils n’ont aucune latitude dans les mouvements, reprend Myriam. En plus, ils passent directement de salles chauffées à d’autres glaciales, et ainsi de suite au fur et à mesure de la journée. Pas étonnant qu’ils tombent tous malades. On avait déjà la grippe, pas besoin de plus. »

En tenue de ski pour la sieste

Ces alertes, Christelle* aussi en a lancé plusieurs après que son fils, scolarisé dans le groupe scolaire Gisèle Halimi de la sous-préfecture du « 9.3 », soit tombé malade à plusieurs reprises. « Depuis le début de l’année scolaire, une partie de l’école n’est plus chauffée. La mairie a bien fourni des chauffages d’appoint, mais ils sont bien insuffisants », se désole cette mère, qui témoigne devoir équiper son fils pour la sieste comme s’il partait dans le grand froid. « La directrice nous a conseillé de leur mettre des leggings, des bonnets et des vêtements chauds parce que le dortoir n’est plus chauffé. Ils font la sieste dans un froid polaire. » Selon elle, des températures inférieures à 10 °C ont été relevées certains jours dans les salles, photos des mesures à l’appui.

Dans le groupe scolaire Louise Michel – Bel Air, ce sont les parents qui ont été contraints de prendre les choses en main, jusqu’à apporter eux-mêmes de petits convecteurs d’appoint comme en témoigne Emilie, qui a une fille en maternelle et un fils en CM1 : « Cela fait deux ans qu’il n’y a plus de chauffage dans une partie de l’école. Environ la moitié des radiateurs ne fonctionnent plus. Dans des bâtiments aussi vieux, cela ne suffit pas. »

Des travaux à venir, mais pas avant la fin du mois de février

Les raisons de cette absence de chauffage dans les écoles de Saint-Denis ? Difficile de savoir pour les parents, qui ont entendu de nombreuses versions : « Problèmes de gaz », « pannes de chauffe-eau », « travaux trop conséquents ou coûteux »… « Nous avons interpellé Leyla Temel, adjointe en charge de l’enfance et de la vie scolaire à plusieurs reprises, par mails (que 20 Minutes a pu consulter) mais aussi en personne lors d’une visite de la cuisine centrale, explique Myriam*, mais c’est toujours la même réponse. Il faut attendre, les travaux arriveront à la fin du mois de février. Pourquoi attendre si longtemps ? C’est maintenant que les enfants souffrent du froid. »

Dans le viseur des parents, la mairie de Saint-Denis est aussi dans celui de la FCPE (Fédération des Conseils de Parents d’Elèves) du département, qui dénonce les convecteurs fournis « pas adaptés à cette surcharge » et qui font craindre, selon le syndicat « des risques d’incendie ».

Le parc scolaire « négligé pendant des décennies » selon la municipalité

Contactée par 20 Minutes, la mairie de Saint-Denis se défend et assure avoir bien conscience du problème. « Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités en 2020, nous avons lancé un diagnostic de l’état des lieux du patrimoine communal, et notamment des histoires de chauffage dans les bâtiments », explique un membre du cabinet de Mathieu Hanotin, le maire. Selon lui, un audit a été effectué et un tableau de suivi des différentes difficultés de la centaine de groupes scolaires que compte la ville a été mis en place.

Selon le cabinet du maire, la municipalité a hérité d’un parc scolaire vétuste. « La politique de l’ancienne municipalité était d’investir dans du neuf. Aussi, le parc existant a été négligé pendant des décennies et nécessite de gros investissements qui s’accumulent, en plus des dysfonctionnements du parc nouveau », explique-t-on. Et de préciser que le budget alloué aux bâtiments scolaires est passé de 1,5 million d’euros en 2020 à 5 millions en 2024 puis en 2025.

Les cas se multiplient en France

« Tous les vendredis, nous faisons un état des lieux des dysfonctionnements et des travaux nécessaires. Certains sont rapides à régler mais d’autres nécessitent des travaux plus lourds, avec parfois des canalisations à remplacer par exemple. Ce qui nécessite que l’école soit vide et donc qu’on ne peut agir qu’en période de vacances scolaires. D’où l’échéance de fin février citée pour certains établissements. »

« On va rattraper le retard au fur et à mesure, mais on ne règle pas cinquante ans de sous-investissement en quatre ans de mandat. Il faudra peut-être dix ans, soit deux mandats pour le faire. » Une donnée que la municipalité pourra de nouveau expliquer aux parents, qu’elle doit recevoir ce mercredi.

La ville de Saint-Denis s’inscrit malheureusement dans une liste qui s’allonge toujours plus d’écoles exposées au froid. À Amiens par exemple, des lycéens et leurs professeurs ont manifesté ce mardi matin devant leur établissement pour se plaindre des problèmes de chauffage.

* Les prénoms ont été modifiés